Introduction à la science des Attributs divins
(Partie 1)
Voir notamment :
e-nafî fî bâb sifât Allah qui à l’origine est une thèse universitaire
ès magistère du chercheur Azraq ibn Mo
hammed Su’aïdân ayant eu pour encadreur
Sheïkh U. D. Mo
hammed ibn Khalîfa e-Tamîmî.
Je fais les louanges d’Allah, Celui en dehors de qui il n’y a d’autre dieu digne d’être adoré ! Des louanges qu’Il mérite, car Il est capable de toute chose. Je L’implore de prier sur le meilleur de Ses créatures, Mo
hammed, Son serviteur et Son Messager, le sceau des Prophètes, celui qu’Il a envoyé à l’Humanité porteur des preuves éclatantes menant à la bonne direction (
hudâ) et à la vraie religion (
dîn el haqq) qui devait dominer sur la religion entière, et Lui Seul suffit comme témoin. Que les prières et les nombreuses salutations d’Allah soit sur lui !
Définition
Au niveau de la langue :une
sifat est un aspect, un caractère propre à un être, à une chose, ou une qualité intrinsèque. Elle a aussi le sens de description ; un médecin décrit les symptômes, l’état du patient en vue de lui prescrire un remède.
Ensuite, chaque spécialité lui donne sa propre définition. Les linguistes ont la leur dans leur jargon, mais dans le langage courant, elle est la propriété essentielle d’un être, d’une substance ou l’un de ses signes distinctifs. Dans le cas d’une personne, on dit qu’elle est grande, petite, sensée, intelligente, etc.
Pour les traditionalistes, elle désigne les caractéristiques d’un être. Dans le cas du Seigneur, il s’agit des qualités de perfection dont Il est doté (le Pouvoir, la Volonté, le Savoir, la Sagesse, etc.), et par lesquelles Il se différencie de la création. Les seules indications que nous avons sur ce sujet nous sont offertes par les textes canoniques (Coran,
sunna). Notons que cette définition est valable, comme nous le verrons pour les Attributs affirmatifs ; les Attributs négatifs ayant leur propre définition.
Rappel :Les Attributs qui sont liés à la Volonté divine se divisent en trois catégories :
Les Attributs purement essentiels : qui, sans dépendre de Sa Volonté ou de Ses Actions, sont inhérent à Lui.
Ex. : la Vie, le Savoir, la Puissance, l’Élévation au-dessus de Sa création, la Sagesse, la Grandeur, le Visage, les deux Mains, etc.
Les Actions purement volontaires : qui sont liées à Sa Volonté dans le sens où Il les fait quand Il veut.
Ex. : l’
istiwâ sur le Trône, la descente au premier ciel, la venue le Jour de la résurrection, la Colère, l’Agrément, le Rire, la Joie, etc.
Les Attributs qui, d’un point de vue, sont essentiels, et ceux qui, d’un autre point de vue, relèvent des Actions volontaires : ex. :la Parole qui, en regard de son origine et de sa nature, est un Attribut essentiel (inhérent à Lui) ; mais, qui, en regard de toutes les fois où Il parle, entre dans les Actions volontaires. Dans ce registre, nous avons le Verset : [
S’Il décide d’une chose, il Lui suffit de dire : sois, et elle est].
[1]
•
Remarque : les Actions volontaires (
Af’âl ikhtiyâriya) sont appelées également Attributs volontaires (
Sifât ikhtiyâriya) ou encore Attributs d’Action (
Sifât fi’liya).
[2]
La distinction entre la sifat et le na’t
Certains linguistes ont voulu faire une distinction entre la
sifat et le
na’t ; voici une liste des plus connues :
- le
na’t est uniquement utilisé pour les qualités, contrairement à la
sifat qui est valable pour les qualités et les défauts.
- Le
na’t est utilisé pour la description corporelle ou physique (grand, petit), tandis que la
sifat est utilisée pour décrire des actions (sortir, entrer, frapper, etc.).
- Le
na’t désigne des actions qui se répètent, qui se renouvellent, tandis que la
sifat désigne des qualités essentielles et intrinsèques.
- On ne parle pas de
na’t pour les Attributs essentielles (Main, Face, Pied, Doigt), mais de
sifât.
- Le
na’t désigne les Attributs notoires et connus de tous, alors que la
sifat a un sens plus général.
- Le
na’t désigne un endroit spécifique du corps, tandis que la
sifat englobe tout le corps.
En réalité, ses différentes définitions veulent plus ou moins dire la même chose, elles sont donc insignifiantes, d’autant plus que les textes ne font nullement part de ses nuances. Les
mutakallimîns, selon leur tendance la plus notoire, permettent d’utiliser le terme
sifat pour décrire le Très-Haut, mais ils l’interdisent pour le
na’t. La raison, c’est que le premier renvoie aux Attributs essentiels, tandis que le second fait allusion aux actions qui se renouvèlent et qu’il est impossible d’attribuer à Dieu, selon leur conception.
La distinction entre la sifat et le wasf
Jamais les linguistes n’ont séparé ces deux termes, qui sont sur la même racine. Néanmoins, les
mutakallimîns s’évertuent à les séparer en vue de faire admettre la différence entre les Attributs d’Allah qui seraient intrinsèques à son Être et Ses Actions qui seraient extérieures à Lui.
Or, ibn Taïmiya souligne que la
sifat et le
wasf peuvent renvoyer soit au discours qui décrit l’Être, soit au sens que renferme ce propre discours, tandis que les
jahmites et les
mu’tazilites notamment contestent ce point. À leurs yeux, en effet, les
sifât seraient simplement l’expression (
‘ibâra) qui refléterait l’Être, mais sans pour autant qu’Allah soit doté d’attributs intrinsèques.
[3]Les
Kullâbites et consorts peuvent éventuellement avoir recours à cette distinction quand ils disent que le
wasfc’est la parole, et que la
sifat est le sens intrinsèque à l’Être.
[4]
El Baqallânî
[5] et el Âmûdî
[6] après lui défendent cette théorie avec force.Leur but non avoué est de mettre à mal les Actions volontaires d’Allah qui sont le fruit de Son Pouvoir et de Sa Volonté. Ils font entrer dans le
wasf, qui, rappelons-le incarne la parole, tous les Attributs d’action pour nous dire qu’ils ne sont pas intrinsèques au Tout-Puissant.
[7]En parallèle, ils insèrent dans la
sifat tous les Attributs auxquels ils adhèrent : soit, les Attributs de sens(
Sifa ma’nâ) : ce sont les Attributs affirmatifs (essentiels, prééternels, anciens)
[8] qui renvoient à un sens supplémentaire par rapport à l’Essence divine et qui sied à Sa Majesté. Il s’agit des sept Attributs dont nous avons parlé dans un article précédent, et que nous remettons ici : la Vie, la Puissance, le Savoir, l’Ouïe, la Vue, la Volonté, la Parole.
[9] Ils portent également le nom d’Attributs rationnels,
[10] mais aussi existentiels.
[11]
Il leur devient ainsi facile de faire passer l’idée que les Attributs d’action ne sont pas intrinsèques à l’Être.
Réfutation
En réalité, tous les Attributs son intrinsèques à l’Être, indépendamment qu’ils soient :
1- des Attributs de sens intrinsèques à l’Être
2- des Attributs d’Action.
Si l’on sait que les Actions émanent de l’Être, il devient facile de comprendre qu’ils Lui sont intrinsèques au même titre que les Attributs essentiels. Quand on qualifie Allah de Savant, Puissant, et Vivant, cela signifie indubitablement qu’Il est doté du Savoir, de la Puissance, et de la Vie.
De la même façon, quand on qualifie Allah de Créateur, Pourvoyeur des besoins, c’est qu’Il est l’auteur des actions de création et de pourvoit aux besoins. La théorie précédemment citée est sournoise, dans le sens où elle rejoint la conception
jahmite selon laquelle l’Amour, la Colère, l’Agrément, la Miséricorde sont des créations qu’Allah crée à l'extérieur de Son Être.
[12]
La règle des Noms et Attributs divins
Sheïkh el Islamibn Taïmiya établit que la religion musulmane repose sur le principe qu’il faut décrire Allah comme Il s’est décrit Lui-même dans Son Livre ou comme Ses messagers l’ont décrit sans altérer ou falsifier le sens de Ses Noms et Attributs ou les renier, ni chercher non plus à savoir comment ou à les assimiler. Les musulmans attribuent au Seigneur ce qu’Il s’est attribué à Lui-même, et ils Lui refusent ce qu’Il se refuse à Lui-même.
En cela, ils se conforment aux paroles des prophètes et ils s’interdisent tout discours qui serait contraire aux-leurs. Les prophètes ont décrit le Très-Haut avec des Attributs parfaits et ils l’ont « purifié » de tout défaut ou de tout Attribut qui n’exprime pas la perfection. Dans le domaine de ce qu’ils lui attribuent (attributs positifs), ils s’expriment avec détails, mais ils évitent de faire toute ressemblance ; s’ils lui reconnaissent certaines caractéristiques en détail, ils restent concis concernant celles qu’ils Lui renient (dans le domaine des attributs négatifs). Quiconque renie les Attributs qu’Il se reconnaît à Lui-même est un négateur (
mu’attil), et quiconque cherche à le faire ressembler à Ses créatures est un assimilateur
[13] (
mummaththil). Le négateur adore le néant tandis que le
mu’attil adore une idole.
Ainsi, (
Rien ne lui ressemble)va à l’encontre des
mummaththil et (
mais Il est Entendant et Voyant)va à l’encontre des négateurs. Par exemple, les prophètes disent qu’Allah était Vivant et ils le « purifient » de la mort, ils disent qu’Il est Savant et ils le purifient en même temps de l’ignorance, etc. Ces règles se trouvent indistinctement dans le Coran, la
sunna, la
Thora et la prophétie en général. Celles-ci font l’unanimité des prophètes et concernent aussi bien les musulmans que les « gens du Livre ».
À suivre…
[1]Yâsîn ; 82
[2]Voir :
dar-u ta’ârudh e-‘aql wa e-naql d’ibn Taïmiya (2/3).
[3]Majmû’ el fatâwâ(1/147-148).
[4]Majmû’ el fatâwâ(3/335).
[5]E-tahmîd d’el Baqallânî (p. 244-255).
[6]Ghâyat el marâm (p. 144-145).
[7]Majmû’ el fatâwâ(3/335).
[8]Voir :
sharh el figh el akbar d’el Qârî (p. 33, 35), et
tuhfat el murîd sharh jawhara e-tawhîd d’el Baïjûrî (p. 89).
[9]Voir :
sharh el figh el akbar d’el Qârî (p. 33), et
tuhfat el murîd sharh jawhara e-tawhîd (p. 89).
[10]Voir pour les références
mâturîdites :
el ‘aqâid e-nasafiya avec son commentaire d’e-Taftâzânî (p. 44-69).
Voir pour les références
ash’arites :
el mawâqif d’el Îjî (p. 279-293).
[11]Voir pour les références
ash’arites :
el mawâqif d’el Îjî (p. 279), et son commentaire
sharh el mawâqif d’el Jurjânî (8/44) pour les références
mâturîdites.
[12]Sharh el ‘aqîda el asfahâniya(p. 63).
[13]Certains orientalistes traduisent
Mumaththil par anthropomorphiste qui signifie d’attribuer une forme humaine ou ce qui est caractéristique à l’être humain au Créateur. En cela, il ne prend pas le terme
Mumaththil dans toute son essence qui englobe de faire la ressemblance avec des créatures vivantes ou inertes, autres que les humains.