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  #4  
ÞÏíã 12 Nov 2011, 07:50 PM
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Le takfîr, le tafsîq, et le tabdî'
(Partie 4)

Ce discours ne veut pas dire que les traditionalistes ne se chargent pas de la critique des innovateurs, qui est une obligation religieuse, surtout si l’on sait que l’intérêt supérieur de la religion en dépend

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya – qu’Allah lui fasse miséricorde – fait remarquer : « Les opposants comme les chefs de file des innovateurs, les auteurs d’opinions ou de pratiques contraires au Coran et à la sunna, il incombe à l’unanimité des musulmans, de dévoiler leur situation à la nation et de la mettre en garde contre eux. On demanda à l’Imam Ahmed : « Vaut-il mieux, à tes yeux, faire la prière la nuit, le jeûne le jour, et des retraites spirituelles ou bien parler sur les innovateurs ?
  • En priant la nuit, en jeûnant le jour, et en se retirant dans les mosquées, on est le seul à en profiter ; tandis qu’en parlant sur les innovateurs, on en fait profiter tous les musulmans. Nul doute que cela vaut mieux ! »

Il a expliqué que cet intérêt revient à la communauté entière dans le domaine de la religion. Cette initiative est du même ordre que la guerre sur le chemin d’Allah puisqu’elle permet de purifier le chemin d’Allah, Sa religion, et Sa législation. À l’unanimité des savants, il incombe à une partie de la communauté de défendre les musulmans contre les méfaits et la rébellion de ces gens-là. Si Allah ne faisait pas brandir cet étendard pour les affronter, la religion serait directement en péril.
Les dommages seraient même plus considérables que ceux occasionnés par l’épée des envahisseurs. Lorsque l’ennemi, en effet, s’empare des terres musulmanes, il ne corrompt pas les cœurs et les convictions si ce n’est que par voie de conséquence, tandis que ces gens-là les détériorent d’emblée.»[1]

Ailleurs, il souligne : « Si un innovateur appelle à des convictions contraires au Coran et à la sunna, et que l’on craint qu’il égare les gens avec ses mauvaises idées, il faut dévoiler sa situation aux gens afin qu’ils soient sur leurs gardes et qu’ils sachent à qui ils ont à faire. L’ambition bien sûr à travers cela, c’est de prodiguer le bon conseil et de plaire au Visage d’Allah (I). Il ne s’agit pas de le faire pour des raisons passionnelles (jalousie, haine, rivalité, conflit de pouvoir). Il ne faut pas sous couvert de prodiguer le bon conseil, s’acharner contre son frère et assouvir ses envies de vengeance, ce qui en soi est une œuvre du Diable. »[2]
« Critiquer les rapporteurs de hadîthen toute vérité et les hérésies des innovateurs est une obligation religieuse. »[3]

Or, cette obligation religieuse est soumise à deux conditions : avoir de la science et une bonne intention

« D’autre part, celui qui parle de ses choses avec science doit absolument avoir une intention saine. Si, bien que son discours soit vrai, il veut à travers cela semer le désordre sur terre, il est comparable au guerrier qui se sacrifie au combat pour défendre son clan ou par ostentation. Cependant, s’il fait cela pour Allah afin de lui rendre le culte sincère et exclusif, il compte dans les rangs des combattants sur le sentier d’Allah parmi les héritiers des prophètes et les successeurs des messagers.

Ce registre ne va pas en opposition avec les paroles du Prophète (r)disant : « La médisance c’est dire sur ton frère ce qui lui déplait. »Le frère n’est autre que le croyant ; si le frère du croyant est sincère dans sa foi, il ne peut être affecté par la vérité aimée d’Allah et de Son Messager, quand bien même elle serait contre lui ou l’un de ses proches. Il doit plutôt établir la justice, en se faisant le témoin d’Allah aux dépens même de sa propre personne, de l’un de ses parents ou de ses proches.

À partir du moment où il éprouve une certaine répulsion envers la vérité, cela dénote une certaine baisse de foi de la même façon que sa fraternité diminue proportionnellement à sa baisse de foi. Il ne doit pas tenir compte du mauvais sentiment qu’il éprouve en raison de sa foi faible ; et cela, étant donné qu’il doit absolument faire devancer l’amour d’Allah et de Son Messager à son mauvais sentiment envers les choses aimées d’Allah et de Son Messager, comme le formule le Verset : (tandis qu’Allah et Son Messager méritent mieux de se voir agréer).[4] »[5]

Le musulman n’est responsable que dans les limites de ses capacités

Allah (I) révèle : [Nous n’allions châtier personne avant d’envoyer un messager].[6]

Il existe des questions qui ne s’opposent pas de façon évidente aux textes. Elles relèvent plutôt de l’effort d’interprétation (ijtihâd). Domaine dans lequel il règne une divergence entre savants. Il est possible qu’aux yeux de certains d’entre eux, ces questions soient claires comme l’eau de roche, et qu’Allah leur ait montré la vérité sur celles-ci. Cependant, cela ne leur donne pas le droit de les imposer à ceux pour qui la chose n’est pas aussi évidente…

Il est possible également qu’ils y aillent de leurs propres efforts d’interprétations. Ce qui est tout à fait compréhensible de la part de ceux qui en ont la compétence et de ceux qui font leur taqlîd… Autrement dit, ils ne sont pas condamnables…
Pour être condamnable, il faut négliger une obligation ou transgresser une interdiction, sans n’être motivé par une erreur d’interprétation tolérable ou une excuse légitime. Dans ce cas de figure, nous avons ceux qui affichent une tendance allant en opposition avec le Coran et la sunna...
Néanmoins, parfois, la chose est ambiguë. Nous ne pouvons affirmer avec certitude que telle parole ou tel acte est passible ou non d’une punition. Dans ce cas, il vaut mieux s’abstenir et laisser la chose en suspens, car : « Il vaut mieux pardonner par erreur que de punir par erreur. »[7] »[8]
Exemples d’effort d’interprétation excusable

L’Imâm ibn Khuzaïma remettait en question le hadîth disant qu’Allah avait créé Adam à Son Image. Selon lui, en allant ainsi à l’encontre du consensus des savants comme le stipule ibn Taïmiya,[9]l’image revenait à Adam. C’est exactement ce genre d’interprétation que l’Imam Ahmed attribuait aux jahmites.[10]

Pour sa défense, e-Dhahabî met en avant : « Ibn Khuzaïma tient une grande place dans nos cœurs. Nous les vouons un grand respect en raison de son savoir et de sa religiosité. Il était fidèle à la sunna. Dans son ouvrage e-tawhîd, épais d’un seul volume bien fourni, il interprète le hadîthde « l’Image ». Or, en règle générale, en interprétant certains Attributs, on est excusable.

Quant aux anciens, ils n’ont jamais eu recours à l’interprétation des textes (ta-wîl)… Néanmoins, si chaque erreur qui résulte d’un effort d’interprétation et venant d’un savant connu pour sa bonne croyance et sa soumission à la vérité, nous devions le détruire et le taxer d’innovateur, il y aurait très peu d’imamqui échapperait à notre courroux. »[11]

Le grand Mohammed el Karkhî, à son tour, voyait qu’après les questions de la tombe, le mort n’avait plus aucune sensation dans l’entre-deux monde (barzakh), et ne subissait donc aucun châtiment. Ibn Taïmiya fait remarquer qu’il était le seul parmi les grandes références à avoir fait cette interprétation qui allait à l’encontre de la grande majorité des anciens. Malgré cela, il gardait son rang d’Imam dans le sens où son erreur n’avait aucune conséquence sur sa crédibilité.[12]

Notons enfin qu’aux yeux d’ibn Taïmiya, l’erreur d’un Imam qui se noie dans l’océan de ses bonnes œuvres ne justifie pas qu’on l’imite sur son opinion. Ce dernier avait au moins l’excuse de ne pas connaitre la question dans tous ces détails, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de gens qui sont venus après lui. Ainsi, si on offre à la Mère des croyants l’excuse de contester que les morts puissent entendre dans la tombe, nous ne pouvons pas en dire autant de ceux qui, en toute âme et conscience, on reprit après elle cette tendance à leur compte. Nous devons donc bien appréhender cette règle qui est d’une extrême importance.[13]Quoi que ce dernier point reste complexe, je reviendrais dessus in shâ Allah dans un prochain article.

On peut toujours avancer que l’Imâm Ahmed a badda’ certains cas particuliers sans ne leur avoir donné, à priori, aucune circonstance atténuante

Ce à quoi nous répondons : bon nombre de réponses venant de l’Imam Ahmed ou d’autres références ont été orientées en fonction de la question et de la situation de l’interlocuteur ; ou bien son discours était-il particulier à l’interlocuteur dont la situation lui était notoire. Cela est du même ordre que les décisions particulières que le Messager d’Allah (r) a prises au sujet de certaines affaires. Il faudrait donc établir une loi correspondante pour chaque affaire analogue.[14]

Le cas de Hafsel Fard

Lors d’un débat qui l’aurait opposé à l’Imâm Shâfi’î, ce dernier aurait affirmé : « Le Coran est créé !
  1. Tu viens de renier Allah l’Immense, lui aurait rétorqué l’Imam ! »[15]

Indépendamment de savoir comment les savants ont-ils interprété cette histoire, retenons qu’aux yeux d’ibn Taïmiya, l’Imâm la jugé apostat, après avoir établi contre lui la preuve céleste. Il faillit même le mettre à mort.[16]Or, dans un autre passage, il relativise son discours en disant : « … Si tu vois un Imamfaire une attaque très sévère contre l’auteur d’une parole, voire le sortir de la religion, cela n’en fait pas un statut général qui s’appliquerait à tous ceux qui la prononcent, sauf s’ils remplissent les mêmes caractéristiques que Hafsayant mérité une attaque aussi sévère et d’être condamné à la mécréance. »[17]

Ailleurs, il renchérit : « L’Imam nous montre que sa parole était du kufr, mais sans condamner Hafsà l’apostasie, juste pour cela. La raison, c’est qu’il appréhendait mal la preuve céleste faisant sortir de la religion l’auteur d’une telle parole. Si l’Imamavait été convaincu qu’il était un apostat, il aurait entrepris les démarches pour le condamner à mort. En outre, dans ses livres, il établit explicitement qu’il acceptait le témoignage des innovateurs et qu’il priait derrière eux. »[18]Il faut allusion notamment à son recueil el Umm.[19] La même page, l’Imam Shâfi’î ramène un consensus de son époque disant que les erreurs d’interprétation (avec les détails que cette question réclame) sont excusables.[20]Ibn Taïmiya le rejoint sur ce point.[21]

Ainsi, les anciens ne rendaient ni pervers ni mécréants les savants qui se trompaient suite à une erreur d’interprétation.[22]Ibn Taïmiya va jusqu’à s’abstenir d’appliquer le takfîr ou le tafsîq contre certains savants qui maitrisaient mal certains détails du kalâm (jawhar el fard, tamâthur el ajsâm, baqâ el a’râdh, etc.).[23]

Certaines circonstances atténuantes

Ibn Taïmiya dresse une liste des interdictions que certains anciens avaient autorisées moralement. Puis, il conclut : « Ce domaine est vaste ; il englobe tous les éléments de la religion qui furent interdits par le Coran et la sunna, et qui furent autorisés par certains membres de la communauté, faute d’avoir eu entre les mains les preuves du contraire, ou bien qu’ils les aient confrontés à d’autres arguments qu’ils pensaient être plus forts. Ils étaient motivés par un effort d’interprétation qui les mena à des conclusions en accord avec leur niveau d’intelligence et de savoir… »[24]

La raison est-elle à même de distinguer entre le bien et le mal ?

Ibn Taïmiya explique : « Les créatures ne sont pas capables de savoir ce qu’Allah aime et agrée ni ce qu’Il ordonne ou interdit. Ils ne peuvent deviner les jouissances qu’Il a réservées à Ses élus ni les châtiments qu’Il a réservés à Ses ennemis. Ils n’ont aucune idée également des nobles Noms et Attributs qu’Il mérite, car la raison n’est pas en mesure de le deviner, etc. S’ils ont accès à toutes ces choses, c’est uniquement grâce à la présence des messagers qu’Allah leur a envoyés. »[25]

« … Pour comprendre ce principe, nous devons nous poser la question : est-ce que la Loi divine est applicable à toute personne responsable même avant qu’elle ne lui parvienne ? Il existe trois opinions notoires notamment dans la tendance d’Ahmed : l’une disant qu’elle est applicable, l’autre disant qu’elle ne l’est pas, et la dernière enfin disant que seule la loi d’origine est applicable, non celle qui l’abroge. La plus plausible toutefois est celle selon laquelle elle n’est pas tenue de récupérer tout ce qu’il n’a pas fait avant de la connaitre ; la Loi divine n’est donc pas applicable avant d’avoir été transmise, conformément aux Versets : [Ce Coran me fut révélé afin que je vous avertisse, vous et tous ceux à qui il est parvenu],[26][Nous n’allions châtier personne avant d’envoyer un messager].[27][[Des messagers avertisseurs et annonciateurs]afin que les hommes ne puissent opposer à Allah aucun argument après leur venue].[28]Le Coran a recours à différents procédés pour démontrer ce point. Ils nous apprennent en substance qu’Allah ne châtie aucune personne avant que les enseignements prophétiques ne lui fussent transmis.

Quelqu’un peut savoir que Mohammed est le Messager d’Allah, puis croire en lui, mais sans connaitre les nombreux détails de son message. Allah ne le châtiera pas pour ceux qu’il n’a pas reçus. S’Il ne châtie pas un homme n’ayant pas la foi avant que le message ne lui parvienne, à fortiori, Il ne châtie pas celui, qui, ayant cru en Lui, n’a pas eu accès à certains de ses détails. »[29]

À suivre…







[1]Majmû’ el fatâwâ (28/231-232).
[2]Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (voir : 28/ 221).
[3]Voir : Majmû’ el fatâwâ (28/234).
[4]Le repentir ; 62
[5]Majmû’ el masâil wa e-rasâil (5/281).
[6]Le voyage nocturne ; 15 voir les tafsîr d’e-Tabarî et d’ibn Kathîr.
[7]La première partie du hadîth est devenue une règle de fiqh, bien que les termes ne remontent pas au Prophète, mais ils viendraient plus probablement des Compagnons. En outre, sa chaine narrative est controversée ; voir : irwâ el ghalîl (2355), et dha’îf el jâmi’ e-saghîr (259) tous deux de Sheïkh el Albânî.
[8]Majmû’ el Fatâwâ (10/383-385).
[9]Bayân talbîs el jahmiya (6/373).
[10]Tabaqât el hanâbila d’Abû Ya’lâ (2/236).
[11]Siar a’lâm e-nubalâ (14/374-375).
[12]Bayân talbîs el jahmiya (6/398-406).
[13]Majmû’ el Fatâwâ (6/61).
[14]Majmû’ el Fatâwâ (28/ 213).
[15]Ce débat fut retranscrit par de nombreux compilateurs, comme e-Lalakâî dans sharh usûl i’tiqâd ahl e-sunna (p. 252-253).
[16]Majmû’ el fatâwa (12/506).
[17]Majmû’ el fatâwa (6/61).
[18]Majmû’ el fatâwa (12/489).
[19]El umm (6/205).
[20]El umm (6/205).
[21]Majmû’ el fatâwa (5/563), et manhâj e-sunna (5/239).
[22]Manhâj e-sunna (3/20) ; voir également : Majmû’ el fatâwa (23/346) et (9/207).
[23]Manhâj e-sunna(3/21).
[24]Majmû’ el fatâwâ(20/263-268).
[25]Majmû’ el fatâwa (1/121).
[26]Le bétail ; 19
[27]Le voyage nocturne ; 15 voir les tafsîr d’e-Tabarî et d’ibn Kathîr.
[28]Les femmes ; 165 voir les tafsîr d’el Baghawî et de Shanqîtî.
[29]Majmû’ el fatâwa (22/41) ; voir également : (2/41-42, 12/439).

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