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ÅÖÇÝÉ ÑÏ
 
ÃÏæÇÊ ÇáãæÖæÚ ÇäæÇÚ ÚÑÖ ÇáãæÖæÚ
  #1  
ÞÏíã 09 Nov 2011, 03:12 PM
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ÇÝÊÑÇÖí Le takfîr, le tafsîq, et le tabdî'





Le takfîr, le tafsîq, et le tabdî'
(Partie 1)

Personnellement, je tiens à bannir de mon vocabulaire toute expression, qui au lieu de dépassionner le débat, pour reprendre un passage d'un livre interdit en France, il l'embrouille, l'envenime et le rend impossible, soit tout le contraire de l'ambition que je m'assigne. L'analyse doit être distinguée de toute polémique, mais aussi des arrières pensées que l'on croit détecter chez l'autre. Inutile de se prêter au jeu et d'ouvrir la chasse aux sous-entendus. Ce qui importe, si l'on veut être compris, c'est une authentique analyse du phénomène exempte de tout soupçon.

Je fais les louanges d’Allah, Celui en dehors de qui il n’y a d’autre dieu digne d’être adoré ! Des louanges qu’Il mérite, car Il est capable de toute chose. Je L’implore de prier sur le meilleur de Ses créatures, Mohammed, Son serviteur et Son Messager, le sceau des Prophètes, celui qu’Il a envoyé à l’Humanité porteur des preuves éclatantes menant à la bonne direction (hudâ) et à la vraie religion (dîn el haqq) qui devait dominer sur la religion entière, et Lui Seul suffit comme témoin. Que les prières et les nombreuses salutations d’Allah soit sur lui !

Introduction

Ce n’est pas le genre de questions (celle selon laquelle les mécréants verront ou non Leur Seigneur le Jour de la résurrection ndt.) qui, à ma connaissance, a engendré la séparation et l’exclusion entre ceux qui s’y initièrent. La plupart comptaient, en effet, dans les rangs des traditionalistes… L’Imâm Ahmed avait des discussions houleuses sur le fait d’affirmer de façon formelle que les « dix promis » étaient au Paradis. Lui, et tant d’autres pensaient que c’était effectivement le cas, mais, jamais, ils ne mirent en quarantaine quelqu’un de la partie adversaire dans cette question.[1]

Les dangers du tabdî’

Un article précédent mettait en lumière les dangers du takfîr (taxer quelqu’un de mécréant), il serait bien ici de faire la même chose, mais en plus résumé, avec la question du tabdî’ (taxer quelqu’un d’innovateur). Il est, en effet, extrêmement grave de sortir les gens du giron de la sunna.[2]L’Imam e-Dârimî nous décrit ce symptôme en ces termes : « L’innovation est un domaine extrêmement grave. Tout individu y étant affilié prend une mauvaise place au milieu des musulmans. Évitez donc de vous précipiter à taxer quelqu’un d’innovateur, mais prenez le temps de vérifier, et de vous enquérir que le discours de l’une des deux parties en dispute soit conforme ou non à la vérité.
Comment pouvez-vous faire des conclusions hâtives sur un groupe sans savoir s’il a raison ou non, et sans n’être en mesure, du point de vue de votre école, de dire à l’une des deux parties qu’elle s’est trompée, et que la vérité se trouve ailleurs !

Il est vraiment aberrant et inculte de pointer du doigt un groupe tout en étant incapable d’être formel sur la teneur de ses propos, et sans n’être à l’abri au même moment, du point de vue de son école, que l’une des deux parties soit conforme à la vérité et à la sunna. Comment peut-on alors la taxer de mubtadi’sans n’être à l’abri d’inverser les valeurs ni distinguer entre le vrai et le faux, et de, tout bonnement, condamner sans s’en rendre compte, une sunna. Cette approche est plus que ténébreuse, et il serait très périlleux de minimiser un tel niveau d’ignorance. »[3]

En outre, bon nombre de gens qui parlent des sectes fondent leur jugement sur des suspicions et sur les passions. Ils mettent dans le camp des traditionalistes leur groupe et leur meneur auxquels ils s’affilient et vouent leur alliance. Dans le camp des innovateurs, ils comptent tous leurs adversaires. Il est clair que cette approche est ténébreuse. Les traditionalistes, en effet, n’ont aucun meneur en dehors du Messager d’Allah (r) ; celui-là même qui ne parle pas sous l’effet des passions, mais qui est inspiré par la Révélation. Il incombe de croire à tous ses enseignements et d’obéir à tous ses commandements. Aucun Imam après lui ne jouit de ce statut. « Tous les hommes en dehors du Prophète (r)ont des paroles qu’il est possible de prendre ou de rejeter. » (…)

[Les traditionalistes] n’ont d’autre meneur que le Messager d’Allah (r) qu’ils suivent aveuglément. Eux, qui connaissent mieux que quiconque ses paroles et ses faits et gestes. Ils sont le plus à même de faire le tri entre les hadîth faibles et authentiques. Leurs grandes références pénètrent la sunna sur le bout des doigts ; légistes incontestables, ils en connaissent l’explication ; ils en sont les plus fidèles dans les actes, en y donnant foi, et en fondant dessus leur sentiment d’alliance (l’amour et la haine en Dieu).[4]

Les traditionalistes sont ceux qui suivent le Coran, la sunna, et le consensus des anciens

Ibn Taïmiya définit les traditionalistes comme suit : « Ils représentent ceux qui s’attachent au Livre d’Allah, à la Tradition de Son Messager (r), au consensus des premiers et devanciers parmi les Émigrés mecquois, les Auxiliaires médinois, et leurs fidèles successeurs. »[5]
Le signe distinctif des traditionalistes, c’est de prendre les textes et le consensus en référence.[6]Ces derniers suivent fidèlement les pieux Prédécesseurs ne se prononcent sur aucune chose relevant du domaine de la religion sans s’inspirer du Messager (r) ; soit, conformément aux enseignements du Coran et de la sunna. Quant aux innovateurs, ils ne s’inspirent ni du Coran ni de la sunna et ni des annales remontant aux pieux Prédécesseurs. Ils se tournent plutôt vers la pensée, la langue, et la philosophie.[7]
Qu’est-ce que l’innovation ?

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya établit : « La bid’a(l’innovation ndt.)[8]par laquelle nous pouvons considérer que son auteur est un mubtadi’ (innovateur ndt.)correspond à toute initiative connue chez les savants traditionalistes pour être contraire au Coran et à la sunnaà l’exemple de la bid’ades kharijites, des râfidhites, des qadarites, et des murjites. »[9]

L’innovation incarne : « tout ce qui va à l’encontre du Coran, de la sunna, et du consensus des anciens dans le domaine de la croyance ou de l’adoration. »[10]Ou, en d’autres termes : « tout ce qu’Allah n’a pas légiféré dans le domaine de la religion… Quiconque prend pour religion ce qu’Allah n’a pas légiféré relève de l’innovation, quand bien même celle-ci serait motivée par une mauvaise interprétation. »[11]

En allant à l’encontre du Coran, de la sunna, et du consensus, dans des questions où la divergence n’est pas tolérable et où leur auteur n’est pas excusable, on devient un innovateur

« Quiconque va à l’encontre du Coran clair, de la sunnarépandue, ou du consensus des anciens de la communauté, de sorte qu’il ne soit pas excusable, sera traité comme un innovateur. »[12]

Ainsi, l’innovateur est celui qui est connu pour être des gens des passions et de l’innovation, quand bien même son erreur serait pardonnable et qu’il ne mériterait aucune punition. Il reste, malgré tout, un égaré animé par ses passions. Il est capable de délaisser la vérité qui va à leur encontre. Il est possible au même moment qu’il ne sache pas qu’il s’oppose au Messager (r), mais il n’en décèle pas moins de l’hypocrisie et de l’innovation qui sera fonction de son degré d’affront envers Allah et Son Messager,[13]et de son éloignement du Coran et de la sunna.[14]

En outre, il se caractérise pour suivre quelqu’un d’autre que le Messager d’Allah (r), parmi ses pères et ses ancêtres, et envers qui il fonde ses sentiments d’amour et de haine ; il aime tous ceux qui sont en accord avec lui, et déteste tous ceux qui sont en désaccord avec lui.[15]Il n’est pas enclin à se cramponner au Coran, à la sunna, et au consensus.[16]Les innovateurs ne rapportent pas leurs litiges aux textes scripturaires de l’Islam ; ils sont déchirés par des conflits qui sont souvent verbaux, mais qui peuvent aussi être physiques.[17]Leur signe distinctif est de délaisser le chemin des anciens.[18]Ils ne suivent que des conjectures et leurs passions,[19]et, surtout, ils ne prennent pas en référence les textes et le consensus des anciens.[20]

« L’innovation est rattachée à la division comme la Tradition est rattachée à l’union. C'est pourquoi on dit les gens de l’union et de la Tradition en opposition aux gens de la division et de l’innovation. »[21]

En outre, quand on parle de consensus, on fait allusion, plus infaillible, au consensus des anciens,[22]conformément au hadîth : « Je vous recommande de craindre Allah (U), d’écouter et d’obéir au gouverneur, même s’il est esclave [abyssin]. Celui qui vivra parmi vous assistera à de nombreuses divergences. Accrochez-vous donc à ma tradition et à celle des nobles khalifes bien guidés. Tenez-la bien et prenez-la fermement par les molaires. Et méfiez-vous des choses nouvelles, car toute nouveauté est innovation et toute innovation est égarement. » E-Tirmidhî a fait ensuite le commentaire suivant : « Ce hadîth est bon et authentique. »[23]

Ce principe fut établi par l’Imâm Ahmed,[24]et recensé par les grandes références traditionalistes après lui, à l’image d’el Barbahârî.[25]

La définition des usûl : bases ou questions fondamentales de la religion

SheïkhTaqî e-Dîn a dit : « Les bases fondamentales de la religion se présentent sous la forme suivante : soit, il s’agit de questions auxquelles il incombe de donner foi, de prononcer verbalement, ou de mettre en pratique. Ex. : les questions qui touchent à l’Unicité, aux Attributs, au destin, à la prophétie, à l’eschatologie (la vie après la mort ndt.), ou toutes les questions qui les démontrent… »[26]

Ailleurs, il précise : « Donner foi au caractère obligatoire des obligations apparentes et communément transmises et au caractère prohibé des interdictions apparentes et communément transmises est l’un des plus grands fondements de la foi et des fondements de la religion. »[27]

La distinction entre les usûl et lesfurû’(questions subsidiaires de la religion)

SheïkhTaqî e-Dîn établit qu’Allah pardonne au croyant qui qu’il soit, lorsqu’il commet une erreur malgré ses efforts à la recherche de la vérité. Il n’y a pas de différence en cela, entre les questions fondamentales (usûl ndt.)ou subsidiaires (furû’ ndt.) ; cette tendance est celle des Compagnons et de la plupart des grandes références de l’Islam. Ces derniers n’ont jamais fait la différence dans le domaine du takfîr entre les questions fondamentales qui, en les reniant, feraient sortir de la religion, et les questions subsidiaires qui ne feraient pas sortir de la religion celui qui les renie.

Puis, il poursuit : « Quant à séparer entre les éléments de la religion en deux ensembles en faisant entrer dans le premier d’entre eux les questions dites fondamentales et dans l’autre, les questions dites subsidiaires ; il faut savoir que cette distinction ne prend son origine ni chez les Compagnons ni chez leurs fidèles successeurs ni chez les grandes références de la religion. Elle provient plutôt des innovateurs, avec les mu’tazilitesà leur tête.

C’est de ces derniers que s’inspirent les légistes qui en parlent dans leurs ouvrages. Sans compter que cette distinction se contredit elle-même. Nous demandons à ses théoriciens de nous indiquer la limite des questions fondamentales qui vouent toute erreur à la mécréance et la limite des questions subsidiaires !
Ils peuvent toujours répondre que les premières représentent les questions dogmatiques et les secondes, les questions pratiques.
Ce à quoi nous répondons : les musulmans se sont divisés sur le sujet de savoir si le Prophète (r)a vu ou non Son Seigneur, si ‘Uthmân est meilleur qu’Ali, sur de nombreuses exégèses du Coran, et sur l’authenticité de certains hadîth ; en sachant que ces divergences relèvent des questions dogmatiques et théoriques. Pourtant, celles-ci n’entrainent aucun takfîrà l’unanimité des savants.
D’un autre côté, le caractère obligatoire de la prière, de l’aumône légale, du jeûne et le caractère prohibé de la débauche, et du vin sont de l’ordre des questions pratiques. Pourtant, à l’unanimité des savants, elles vouent à la mécréance toute personne qui les renie.

Ils peuvent aussi vouloir dire que les usûl renferment les questions formelles.
Ce à quoi nous répondons que nombre de questions pratiques sont formelles ; comme il existe de nombreuses questions théoriques qui ne le sont pas. Tout en sachant que la notion de « formel » ou de « probabilité » est relative. Une question peut être formelle pour quelqu’un qui détient de son point de vue une preuve irréfutable ; il peut avoir entendu un texte prophétique et pénétrer parfaitement ses intentions ; au moment où pour un autre cette question n’atteint même pas le degré de probabilité, avant qu’on puisse parler de formelle, étant donné qu’il n’a jamais eu cette preuve entre les mains, ou que, bien qu’il l’en ait connaissance, il remet en question son sens ou son authenticité, ou encore qu’il ne soit pas en mesure d’y puiser le moindre argument. »[28]

À suivre…






[1]Voir : Jâmi’ e-rasâil d’ibn Taïmiya avec la recension de Fawz Ahmed Zamralî (2/101-102).
[2]E-sunna d’el Khallâl (2/373).
[3]E-radd ‘alâ el jahmiya (p. 193).
[4]Majmû’ el Fatâwâ (3/346-347).
[5]Majmû’ el fatâwâ (2/375) ; voir chez des références plus anciennes : el hujja fî bayân el mahajja de Qawwâm e-sunna (2/410).
[6]Majmû’ el Fatâwâ (3/346-347).
[7]Cet extrait est retranscrit en résumé : voir notamment : muwafaqat sarîh el ma’qûl li sarîh el manqûl en annotation à manhâj e-sunna (1/222).
[8]Sheïkh Ibrahim e-Ruhaîlî a retenu la définition suivante de l’innovation : c’est toute voie inventée dans la religion qui vient s’opposer à la Législation avec l’intention pour celui qui l’emprunte d'amplifier l’adoration d’Allah.
[9]Majmû’ el fatâwâ (35/414).
[10]Majmû’ el fatâwâ (414/35).
[11]El istiqâma (1/42).
[12]Majmû’ el fatâwâ (24/172).
[13]Majmû’ el fatâwâ (13/63).
[14]Majmû’ el fatâwâ (12/464).
[15]Majmû’ el fatâwâ (3/346-347).
[16]Majmû’ el fatâwâ (12/465).
[17]Majmû’ el fatâwâ (17/311-313).
[18]Majmû’ el fatâwâ (4/155).
[19]Majmû’ el fatâwâ (10/370-371).
[20]Majmû’ el fatâwâ (13/62-63).
[21]El istiqâma (1/42).
[22]Majmû’ el fatâwâ (3/157).
[23]Rapporté par Abû Dâwûd (4607), ibn Mâja (42, 43), e-Tirmidhî (2676), et Ahmed dans son musnad (17145) ; Sheïkh el Albânî l’a authentifié dans sa recension de sunan abî Dâwûd, ainsi qu’ibn Taïmiya dans Majmû’ el fatâwâ (18/190).
[24]Voir : usûl e-sunna de l’Imâm Ahmed,
[25]Sharh e-sunnad’el Barbahârî (p. 59).
[26]Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql(1/27).
[27]Majmû’ el fatâwâ (12/496).
[28]Majmû’ el fatâwa (23/346-347) ; voir également : (13/126) et (19/207-212) ; mais aussi : manhâj e-sunna (5/84-95).

ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
  #2  
ÞÏíã 10 Nov 2011, 08:37 PM
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Le takfîr, le tafsîq, et le tabdî'
(Partie 2)

Bien qu’aléatoires, les termes usûl et furû’ ne sont pas condamnables en eux-mêmes !

L’homme qui rendit l’âme dans les murs de sa prison est l’auteur des paroles : « Si tu sais que l’expression usûl e-dîn, dans le vocabulaire de ses instigateurs est une notion vague et floue, car renfermant une conception élastique qui varie en fonction des contextes et des spécialités dans lesquels elle est utilisée ; tu te rendras compte que le vrai usûl e-dîn pour Allah, Son Messager, et Ses serviteurs croyants fut hérité, en réalité, du Messager. »[1]
« De nombreux imams des différents groupes, comme les légistes, les traditionnistes, et les soufis(y), bien qu’au niveau des furû’, ils suivent différentes écoles, tous revendiquent être conformes au niveau des usûlou de la sunna, à la tendance d’Ahmed ibn Hanbal. »[2]
« Là où nous voulons en venir ici, c’est que les procédés utilisés par le Coran pour éclairer les arguments et les questions dans les usûlet les furû’, sont d’une extrême perfection. »[3]

Ainsi, ces deux termes s’étant vulgarisés dans quasiment toutes les spécialités de la religion, et, de surcroit, pouvant revêtir une bonne connotation, il n’y a pas de raison à ne pas les utiliser. D’autant plus, qu’il est même possible, aux yeux d’ibn Taïmiya, d’utiliser des termes hérétiques par condescendance, et si l’intérêt le réclame. C’est le cas par exemple quand on s’adresse à des personnes qui ne connaissent que ce vocabulaire.[4]Que dire alors si l’on sait que ces deux termes trouvent leur légitimité dans les textes ! Le tout est de bien les délimiter et de les orienter. Ibn Taïmiya s’en charge en offrant une distinction d’une extrême cohérence et d’une imparable précision entre les notions d’usûl et defurû’.

Qu’on en juge : « En réalité, toute question évidente touchant à chacun de ces deux domaines (théorique et pratique)entre dans les usûl ; et toute question subtile entre dans les furû’. Connaitre le caractère obligatoire des cinq piliers de l’Islam, le caractère prohibé des interdictions évidentes et communément transmises ; comme savoir, parmi les questions dogmatiques évidentes et communément transmises, qu’Allah est capable de faire toute chose, qu’Il est Omniscient, qu’Il est Entendant, Voyant, que le Coran est Sa Parole, etc.
C’est pourquoi, en reniant les lois pratiques que nous avons citées, et sur lesquelles règne un consensus, on devient un mécréant, au même titre que celui qui renie l’une de ces questions dogmatiques… »[5]

La classificationusûl/furû’est tout simplement illégitime dans le domaine du takfîr[6]

Puis, il enchaine : « Il est même possible qu’il soit plus imposé de reconnaitre certaines lois pratiques que les lois dogmatiques. C’est même le cas pour la plupart des questions ! Il suffit, en effet, d’avoir une connaissance générale des questions dogmatiques qui touchent à la foi en Dieu, à Ses anges, à Ses Livres, à Ses messagers, à la vie après la mort, et au destin qu’il soit bon au mauvais.

Quant aux obligations religieuses, il incombe d’en avoir une connaissance approfondie, car c’est le seul moyen de les mettre en pratique… »[7]

Ibn Taïmiya insiste sur le fait que les compagnons ne faisaient pas la différence entre les usûl (dont le shirk akbar fait partie) et les furû’ pour les erreurs d’interprétation.

Voici ses paroles : « Celui qui fait une mauvaise interprétation des textes, mais dont les intentions sont de suivre scrupuleusement le Messager (r), il ne devient pas mécréant ni pervers, s’il se trompe à la suite d’un effort d’interprétation. Ce principe est notoire pour les questions pratiques (furû’ ndt.). Quant aux questions liées au dogme (usûl ndt.), bon nombre de gens ne donnent pas d’excuse à celui qui se trompe dans ce domaine. Or, cette tendance n’est connue par aucun Compagnon ni par leurs fidèles successeurs ni par les grandes références de l’Islam.Elle prend son origine chez les innovateurs qui innovent des principes et qui sortent de l’islam tous ceux qui ne veulent pas s’y soumettre, à l’image des kharijites, des mu’atazilites, et des jahmites. Bon nombre d’adeptes des quatre écoles l’ont adoptée, comme certains malikites, certains shafi’ites, certaines hanbalites, et d’autres. »[8]

Il explique ailleurs : « Quant à moi, – ceux qui s’assoient avec moi le savent très bien –, je compte parmi les gens qui défendent avec le plus d’acharnement de condamner une personne en particulier d’apostat, de pervers, ou de désobéissant sauf s’il devient certain que la preuve prophétique a été fournie contre elle (qâmat el hujja e-risâliya) de sorte que toute personne qui les contredit soit condamnable d’être soit apostat, soit pervers ou soit désobéissant. J’ai par ailleurs établi qu’Allah pardonne les erreurs commises par les membres de cette communauté :Cela concerne aussi bien les erreurs qui relèvent des masâil el khabariya el qawliya(el usûlpour certains ndt.)que les masâil el ‘ilmiya(el furû’ pour certains ndt.). Les anciens se divisent encore sur ces questions. Personne n’a condamné l’un d’entre eux au kufr, au fisqou à la ma’siya(…) J’expliquais que les paroles des anciens et des grandes références qui parlent du takfir el mutlaqen disant : celui qui fait telle et telle choses est un kafir ; j’expliquais qu’elles étaient justes, mais qu’il incombait également de faire la différence entre le mutlaq(le cas général) et le mu’ayin (le cas particulier). »[9]

L’Imâm Ahmed a-t-il deux opinions sur le takfîr d’un cas particulier ?

Ibn Taïmiya établit dans un passage : « Certaines paroles attribuées à l’Imâm Ahmed laissent à penser qu’il a kaffarcertains cas particuliers ; certains en concluent qu’il a deux opinions sur la question, ce qui est très contestable. Il est plus pertinent, en effet, d’entrer dans les détails ; soit, que tous les cas particuliers qu’il a sorti de la religion, c’est uniquement dans la mesure où toutes les conditions étaient réunies pour le faire, et où toutes les restrictions possibles étaient exclues. Quant aux cas sur lesquels il ne s’est pas prononcé, c’est uniquement dans la mesure où ces paramètres n’étaient pas réunis. Cependant, cela ne l’empêchait pas de considérer dans l’absolu que leur faute faisait sortir de la religion. »[10]C’est ce qui nous amène au point suivant :

Le takfîr des sectes hérétiques

Il faut prendre dans leur sens général les paroles des anciens taxant certaines sectes d’apostasie, comme les jahmites, les qadarites, ou encore les rafidhites. Cela ne veut pas dire qu’il faille les appliquer sur des cas particuliers et que chaque membre de ces sectes est concernée par ce statut.[11]L’imam Ahmed n’a pas kaffar (taxer d’apostasie) chaque jahmite ni tous ceux qui se revendiquent jahmites ni tous ceux qui s’accordent avec certaines de leurs idées. Il a même prié derrière les khalifesjahmites, comme el Ma-mûn qui imposait à ces sujets de suivre sa tendance sous peine de leur faire subir les punitions les plus sévères. Ahmed ne remettait pas en question leur appartenance à l’islam et consacrait même des invocations en leur faveur.[12]La raison, c’est qu’ils ne démentaient pas le Prophète (r) et qu’ils ne reniaient pas ses enseignements. Ils furent simplement motivés par une mauvaise interprétation des textes qui leur avait été dictée par les savants jahmites en qui ils avaient une confiance aveugle.[13]

Certains élèves des grandes références de la première époque appréhendaient mal les questions du takfîr

Il souligne, en effet, dans un autre passage : « Par ailleurs, certains savants de notre école des nouvelles générations ont divergé sur la question de savoir si la personne ayant commis un acte de kufr, est vouée à l’Enfer éternel. La plupart estime que oui, comme le stipule un certain nombre d’anciens spécialistes en hadîth, à l’exemple d’Abû Hâtim, Abû Zur’â et de bien d’autres. D’autres désapprouvent ce jugement.

La raison à l’origine de cette divergence, c’est que les textes se « contredisent » à leurs yeux. Ils sont confrontés à des textes qui réclament de kaffarles auteurs de certaines paroles, mais au même moment, ils voient que certains d’entre eux avaient une foi telle, qu’ils n’étaient pas concernés par ce statut. Ainsi, les textes s’opposaient. En réalité, ils avaient raison de prononcer un jugement absolu, comme l’ont fait ces fameux Imamsavec les textes scripturaires ; ils disaient en effet que l’auteur de telle parole était un kâfir. À les entendre, ils donnaient l’impression à ces savants que ce jugement englobait tous les cas possibles. Cependant, ils ne sont pas mis à l’esprit que le takfîrest soumis à des conditions à remplir et à des restrictions à exclure pour chaque cas particulier.

Ainsi, le takfîr el mutlaq (absolu) n’implique pas forcément le takfîr el mu’ayin(particulier), sauf dans la situation où toutes les conditions pour le faire soient remplies et où toute restriction obligeant à s’abstenir soit en même temps exclue. »[14]

Plus les questions sont claires moins elles sont pardonnables

« … Les désaccords entre savants traditionalistes portent uniquement sur des questions subtiles qui échappent à la plupart des gens. »[15]

Les questions claires sont celles qui ont été éclairées par le Coran et la sunna de façon imparable, de sorte que nulle n’est censée les ignorer,[16]comme nous l’avons vu, mais il est possible qu’un savant se trompe sur des points subtils et subsidiaires de la religion, malgré ses bonnes intentions et tous les efforts qu’il entreprend à la recherche de la vérité. Les erreurs de ce dernier se noient dans l’océan de ses bonnes actions, et comparativement à sa fidélité aux textes.[17]

Exemples de questions qui font sortir de la sunna

La panoplie est vaste, elle s’étend sur tous les domaines de la religion : renier les Noms et Attributs divins, le destin, l’excès dans la religion, la révolte contre les autorités en place, passer ses mains sur ses chaussures au cours des ablutions, etc.[18]

Certains anciens, à l’instar de Sufiyân ibn ‘Uaïyna,[19]et ‘Alî el Madînî,[20]dressaient leur propre liste de questions incontournables. Ibn Qutaïba souligne que les anciens vouaient à l’innovation et à l’exclusion tous ceux qui contrevenaient à ces questions fondamentales.[21]

Exemples de questions qui ne font pas sortir de la sunna

L’Imâm Ahmed fut interrogé au sujet d’un homme qui classait les quatre khalifes, selon l’ordre de préférence de la façon suivante : Abû Bakr, ‘Omar, ‘Alî, ‘Uthmân. Voici quelle fut sa réponse : « Cette parole ne me plait pas !
  • Est-ce qu’on peut dire que son auteur est un innovateur, insista-t-on ?
  • J’appréhende de le considérer comme un innovateur ayant commis une innovation grave.
  • D’accord. Et celui qui dit Abû Bakr, ‘Omar, ‘Alî sans n’aller plus loin, et sans faire de préférence pour aucun d’entre eux.
  • Cette parole ne me plait pas non plus !
  • Est-ce qu’on peut dire qu’il est un innovateur ?
  • Cette parole ne me plait pas. »[22]

Ibn Taïmiya explique que la question de savoir qui est le meilleur entre ‘Uthmân et ‘Alî n’entre pas, aux yeux de la majorité des traditionalistes, dans les questions fondamentales qui vouent à l’égarement tout réfractaire ; et cela, contrairement à l’ordre du Khalifat.[23]
Abû el Qâsim e-Taïmî corrobore ce principe : « selon certains savants, les questions subsidiaires de la religion qui relève de l’effort d’interprétation ne condamnent pas leur auteur à l’innovation ni au blâme. »[24]
Shâtibî fait remarquer cette distinction dans les questions du tabdî’ entre les règles et les questions fondamentales (asl kulli) et les questions subsidiaires (juz-î min el juz-iyât). Il explique notamment que les divergences qui eurent lieu entre les Compagnons relevaient exclusivement du domaine de l’ijtihâd.[25]Plus loin, il précise qu’en multipliant les erreurs dans les questions subsidiaires à la manière des hérétiques, on est autant blâmable que celles commises dans les questions fondamentales.[26]

Juste avant cela, il parle du hadîth : « Quant à cette communauté, elle va se diviser en soixante-treize sectes ; toutes sont vouées à l’Enfer à l’exception d’une seule.
  • LaquelleMessager d’Allah, demandèrent les Compagnons ?
  • C’est la voie sur laquelle nous sommes mes Compagnons et moi. » » Rapporté par e-Tirmidhî.[27]
Il explique ensuite que la division en question ne concerne pas les questions subsidiaires à l’unanimité des savants.[28]

Iqâma el hujjadans les questions du tabdî’ : des traditionalistes peuvent sombrer dans l’innovation, mais cela ne fait pas forcément d’eux des innovateurs, tant qu’ils ne fondent pas dessus leurs sentiments d’amour et de haine

« Si ce genre d’individus ne fondent pas à partir de leur innovation une tendance avec laquelle ils se séparent de l’union des musulmans et sur laquelle ils fondent leur alliance (l’amour et la haine en Dieu), celle-ci sera mise au compte de la simple erreur. En sachant qu’Allah (I)pardonne ce genre d’erreur aux croyants. Ce fut le cas de bon nombre de grandes références parmi les anciens, qui, suite à un effort d’interprétation, furent les auteurs d’opinion qui allaient à l’encontre du Coran et de la sunna. Ils étaient différents de ceux qui fondaient dessus leur alliance et qui divisaient les rangs des musulmans ; ces derniers taxaient de mécréants ou de pervers tous ceux qui n’allaient pas dans leur sens, et épargnaient tous ceux qui les rejoignaient dans leurs idées et leurs efforts d’interprétation. Ils autorisaient moralement le sang de leurs adversaires, et ne touchaient pas à ceux qui s’accordaient avec eux. Ces gens-là sont les adeptes de la division et de la divergence. »[29]

À suivre…






[1]Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/41).
[2]Bayân talbîs el jahmiya (2/92).
[3]Majmû’ el fatâwa (2/8).
[4]Voir : Minhâj e-sunna d’ibn Taïmiya (2/554-555).
[5]Majmû’ el fatâwa (6/56-57).
[6]En annotation à ‘âridh el jahl(p. 97) de Râshid e-Râshid, Sheïkhel Fawzân souligne qu’ibn Taïmiya condamne cette classification dans les questions du takfîr, non qu’elle n’ait aucune origine dans la religion.
[7]Majmû’ el fatâwa (6/57).
[8]Voir : minhâj e-sunna (5/240).
[9]Majmû’ el fatâwâ (3/229).
[10]majmû’ el fatâwâ (12/489).
[11]Voir : el istiqâma (1/164) et Majmû’ el fatâwa (7/619) tout deux d’ibn Taïmiya. À ses yeux, lorsque les savants anciens considèrent apostat (kaffar) l’auteur de la parole : « le Coran est incréé », cela ne veut pas dire que tous ceux qui la prononcent sont des kuffars (mécréants).
[12]Majmû’ el fatâwa (7/507-508).
[13]Majmû’ el fatâwa (23/348-350).
[14]Mujmû’ el fatâwâ (12/487-488).
[15]El îmân (p. 281).
[16]Voir également : Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (2/66).
[17]Majmû’ el fatâwâ (13/64-65).
[18]Majmû’ el fatâwâ (28/105-106).
[19]Sharh usûl i’tiqâd ahl e-sunna d’e-Lalakâî (2/174).
[20]Sharh usûl i’tiqâd ahl e-sunna d’e-Lalakâî (2/185).
[21]Ta-wîl mukhtalaf el hadîth(p. 64).
[22]E-sunnad’el Khallâl (1/378).
[23]Majmû’ el fatâwâ(3/153).
[24]El hujja fî bayân el mahajja(2/411).
[25]El i’tisâm (2/177-178).
[26]El i’tisâm (2/201).
[27]Rapporté par e-Tirmidhî (2641) qui a fait le commentaire suivant : « Ce hadîth est bon et singulier. » ; un autre hadîth-témoin vient le renforcer ; il est rapporté par Mu’âwiya chez Ahmed (16937), et Abû Dâwûd (4597), avec une chaine narrative jugée bonne ; il est rapporté également par Anas ibn Mâlik chez ibn Mâja (3993), avec une chaine narrative jugée potable ; il est enfin rapporté par ‘Awf ibn Mâlik chez ibn Mâja (3992) ; ainsi, en regard de toutes ses chaines narratives, il est considéré authentique.
[28]El i’tisâm (2/161-162).
[29]Majmû’ el fatâwâ (3/349).
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  #3  
ÞÏíã 11 Nov 2011, 09:09 PM
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Contre ces derniers, il est indispensable d’établir la preuve céleste


Là où nous voulons en venir, c’est que l’innovation, et, en général, tout ce qui s’oppose au Coran et à la sunna peut provenir d’un individu qui est excusable, soit pour avoir fait un effort d’interprétation soit pour avoir suivi quelqu’un d’autre (taqlîd) dans les limites excusables. Il est possible également qu’il n’ait pas les moyens de parvenir à la vérité.[1]


Sheïkh el Islam ibn Taïmiya établit que les Textes divins concernant le mauvais devenir de l’homme (wa’îd) et les paroles provenant des grandes références de la religion sur les questions du takfîr (taxer quelqu’un d’apostat), du tafsîq (taxer quelqu’un de pervers), et autres, n’impliquent pas qu’ils faillent les appliquer à une personne en particulier sauf si celle-ci répond aux conditions pour le faire et si toute restriction en est exclue.[2]


« Il n’y a pas de différence en cela entre les questions fondamentales et les questions subsidiaires de la religion, pour ce qui est du châtiment divin dans l’au-delà. Tout individu passible de la menace divine (châtiment, malédiction, courroux)qu’elle soit perpétuelle ou non, ou portant des noms (ism) qui s’y rattachent comme mécréant (pour le takfîr)etpervers (pour le tafsîq). Nous pouvons faire entrer dans cette règle indistinctement les innovations (qu’elles soient dogmatiques ou rituelles)qui touchent à la religion, ou les actes de débauche qui touchent à la vie profane, et auxquels on donne le nom de perversité corporelle.
Quant aux différents statuts terrestres, nous pouvons dire la même chose. Autrement dit, le djihadlancé contre les mécréants doit être précédé de la prédication. Le châtiment s’applique uniquement, en effet, à celui qui a reçu la preuve céleste. Nous pouvons dire la même chose pour les punitions des pervers, soit qu’elle n’a pas lieu avant d’avoir établi contre eux la preuve céleste. »[3]
« Quiconque s’oppose aux enseignements établis par le Coran et la sunnadevient soit un mécréant, soit un pervers, soit, un désobéissant, sauf si c’est un croyant s’étant trompé suite à un effort d’interprétation. Il a droit à une récompense pour son effort, et son erreur lui est pardonnée. Il a droit à la même excuse s’il n’a pas reçu le savoir nécessaire ayant pour fonction d’établir la preuve céleste contre lui. Allah révèle en effet : [Nous n’allions châtier personne avant d’envoyer un messager].[4] Cependant, si la preuve céleste émanant des textes du Coran et de la sunnaest établie contre lui, et qu’il s’y oppose ensuite, il devra recevoir la punition correspondante à son cas, et pouvant aller jusqu’à la mise à mort. »[5]


Exemple d’iqâma el hujja dans les questions du tabdî’


On fit savoir à l’Imâm Ahmed : « Un homme qui retranscrit le hadîth est l’auteur des paroles : « Quiconque affirme de façon formelle que les « dix promis » sont au Paradis est un innovateur. » L’Imam n’apprécia pas ses paroles, et le fit savoir en disant : « C’est sûrement un ignorant qui ne sait pas de quoi il parle. »[6]


Il fut également interrogé au sujet d’un homme qui ne reconnaissait pas le khalifat d’Alî. Voici quelle fut sa réponse : « C’est une très mauvaise parole !
Ahmed ibn Hasan rapporte une version plus longue de cette conversation, et dans laquelle selon Bakr, selon père, on demanda ensuite à l’Imam : « Est-ce qu’il compte parmi les traditionalistes ?
- Je ne m’avance pas à l’exclure du traditionalisme, car il fut sûrement motivé par une erreur d’interprétation. »[7]


Ahmed ibn Munî’ el Baghawî affirme pour sa part : «Celui qui prétend que le Coran est créé est un jahmî, et celui qui ne se prononce pas sur le sujet parmi ceux qui ne comprennent rien (marchands, femmes, enfants), nous ne disons rien sur eux, et nous les instruisons sur la chose. »[8]


Comment se comporter avec un traditionaliste qui commet une erreur ?


Sheïkh el Islam ibn Taïmiya a dit : « Si l’un d’eux fait une mauvaise interprétation qui somme toute est plausible, il n’est pas permis de l’évoquer en mal ni de le critiquer ; si l’on sait qu’Allah lui a pardonné sa faute. Il incombe même au regard de la foi et de la piété qu’il renferme, de l’aimer et de s’allier à lui. Il faut remplir le devoir qu’Allah a imposé envers lui, qui consiste à l’évoquer en bien, à invoquer le pardon en sa faveur, etc. »[9]


« Parmi les éléments en relation avec ce point : nous devons savoir qu’un grand homme au niveau du savoir et de la piété, parmi les Compagnons, leurs successeurs, et tous ceux qui viendront après eux jusqu’à la fin du monde, qu’ils soient d’ahl el Baïtou non, peut très bien faire un effort d’interprétation basé sur des conjectures, voire des passions subtiles qui auront de mauvaises conséquences. Il ne convient pas de le suivre dans son erreur, bien qu’au même moment, il compte parmi les pieux et les élus de Dieu.
Malheureusement, ce genre d’erreur perturbe deux catégories d’individus :
- Ceux qui l’encensent, et qui veulent absolument lui donner raison et le suivre dans son erreur.
- Ceux qui le condamnent et qui remettent en question, à cause de cette erreur, sa piété et son statut de wali. Ils font jusqu’à douter de sa crédibilité et qu’il soit des habitants du Paradis.
Or, ces deux voies opposées sont aussi égarées l’une que l’autre.
Les gens des passions parmi les kharijiteset les rafidhites, notamment, se sont égarés par cette porte. Quant aux traditionalistes qui suivent la voie de la modération, ils encensent tous ceux qui le méritent ; ils les aiment et les prennent pour alliés, tout en gardant la vérité entre les yeux. Ils encensent la vérité et sont cléments envers les hommes. Ils savent pertinemment qu’un même homme peut avoir des bons et des mauvais côtés (récompenses/péchés) ; il est louable d’un côté, et blâmable d’un autre côté ; il mérite une récompense d’un côté et est passible du châtiment d’un autre côté ; on l’aime d’un côté et on le déteste d’un autre côté. Cette tendance est celle des traditionalistes, et s’oppose notamment aux kharijiteset aux mu’tazilites. »[10]


Les traditionalistes montrent les erreurs, sans forcément condamner leurs auteurs


SheïkhTaqî e-Dîn a dit en parlant des chants soufis : « Les auteurs de ces initiatives sont relativement des élus d’Allah, des pieux et des dévots, qui les placent au-dessus de tous ceux qui n’atteignent pas leur niveau. En cela, ils ne sont pas pires (ou pas meilleurs ndt.)que l’élite des anciens qui participèrent aux guerres intestines, et ceux qui autorisèrent moralement certaines boissons enivrantes, l’intérêt (ribâ el fadhl), le mariage provisoire, et de prendre sa femme par-derrière. ‘Abd Allah ibn el Mubârak est l’auteur des paroles : « Un homme ayant un grand passé dans l’Islam et ayant laissé une bonne trace, peut très bien être l’auteur d’un écart et d’une faute dans lesquels il ne faut pas le suivre. » L’erreur provient soit en autorisant moralement un interdit suite à un effort d’interprétation, soit en délaissant une obligation pour la même raison, soit en changeant un acte interdit en rituel, à l’exemple des guerres intestines qui furent considérées par les deux côtés comme un acte obligatoire, voire recommandé…


Ainsi, l’erreur d’interprétation a lieu dans les cinq degrés de la loi : d’un côté, en changeant l’obligatoire en recommandé, permis, déconseillé, ou interdit ; et d’un autre côté en changeant l’interdit en déconseillé, permis, recommandé, ou obligatoire. »[11]


Ailleurs, il explique qu’il existe deux réactions extrêmes envers certains « états soufis » qui tirent leur origine de Bassora ; il y a ceux qui les condamnent à outrance et ceux qui les encensent à outrance. Ensuite, il fait le même constat envers les savants du ray qui tirent leur origine de Koufa. Puis, il fait la conclusion suivante : « Quiconque considère que la voie d’un savant ou d’un dévot est meilleure que celle des Compagnons commet une erreur le rendant égaré et innovateur. À l’inverse, quiconque condamne sévèrement l’auteur d’une erreur qui fait suite à un effort dans l’obéissance à Allah commet une erreur le rendant égaré et innovateur. Par ailleurs, les gens font également, dans le domaine de l’amour et la haine en Dieu et de l’alliance, des efforts d’interprétation qui peuvent être justes ou non.
Bon nombre de gens aiment un individu de façon inconditionnelle, et font abstraction de ses défauts. Mais, dès qu’ils le voient faire une faute, ils se mettent à le détester de façon inconditionnelle en faisant abstraction de ses qualités… Cette opinion est celle des innovateurs parmi les kharijites, les mu’tazilites, et les murjites.


Quant aux traditionalistes, ils sont conforment aux enseignements du Coran, de la sunna, et du consensus disant qu’un croyant est concerné par la promesse, la grâce, et la récompense divine pour ses bonnes actions ; comme il est concerné par le châtiment divin pour ses mauvaises actions. Un même homme peut accuser en même temps ce qui lui rapporte la récompense et le châtiment, ce qui est louable et ce qui est blâmable, et ce qu’on est aime et ce qu’on déteste de lui… »[12]


Ainsi, les traditionalistes incarnent le juste milieu dans le domaine des erreurs entre ceux qui condamnent à outrance et ceux qui ne condamnent pas du tout ; ils montrent les erreurs, sans forcément condamner leurs auteurs


« Le but n’est pas de blâmer ou de louer dans l’absolu un individu ou un groupe en particulier. La bonne démarche, qui est du côté des traditionalistes considère qu’un même individu ou un même groupe concède de bonnes actions qui sont louables et de mauvaises actions qui sont blâmables, mais il a aussi des actes qui relèvent du toléré, et qui ne sont ni louables ni blâmables. D’autres actes, qui sont motivés par l’erreur et l’oubli, lui sont tout simplement pardonnés. Ainsi, d’une part, il mérite la récompense pour ses bonnes actions, et le châtiment pour ses mauvaises actions. D’autre part, il n’est ni blâmable ni louable pour ses actes tolérés ou pardonnés.


Cette tendance est celle des traditionalistes vis-à-vis des pervers musulmans ou autre. À l’extrême, nous avons, entre autres, les kharijiteset les mu’tazilitesparmi les hérétiques wa’îdiya qui ne conçoivent pas qu’on soit à fois louable et blâmable…


C’est pourquoi, nous pouvons constater dans la communauté, que de nombreux imamsnotamment, parmi les savants et les émirs accusent ces deux choses à la fois. Malheureusement, certaines gens font de l’excès, et, animés par les passions, ne retiennent que leur qualité et leurs bons côtés. À l’extrême opposé, nous avons ceux, qui, tout aussi animés par les passions, se contentent de parler de leurs défauts et de leurs mauvais côtés. Or, la religion d’Allah se situe entre les deux ; entre le rigorisme et le laxisme, et les meilleures choses sont toujours au milieu. »[13]


L’esprit de justice s’impose : il incombe de conjuguer entre l’intérêt supérieur de la religion tout en veillant à préserver l’honneur du musulman


« En parlant des personnes, on touche au droit d’Allah (I), car en relation avec la notion d’alliance et l’amour et la haine en Dieu ; on touche également au droit des personnes. Il va sans dire qu’en parlant de n’importe qui en dehors des Compagnons, à l’exemple des rois dont l’autorité temporelle est contestée, et les savants et les Sheïkhdont l’autorité religieuse est contestée ; il incombe de le faire avec science et justice, non avec ignorance et injustice. La justice incombe à chacun et envers tout le monde, comme elle incombe dans toutes les situations ; alors que l’injustice est strictement interdite. Elle n’est autorisée en aucune façon. Allah (I) révèle : [L’animosité qui vous oppose à certaines gens ne doit pas vous pousser à être injustes avec eux ; soyez justes, et vous tendrez vers la piété].[14]


Ce Verset fut révélée à l’intention des mécréants contre qui il incombe d’éprouver de la haine. Si l’on sait qu’Allah interdit d’être injuste envers celui qu’Il a pourtant ordonné de détester, que dire alors de celui qui déteste un musulman soit par erreur d’interprétation, ou en ayant une conception erronée, ou tout simplement par passion. Le musulman est plus en droit qu’on soit juste avec lui et qu’on ne le traite pas avec injustice. »[15]


L’ignorance et l’injustice sont à l’origine de la division, même entre traditionalistes


La mécréance, la perversité, et la désobéissance sont certes à l’origine du mal et de l’animosité, mais un individu ou bien un groupe d’individus est susceptible de commettre un péché et en parallèle, d’autres s’abstiennent de leur faire la morale, ce qui relève de leurs péchés. D’autres leur font bien la morale, mais d’une manière condamnable, ce qui relève aussi de leurs péchés. Cela engendre à terme la divergence, la division, et le mal. Ce phénomène est l’un des plus grands motifs à l’origine des troubles et des mauvais événements, que ce soit à notre époque ou dans les temps anciens. L’homme, en effet, est par nature injuste et ignorant, en sachant qu’il existe plusieurs sortes d’injustices et d’ignorances. Ainsi, l’injustice et l’ignorance du premier sont d’une sorte, qui sont différentes de celles du deuxième, qui, elles-mêmes, sont différentes de celles du dernier.


En se penchant sur les troubles qui s’abattent sur les gens, il sera aisé de faire ce constat. On se rendra compte que ce phénomène est à l’origine des troubles dans lesquels s’investirent tant les émirs et les rois que les savants et les sheïkh qui furent suivis par le commun des gens. Dans ce domaine, nous avons toutes les causes à l’origine de l’égarement ; soit, les passions religieuses ou charnelles. Les premières touchant à l’innovation dans la religion et les secondes à la débauche dans le domaine du profane.[16]


À suivre…













[1]Majmû’ el fatâwâ (10/371).
[2]Majmû’ el fatâwâ (10/372).
[3]Majmû’ el fatâwâ (10/372).
[4]Le voyage nocturne ; 15 voir les tafsîr d’e-Tabarî et d’ibn Kathîr.
[5]Majmû’ el fatâwa (1/113).
[6]E-sunna d’el Khallâl (1/369).
[7]E-sunna d’el Khallâl (1/428).
[8]E-lâlakâî (1/176).
[9]Majmû’ el fatâwâ (28/234).
[10]Minhâj e-sunna (4/543).
[11]El istiqâma (2/219-220).
[12]Majmû’ el fatâwâ (11/5-16).
[13]E-tis’iniya (3/1032-1033).
[14]Le repas céleste ; 14-15
[15]Minhâj e-sunna (5/126).
[16]El istiqâma (3/241) ; voir également : Majmû’ el fatâwâ (28/ 142).

ÇáÊÚÏíá ÇáÃÎíÑ Êã ÈæÇÓØÉ ßÑíã ÒäÊíÓí ; 11 Nov 2011 ÇáÓÇÚÉ 09:12 PM
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ÞÏíã 12 Nov 2011, 07:50 PM
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Le takfîr, le tafsîq, et le tabdî'
(Partie 4)

Ce discours ne veut pas dire que les traditionalistes ne se chargent pas de la critique des innovateurs, qui est une obligation religieuse, surtout si l’on sait que l’intérêt supérieur de la religion en dépend

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya – qu’Allah lui fasse miséricorde – fait remarquer : « Les opposants comme les chefs de file des innovateurs, les auteurs d’opinions ou de pratiques contraires au Coran et à la sunna, il incombe à l’unanimité des musulmans, de dévoiler leur situation à la nation et de la mettre en garde contre eux. On demanda à l’Imam Ahmed : « Vaut-il mieux, à tes yeux, faire la prière la nuit, le jeûne le jour, et des retraites spirituelles ou bien parler sur les innovateurs ?
  • En priant la nuit, en jeûnant le jour, et en se retirant dans les mosquées, on est le seul à en profiter ; tandis qu’en parlant sur les innovateurs, on en fait profiter tous les musulmans. Nul doute que cela vaut mieux ! »

Il a expliqué que cet intérêt revient à la communauté entière dans le domaine de la religion. Cette initiative est du même ordre que la guerre sur le chemin d’Allah puisqu’elle permet de purifier le chemin d’Allah, Sa religion, et Sa législation. À l’unanimité des savants, il incombe à une partie de la communauté de défendre les musulmans contre les méfaits et la rébellion de ces gens-là. Si Allah ne faisait pas brandir cet étendard pour les affronter, la religion serait directement en péril.
Les dommages seraient même plus considérables que ceux occasionnés par l’épée des envahisseurs. Lorsque l’ennemi, en effet, s’empare des terres musulmanes, il ne corrompt pas les cœurs et les convictions si ce n’est que par voie de conséquence, tandis que ces gens-là les détériorent d’emblée.»[1]

Ailleurs, il souligne : « Si un innovateur appelle à des convictions contraires au Coran et à la sunna, et que l’on craint qu’il égare les gens avec ses mauvaises idées, il faut dévoiler sa situation aux gens afin qu’ils soient sur leurs gardes et qu’ils sachent à qui ils ont à faire. L’ambition bien sûr à travers cela, c’est de prodiguer le bon conseil et de plaire au Visage d’Allah (I). Il ne s’agit pas de le faire pour des raisons passionnelles (jalousie, haine, rivalité, conflit de pouvoir). Il ne faut pas sous couvert de prodiguer le bon conseil, s’acharner contre son frère et assouvir ses envies de vengeance, ce qui en soi est une œuvre du Diable. »[2]
« Critiquer les rapporteurs de hadîthen toute vérité et les hérésies des innovateurs est une obligation religieuse. »[3]

Or, cette obligation religieuse est soumise à deux conditions : avoir de la science et une bonne intention

« D’autre part, celui qui parle de ses choses avec science doit absolument avoir une intention saine. Si, bien que son discours soit vrai, il veut à travers cela semer le désordre sur terre, il est comparable au guerrier qui se sacrifie au combat pour défendre son clan ou par ostentation. Cependant, s’il fait cela pour Allah afin de lui rendre le culte sincère et exclusif, il compte dans les rangs des combattants sur le sentier d’Allah parmi les héritiers des prophètes et les successeurs des messagers.

Ce registre ne va pas en opposition avec les paroles du Prophète (r)disant : « La médisance c’est dire sur ton frère ce qui lui déplait. »Le frère n’est autre que le croyant ; si le frère du croyant est sincère dans sa foi, il ne peut être affecté par la vérité aimée d’Allah et de Son Messager, quand bien même elle serait contre lui ou l’un de ses proches. Il doit plutôt établir la justice, en se faisant le témoin d’Allah aux dépens même de sa propre personne, de l’un de ses parents ou de ses proches.

À partir du moment où il éprouve une certaine répulsion envers la vérité, cela dénote une certaine baisse de foi de la même façon que sa fraternité diminue proportionnellement à sa baisse de foi. Il ne doit pas tenir compte du mauvais sentiment qu’il éprouve en raison de sa foi faible ; et cela, étant donné qu’il doit absolument faire devancer l’amour d’Allah et de Son Messager à son mauvais sentiment envers les choses aimées d’Allah et de Son Messager, comme le formule le Verset : (tandis qu’Allah et Son Messager méritent mieux de se voir agréer).[4] »[5]

Le musulman n’est responsable que dans les limites de ses capacités

Allah (I) révèle : [Nous n’allions châtier personne avant d’envoyer un messager].[6]

Il existe des questions qui ne s’opposent pas de façon évidente aux textes. Elles relèvent plutôt de l’effort d’interprétation (ijtihâd). Domaine dans lequel il règne une divergence entre savants. Il est possible qu’aux yeux de certains d’entre eux, ces questions soient claires comme l’eau de roche, et qu’Allah leur ait montré la vérité sur celles-ci. Cependant, cela ne leur donne pas le droit de les imposer à ceux pour qui la chose n’est pas aussi évidente…

Il est possible également qu’ils y aillent de leurs propres efforts d’interprétations. Ce qui est tout à fait compréhensible de la part de ceux qui en ont la compétence et de ceux qui font leur taqlîd… Autrement dit, ils ne sont pas condamnables…
Pour être condamnable, il faut négliger une obligation ou transgresser une interdiction, sans n’être motivé par une erreur d’interprétation tolérable ou une excuse légitime. Dans ce cas de figure, nous avons ceux qui affichent une tendance allant en opposition avec le Coran et la sunna...
Néanmoins, parfois, la chose est ambiguë. Nous ne pouvons affirmer avec certitude que telle parole ou tel acte est passible ou non d’une punition. Dans ce cas, il vaut mieux s’abstenir et laisser la chose en suspens, car : « Il vaut mieux pardonner par erreur que de punir par erreur. »[7] »[8]
Exemples d’effort d’interprétation excusable

L’Imâm ibn Khuzaïma remettait en question le hadîth disant qu’Allah avait créé Adam à Son Image. Selon lui, en allant ainsi à l’encontre du consensus des savants comme le stipule ibn Taïmiya,[9]l’image revenait à Adam. C’est exactement ce genre d’interprétation que l’Imam Ahmed attribuait aux jahmites.[10]

Pour sa défense, e-Dhahabî met en avant : « Ibn Khuzaïma tient une grande place dans nos cœurs. Nous les vouons un grand respect en raison de son savoir et de sa religiosité. Il était fidèle à la sunna. Dans son ouvrage e-tawhîd, épais d’un seul volume bien fourni, il interprète le hadîthde « l’Image ». Or, en règle générale, en interprétant certains Attributs, on est excusable.

Quant aux anciens, ils n’ont jamais eu recours à l’interprétation des textes (ta-wîl)… Néanmoins, si chaque erreur qui résulte d’un effort d’interprétation et venant d’un savant connu pour sa bonne croyance et sa soumission à la vérité, nous devions le détruire et le taxer d’innovateur, il y aurait très peu d’imamqui échapperait à notre courroux. »[11]

Le grand Mohammed el Karkhî, à son tour, voyait qu’après les questions de la tombe, le mort n’avait plus aucune sensation dans l’entre-deux monde (barzakh), et ne subissait donc aucun châtiment. Ibn Taïmiya fait remarquer qu’il était le seul parmi les grandes références à avoir fait cette interprétation qui allait à l’encontre de la grande majorité des anciens. Malgré cela, il gardait son rang d’Imam dans le sens où son erreur n’avait aucune conséquence sur sa crédibilité.[12]

Notons enfin qu’aux yeux d’ibn Taïmiya, l’erreur d’un Imam qui se noie dans l’océan de ses bonnes œuvres ne justifie pas qu’on l’imite sur son opinion. Ce dernier avait au moins l’excuse de ne pas connaitre la question dans tous ces détails, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de gens qui sont venus après lui. Ainsi, si on offre à la Mère des croyants l’excuse de contester que les morts puissent entendre dans la tombe, nous ne pouvons pas en dire autant de ceux qui, en toute âme et conscience, on reprit après elle cette tendance à leur compte. Nous devons donc bien appréhender cette règle qui est d’une extrême importance.[13]Quoi que ce dernier point reste complexe, je reviendrais dessus in shâ Allah dans un prochain article.

On peut toujours avancer que l’Imâm Ahmed a badda’ certains cas particuliers sans ne leur avoir donné, à priori, aucune circonstance atténuante

Ce à quoi nous répondons : bon nombre de réponses venant de l’Imam Ahmed ou d’autres références ont été orientées en fonction de la question et de la situation de l’interlocuteur ; ou bien son discours était-il particulier à l’interlocuteur dont la situation lui était notoire. Cela est du même ordre que les décisions particulières que le Messager d’Allah (r) a prises au sujet de certaines affaires. Il faudrait donc établir une loi correspondante pour chaque affaire analogue.[14]

Le cas de Hafsel Fard

Lors d’un débat qui l’aurait opposé à l’Imâm Shâfi’î, ce dernier aurait affirmé : « Le Coran est créé !
  1. Tu viens de renier Allah l’Immense, lui aurait rétorqué l’Imam ! »[15]

Indépendamment de savoir comment les savants ont-ils interprété cette histoire, retenons qu’aux yeux d’ibn Taïmiya, l’Imâm la jugé apostat, après avoir établi contre lui la preuve céleste. Il faillit même le mettre à mort.[16]Or, dans un autre passage, il relativise son discours en disant : « … Si tu vois un Imamfaire une attaque très sévère contre l’auteur d’une parole, voire le sortir de la religion, cela n’en fait pas un statut général qui s’appliquerait à tous ceux qui la prononcent, sauf s’ils remplissent les mêmes caractéristiques que Hafsayant mérité une attaque aussi sévère et d’être condamné à la mécréance. »[17]

Ailleurs, il renchérit : « L’Imam nous montre que sa parole était du kufr, mais sans condamner Hafsà l’apostasie, juste pour cela. La raison, c’est qu’il appréhendait mal la preuve céleste faisant sortir de la religion l’auteur d’une telle parole. Si l’Imamavait été convaincu qu’il était un apostat, il aurait entrepris les démarches pour le condamner à mort. En outre, dans ses livres, il établit explicitement qu’il acceptait le témoignage des innovateurs et qu’il priait derrière eux. »[18]Il faut allusion notamment à son recueil el Umm.[19] La même page, l’Imam Shâfi’î ramène un consensus de son époque disant que les erreurs d’interprétation (avec les détails que cette question réclame) sont excusables.[20]Ibn Taïmiya le rejoint sur ce point.[21]

Ainsi, les anciens ne rendaient ni pervers ni mécréants les savants qui se trompaient suite à une erreur d’interprétation.[22]Ibn Taïmiya va jusqu’à s’abstenir d’appliquer le takfîr ou le tafsîq contre certains savants qui maitrisaient mal certains détails du kalâm (jawhar el fard, tamâthur el ajsâm, baqâ el a’râdh, etc.).[23]

Certaines circonstances atténuantes

Ibn Taïmiya dresse une liste des interdictions que certains anciens avaient autorisées moralement. Puis, il conclut : « Ce domaine est vaste ; il englobe tous les éléments de la religion qui furent interdits par le Coran et la sunna, et qui furent autorisés par certains membres de la communauté, faute d’avoir eu entre les mains les preuves du contraire, ou bien qu’ils les aient confrontés à d’autres arguments qu’ils pensaient être plus forts. Ils étaient motivés par un effort d’interprétation qui les mena à des conclusions en accord avec leur niveau d’intelligence et de savoir… »[24]

La raison est-elle à même de distinguer entre le bien et le mal ?

Ibn Taïmiya explique : « Les créatures ne sont pas capables de savoir ce qu’Allah aime et agrée ni ce qu’Il ordonne ou interdit. Ils ne peuvent deviner les jouissances qu’Il a réservées à Ses élus ni les châtiments qu’Il a réservés à Ses ennemis. Ils n’ont aucune idée également des nobles Noms et Attributs qu’Il mérite, car la raison n’est pas en mesure de le deviner, etc. S’ils ont accès à toutes ces choses, c’est uniquement grâce à la présence des messagers qu’Allah leur a envoyés. »[25]

« … Pour comprendre ce principe, nous devons nous poser la question : est-ce que la Loi divine est applicable à toute personne responsable même avant qu’elle ne lui parvienne ? Il existe trois opinions notoires notamment dans la tendance d’Ahmed : l’une disant qu’elle est applicable, l’autre disant qu’elle ne l’est pas, et la dernière enfin disant que seule la loi d’origine est applicable, non celle qui l’abroge. La plus plausible toutefois est celle selon laquelle elle n’est pas tenue de récupérer tout ce qu’il n’a pas fait avant de la connaitre ; la Loi divine n’est donc pas applicable avant d’avoir été transmise, conformément aux Versets : [Ce Coran me fut révélé afin que je vous avertisse, vous et tous ceux à qui il est parvenu],[26][Nous n’allions châtier personne avant d’envoyer un messager].[27][[Des messagers avertisseurs et annonciateurs]afin que les hommes ne puissent opposer à Allah aucun argument après leur venue].[28]Le Coran a recours à différents procédés pour démontrer ce point. Ils nous apprennent en substance qu’Allah ne châtie aucune personne avant que les enseignements prophétiques ne lui fussent transmis.

Quelqu’un peut savoir que Mohammed est le Messager d’Allah, puis croire en lui, mais sans connaitre les nombreux détails de son message. Allah ne le châtiera pas pour ceux qu’il n’a pas reçus. S’Il ne châtie pas un homme n’ayant pas la foi avant que le message ne lui parvienne, à fortiori, Il ne châtie pas celui, qui, ayant cru en Lui, n’a pas eu accès à certains de ses détails. »[29]

À suivre…







[1]Majmû’ el fatâwâ (28/231-232).
[2]Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (voir : 28/ 221).
[3]Voir : Majmû’ el fatâwâ (28/234).
[4]Le repentir ; 62
[5]Majmû’ el masâil wa e-rasâil (5/281).
[6]Le voyage nocturne ; 15 voir les tafsîr d’e-Tabarî et d’ibn Kathîr.
[7]La première partie du hadîth est devenue une règle de fiqh, bien que les termes ne remontent pas au Prophète, mais ils viendraient plus probablement des Compagnons. En outre, sa chaine narrative est controversée ; voir : irwâ el ghalîl (2355), et dha’îf el jâmi’ e-saghîr (259) tous deux de Sheïkh el Albânî.
[8]Majmû’ el Fatâwâ (10/383-385).
[9]Bayân talbîs el jahmiya (6/373).
[10]Tabaqât el hanâbila d’Abû Ya’lâ (2/236).
[11]Siar a’lâm e-nubalâ (14/374-375).
[12]Bayân talbîs el jahmiya (6/398-406).
[13]Majmû’ el Fatâwâ (6/61).
[14]Majmû’ el Fatâwâ (28/ 213).
[15]Ce débat fut retranscrit par de nombreux compilateurs, comme e-Lalakâî dans sharh usûl i’tiqâd ahl e-sunna (p. 252-253).
[16]Majmû’ el fatâwa (12/506).
[17]Majmû’ el fatâwa (6/61).
[18]Majmû’ el fatâwa (12/489).
[19]El umm (6/205).
[20]El umm (6/205).
[21]Majmû’ el fatâwa (5/563), et manhâj e-sunna (5/239).
[22]Manhâj e-sunna (3/20) ; voir également : Majmû’ el fatâwa (23/346) et (9/207).
[23]Manhâj e-sunna(3/21).
[24]Majmû’ el fatâwâ(20/263-268).
[25]Majmû’ el fatâwa (1/121).
[26]Le bétail ; 19
[27]Le voyage nocturne ; 15 voir les tafsîr d’e-Tabarî et d’ibn Kathîr.
[28]Les femmes ; 165 voir les tafsîr d’el Baghawî et de Shanqîtî.
[29]Majmû’ el fatâwa (22/41) ; voir également : (2/41-42, 12/439).
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  #5  
ÞÏíã 13 Nov 2011, 07:52 PM
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Le takfîr, le tafsîq, et le tabdî'
(Partie 5)

La preuve céleste varie en fonction des endroits, des époques et des personnes

Ibn Taïmiya explique : « … De la même manière, les mécréants qui se trouvent en terre non musulmane et qui, ayant entendu parler de la prédication du Prophète (r),surent qu’il était le Messager d’Allah, puis crurent en lui et à ses enseignements, tout en craignant Allah dans la mesure du possible. Ce fut le cas, notamment, du Najâshî, qui n’était pas en mesure d’émigrer en terre musulmane ni d’adhérer à toutes les lois de l’Islam. Sa place lui empêchait, en effet, de sortir de son royaume et d’afficher sa religion. Et cela, d’autant plus qu’il n’avait personne sous la main pour lui apprendre toutes les lois de la religion. Il était pourtant un croyant, promis au Paradis. Dans ce cas, nous avons les croyants de la famille de Pharaon, dont sa propre femme, qui se comportaient de la même façon avec leur peuple.

Yûsaf (u) le véridique lui-même ne pouvait pas faire autrement avec les habitants d’Égypte qui étaient des mécréants. Il n’était pas en mesure de leur imposer les enseignements de l’Islam qu’il connaissait ; ils les avaient bien conviés à embrasser la foi, et la religion monothéiste, mais sans succès. Allah (I) relate les paroles des croyants de la famille de Pharaon : [Yûsaf vous était venu auparavant avec des preuves éclatantes, mais vous n’aviez cessé de douter de ce qu’il vous avait ramené. Lorsqu’il mourut, vous prétendirent alors qu’Allah n’enverrait aucun messager après lui].[1]

Najâshî, pour sa part, était certes le roi des chrétiens, mais son peuple ne le suivit jamais dans sa conversion, à part un tout petit nombre. Ses partisans étaient tellement peu nombreux qu’on ne trouva personne, à sa mort, pour prier sus sa dépouille. Ce fut le Prophète (r)qui se chargea de le faire d’où il était à Médine. Les musulmans s’étaient rassemblés pour prier à l’air libre. Il organisa les rangs, et fit la prière mortuaire. Il annonça sa mort aux fidèles le jour même de la nouvelle. Voici quelles furent ses paroles : « L’un de vos frères qui était un pieux vient de rendre l’âme aujourd’hui en terre abyssine. »[2]
Il est mort sans n’avoir pu vivre pleinement de nombreuses lois, pour ne pas dire la plupart des lois de la religion, car il en fut incapable. Il n’a jamais fait lahijra (l’émigration ndt.), ni le djihâd, ni le pèlerinage à la Maison sacrée. Certaines annales vont jusqu’à dire qu’il n’aurait pas observé les cinq prières, ni le jeûne du ramadhân, ni verser l’aumône légale. Il avait trop peur que son peuple découvre sa conversion, et qu’il le lui reproche. Il aurait été incapable d’entrer en conflit avec eux. Une chose est sûre en tout cas, c’est qu’il ne pouvait pas régner sur eux par le Coran. »[3]

Pour les questions claires de la religion, le Coran suffit en lui-même pour établir la preuve céleste

Ibn Taïmiya explique : « Les bases fondamentales de la religion se présentent de la façon suivante : soit, il s’agit de questions auxquelles il incombe de donner foi, de prononcer verbalement, ou de mettre en pratique. Ex. : les questions qui touchent à l’Unicité, aux Attributs, au destin, à la prophétie, à l’eschatologie (la vie après la mort ndt.), ou toutes les questions qui les démontrent…

Toutes les questions que l’individu à besoin de connaitre et de croire d’une foi ferme ont été pleinement clarifiées par Allah et Son Messager, de sorte qu’elles ne lui offrent aucune excuse. Elles incarnent les plus grands enseignements que le Messager a clairement transmis, et expliqués aux hommes. Elles incarnent également les plus grands enseignements avec lesquels Allah a établi la preuve céleste contre Ses créatures, par l’intermédiaire des messagers qui menèrent leur mission à bien. D’une part, le Livre d’Allah qui fut fidèlement véhiculé tout d’abord par les Compagnons, puis par leurs successeurs directs, en ayant pris soin de garder intacts les termes et la compréhension que le Messager leur a transmis ; et d’autre par la Sagesse qui incarne la Tradition prophétique qui nous fut également véhiculée par ces derniers ; tous deux répondent à ce besoin d’éclaircissement de la façon la plus parfaite… »[4]

Or, ce discours est relatif ; il varie en fonction des endroits, des époques et des personnes

Ibn Taïmiya explique : « Une fois que le Coran fut entièrement révélé et que la religion fut parachevée, il est possible qu’un individu n’en reçoive qu’une partie. Dans ce cas, il incombe de croire en gros, à tous les enseignements du Messager, et en détail, à ceux qu’il connait en particulier. Quant à ceux qu’il n’a pas reçus et qu’il n’est pas dans la possibilité de connaitre, il doit y donner foi en détail s’ils venaient à lui parvenir. Un homme peur croire au Messager d’une foi ferme et venir à mourir avant l’entrée de la prière ou l’obligation d’accomplir tel ou tel acte. Dans ce cas, il est mort en ayant une foi parfaite par rapport à ce qui lui était demandé. Quand vient l’heure de la prière, on est obligé de la faire. On est ainsi soumis à un nouveau commandement auquel on n’était pas tenu auparavant… Ainsi, la foi qui incombe à la personne responsable varie d’une part en fonction des nouvelles révélations venant du ciel, et, d’autre part, en fonction de ce qui lui en parvient. »[5]

Le savoir minimum que chacun doit connaitre

Ibn Taïmiya explique : « Il incombe à toute personne responsable de connaitre ce qu’Allah lui a ordonné. Elle doit connaitre ce qui touche à la foi qu’Il lui a ordonné d’avoir, et le savoir qu’Il lui a ordonné d’avoir ; par exemple, si elle est concernée par la zakât, il devient obligé dans son cas d’apprendre ses lois ; si elle est concernée par le pèlerinage, il devient obligé dans son cas d’apprendre ses lois, et ainsi de suite. Il incombe à l’ensemble de la communauté d’apprendre tous les enseignements que le Messager (r)nous a transmis de façon à ne rien en perdre ; ils correspondent à tout ce qui touche au Coran et à la sunna. Néanmoins, tout ce qui vient en plus de ce que chacun doit apprendre relève de l’obligation collective. Autrement dit, si une partie de la communauté s’en charge, le reste en est déchargé. »[6]

« … C’est pourquoi, il incombe aux savants d’avoir un niveau de croyance qui n’incombe pas d’avoir aux gens simples, comme il ne sera pas demandé aux habitants d’un territoire où règne le savoir et la foi la même chose que ceux vivant dans un territoire où règne l’ignorance. »[7]

« Il n’est pas demandé à tout musulman de connaitre tout enseignement ou tout commandement qui se trouve dans le Coran et la sunna »[8]

Il n’est pas demandé à tout le monde de connaitre le dogme en détail comme le Prophète (r), mais chacun en fonction de ses possibilités

Sheïkh Taqî e-Dîn nous apprend : « Ainsi, tout individu qui donne foi à Allah est croyant proportionnellement en fonction de l’intensité de son adhésion. En outre, si la preuve céleste n’est pas établie contre lui, il ne devient pas mécréant en reniant ces enseignements que les textes font pourtant mention. Pour expliquer ce point, nous disons que la plupart des fidèles (qui font la prière) croient d’une foi ferme en Dieu et à Son Messager, bien qu’ils aient une conception différente de Leur divinité et de Ses Attributs. Nous ne parlons pas des hypocrites qui affichent la foi du bout de la langue, mais qui renient le Messager du fond du cœur ; ceux-là ne sont pas des croyants proprement dits.
Néanmoins, tout individu qui se revendique musulman, sans n’être un hypocrite au fond de lui, est un croyant. Sa foi sera en fonction des efforts qu’il aura fournis dans ce sens. Tôt ou tard, il sortira de l’Enfer, quand bien même il renfermerait la foi la plus infime (mot-à-mot : une foi pas plus lourde qu’un grain de moutarde ndt.). Nous pouvons compter dans cette catégorie, tous les hérétiques qui divergent dans les domaines des Attributs divins et du destin, toute tendance confondue.

Si, pour entrer en Paradis, il fallait connaitre Allah aussi bien que Son Prophète (r), personne ou presque dans sa communauté n’y aurait droit. La plupart des musulmans en effet ne sont pas capables d’avoir une telle croyance détaillée. Pourtant, ils iront au Paradis, en sachant qu’ils auront des échelons différents en fonction de leur foi et de leur connaissance. Un homme peut renfermer une foi avec laquelle il connait Son Seigneur, mais l’un de ses semblables peut le dépasser dans ce domaine, alors que lui, il en est incapable. Il ne lui est pas imposé une chose qui est au-dessus de ses capacités… »[9]

Le nouveau converti et le Bédouin vivant loin des villes sont excusables à l’unanimité des savants

Ibn Taïmiya explique : « Bon nombre de gens vivent dans des endroits ou des époques où s’estompe une grande partie du savoir prophétique, de sorte qu’il n’y a personne pour transmettre les enseignements du Coran et de la sagesse qu’Allah a ordonné à Son Messager de transmettre aux hommes. De nombreux enseignements sont alors ignorés, d’autant plus qu’il n’y a personne pour les transmettre. Ce genre d’individus ne devient pas mécréant. C’est pourquoi, les grandes références sont unanimes à dire que si le Bédouin vivant loin des villes [et des savants], et, en outre, étant un nouveau converti, renie les lois évidentes et communément transmises, on ne peut le juger mécréant avant de le mettre au courant de ces enseignements prophétiques, comme en témoigne le fameux hadîth : « Il viendra une époque où personne ne connaitra ni prière ni jeûne ni pèlerinage ni ‘umra en dehors du vieil homme et de la vieille femme qui diront : « À l’époque de nos parents, les gens disaient : la ilâh illa Allah ! » On demanda à Hudhaïfa ibn e-Nu’mân (t) : « Cela pourra-t-il leur servir ?
  • Cela va les sauver de l’Enfer, répondit-il. »[10] »[11]

L’ignorance n’est pas toujours un facteur excusable

Ibn Taïmiya explique : « En délaissant une obligation non par conviction ni par une forme d’ignorance qui est légitimement excusable, mais tout simplement par une ignorance qui est née d’une volonté de se détourner du savoir qu’il incombe d’apprendre, tout en y ayant accès. Il est possible également de ne pas adhérer à une obligation ou à une interdiction après l’avoir entendu, sans forcément renier la prophétie, mais tout simplement en s’en détournant. Ces deux cas sont souvent la raison pour laquelle on néglige son devoir d’apprendre le savoir obligatoire. C’est ce qui pousse à délaisser une obligation ou à enfreindre une interdiction sans savoir qu’on va à l’encontre de la Loi, ou bien, même en le sachant, on daigne y adhérer soit par esprit de chauvinisme envers sa tendance, soit pour avoir succombé à ses passions. Ce cas revient à délaisser une croyance obligatoire sans excuse valable. »[12]

Ainsi, ibn Taïmiya distingue entre l’ignorance involontaire ou indépendante de la volonté et impossible à remédier dans l’immédiat et l’ignorance volontaire ou qu’il est possible de remédier.[13]

Renier un point élémentaire de la religion est en principe inexcusable

ibn Taïmiya établit dans un passage : « Quiconque renie l’aspect obligatoire de certaines obligations notoires (ou pratiques)communément transmises (mutawâtir), comme les cinq prières, le jeûne du ramadhan, le pèlerinage à la Maison sacrée ; ou l’interdiction de commettre certains péchés notoires et communément transmis, comme la perversité, l’injustice, le vin, les jeux de hasard, l’adultère, etc. ; ou qui conteste certaines choses licites dont la légitimité est notoire et communément transmise comme le pain, la viande, le mariage ; c’est un mécréant apostat qui doit être mis à mort s’il refuse de se repentir. »[14]

Ainsi, il est inadmissible de renier des points du crédo que corroborent des hadîth communément transmis (mutawâtir). C’est pourquoi, en règle générale, les anciens s’entendent à vouer à l’innovation dans l’absolu ceux qui n’entrent pas dans les rangs sur ces points.[15]

Même dans ce domaine, la chose est relative : celle-civarie en fonction des endroits, des époques et des personnes

Pour preuve, il soutient dans un autre passage : « On ne peut taxer d’apostat (kaffar) un cas particulier avant l’iqama et hujja, comme celui qui renie l’aspect obligatoire de la prière, la zakat, et qui autorise moralement le vin, l’adultère en faisant une erreur d’interprétation (ta-awwal)… comme l’ont fait les Compagnons avec ceux qui s’étaient autorisés le vin. »[16]

Ailleurs, il est plus explicite : « Le fait qu’une question soit connue de façon élémentaire par tous les musulmans est, somme toute, relatif. Le nouveau converti et le Bédouin vivant loin des villes peuvent n’en avoir aucune connaissance, avant de pouvoir parler de connaissance élémentaire. Bon nombre de savants savent de façon élémentaire que le Prophète (r)a fait la prosternation de l’oubli, qu’il a jugé que le prix de sang devait être versé par le clan du meurtrier, qu’il a jugé que l’enfant naturel était affilié au lit, etc. Certes, les spécialistes connaissent ces points de façon élémentaires, mais, au même moment, la plupart des gens n’en ont jamais entendu parler. »[17]

À suivre…







[1]L’Absoluteur ; 34
[2]Rapporté par el Bukhârî (5/51), et Muslim (2/656-658), selon notamment Abû Huraïra ().
[3]Manhâj e-sunna (5/111-113).
[4]Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/27-28).
[5]Majmû’ el fatâwa (7/519).
[6]Majmû’ el fatâwa (3/328-329).
[7]Majmû’ el fatâwa (3/328).
[8]El îmân (p. 390).
[9]Majmû’ el fatâwa (3/328).
[10]Rapporté par ibn Mâja (4049) ; Sheïkh el Albânî l’a authentifié dans silsilat el ahâdîth e-sahîha (87), et sahîh el jâmi’(6/339).
[11]Majmû’ el fatâwa (11/407-408).
[12]Majmû’ el fatâwa (5/254-255).
[13]Majmû’ el fatâwa (2/281).
[14]Majmû’ el fatâwâ (11/405).
[15]Majmû’ el fatâwâ (4/325).
[16]Majmû’ el fatâwâ (7/619).
[17]Majmû’ el fatâwâ (13/118).
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  #6  
ÞÏíã 14 Nov 2011, 10:17 PM
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Le takfîr, le tafsîq, et le tabdî'
(Partie 6)

L’erreur est une forme d’ignorance

D’après le recueil e-sahîh, selon Abû Huraïra (y), le Messager d’Allah (r) a dit :« Un homme, qui n’avait fait aucune bonne action, recommanda à sa famille avant de mourir : « Après ma mort, brûler ma dépouille. Puis, dispersez-en une partie dans la mer et l’autre partie sur la terre ferme. Par Allah ! S’Il venait à me reprendre, Il m’infligerait un châtiment comme Il ne l’a jamais infligé à personne dans l’Humanité entière. » Après sa mort, ses vœux furent exaucés, mais Allah ordonna à la terre ferme et à la mer de rassembler ses cendres.Puis, Il le questionna : « Qu’est-ce qui t’a poussé à faire cela ?
  • C’est la peur de subir ton courroux, Mon Seigneur ! » C’est alors qu’Il lui pardonna. »[1]

Dans certains de ses ouvrages,[2]Abû el ‘Abbâs rejoint l’opinion qui, aux yeux d’ibn Hajar el ‘Asqalânî est la plus vraisemblable,[3]et selon laquelle cet homme fut motivé par une peur extrême. Dans d’autres passages, il reprend une autre opinion, et c’est à la lumière de celle-ci qu’il incombe de comprendre sa position sur le ‘udhr bi el jahl. Ce dernier explique notamment : « Cet homme en question croyait qu’Allah (I)n’avait pas le pouvoir de le reconstituer s’il faisait éparpiller ses cendres, ou tout au moins, il en doutait. Il pensait qu’il ne serait pas ressuscité. Or, ces deux croyances sont du kufr, et font sortir de la religion celui contre qui la preuve céleste fut établie. Cependant, il ignorait ce point, et il n’avait pas le savoir suffisant ayant pu dissiper cette ignorance. Il donnait bien foi à Dieu, à Ses commandements (obligations/interdictions), et à Sa promesse (du Paradis ou de l’Enfer). Ce fut ce qui anima en lui la peur de Son châtiment. Une peur qui intercéda en sa faveur, car Allah lui pardonna.

Ainsi, les croyants qui commettent des erreurs au niveau de certaines questions dogmatiques ne sont pas pires que cet homme. Ils donnent en effet foi en Dieu et au jour du jugement dernier, et font de bonnes œuvres. Ils méritent tout autant le Pardon divin pour leur erreur, mais ils peuvent aussi être châtiés pour ceux d’entre eux qui font preuve de négligence dans la recherche de la vérité. Et cela, proportionnellement à leur niveau de religiosité. Quant à kaffarun individu sur une simple erreur, c’est une chose vraiment grave… »[4]

La négligence dans la recherche de la vérité est un péché, mais sans forcément atteindre le degré de mécréance

Sheïkh Taqî e-Dîn établit : « L’erreur peur provenir d’une négligence envers, par exemple, le devoir de suivre le Coran et de lui donner foi, ou elle peut provenir d’une transgression des limites d’Allah en empruntant des sentiers interdits, ou encore d’un penchant vers les passions infondées. Dans ce cas, sous le coup de la menace divine, on est injuste envers soi-même. En revanche, en faisant tous les efforts pour obéir à Allah et à Son Messager, que ce soit avec le cœur ou dans les actes, et ne recherchant dans ses efforts rien d’autre que la vérité, conformément aux injonctions du Coran et de la sunna, on est excusé pour son erreur. »[5]

« Quant à la question du takfîr, selon la bonne opinion, tout individu de la communauté mohammadienne faisant une erreur suite à un effort d’interprétation ne devient pas mécréant, à condition que son intention soit de parvenir à la vérité. Dans ce cas, son erreur lui est pardonnée. Cependant, dans la situation où, bien qu’on appréhende clairement les enseignements du Messager, on s’en écarte en toute connaissance de cause, pour suivre un autre chemin que celui des croyants, on devient mécréant.
Or, dans la situation où on se soumet à ses passions, tout en faisant preuve de négligence dans la recherche de la vérité, ce qui pousse à parler sans science, on devient un désobéissant condamnable, voire un pervers, sauf si les bonnes actions prennent le dessus sur les mauvaises. »[6]

L’erreur peut même être gratifiée d’une récompense, à condition qu’elle ne soit pas du shirk

SheïkhAhmed ibn ‘Abd el Halîm établit : « On peut faire un acte d’adoration interdit par la religion, mais sans qu’on le sache, à condition que cet acte en question ait une origine dans les textes ; par exemple, faire la prière pendant les horaires interdits ; on peut avoir connaissance des textes généraux enjoignant de prier, mais sans savoir que, dans certains horaires, cela soit interdit… Cet acte entre dans le sens général des textes vantant les vertus de la prière, tout en ignorant que d’autres textes l’interdisent sous cette forme-là ; dans ce cas, on est récompensé. Certes, sous un certain angle, cette prière est interdite. Dans la mesure où on ne sait pas que, faite de cette façon, elle est une innovation qu’on élève au rang de rite à l’occasion duquel on se réunit annuellement. Cela revient à, par exemple, inventer une sixième prière journalière.
Néanmoins, les actes, qui n’ont aucune origine dans les textes comme l’association, ne rapportent aucune récompense. Certes, Allah ne châtie pas leur auteur avant qu’il ait reçu la preuve prophétique, conformément au Verset : [Nous n’allions châtier personne avant d’envoyer un messager].[7]Néanmoins, s’il est vrai qu’on ne sera pas châtié à cause de ces actes, on n’aura pas droit, pour autant, à une récompense, conformément au Verset : [Nous avons considéré les œuvres qu’ils ont avancées et les avons rendues comme de la poussière éparpillée ].[8]Ibn el Mubârak en fait le commentaire suivant : « Il s’agit des œuvres qui ne sont pas faites pour Allah. » Pour Mujâhid, il s’agit des œuvres qui n’ont pas été acceptées. Allah(I) révèle également : [Voici la parabole de ceux qui ont mécru à Leur Seigneur ; leurs œuvres sont comme des cendres disséminées violemment par le vent].[9]Leurs actes sont complètement annulés et ils ne rapportent aucune récompense. »[10]

Il incombe d’interdire toute adoration qui n’est pas en vigueur ; si, en étant au courant de son interdiction, on la fait quand même, on mérite la punition, sinon, on ne la mérite pas. En outre, on peut croire qu’elle est légiférée, dans ce cas, on mérite une récompense, à condition qu’elle ait une origine dans les textes. En revanche, tout acte qui relève de l’association n’a aucune origine textuelle. Néanmoins, la chose peut être confuse aux yeux de certains qui pensent que sous certaines formes, elle soit légiférée. On ne peut pas dire qu’ils soient des savants mujtahid qui eux ne sortent jamais des preuves légales dans leur réflexion, ce qui n’est pas le cas de l’association n’ayant aucune origine textuelle. Malgré tout, celle-ci peut être motivée par un effort d’interprétation qui revient à suivre aveuglément les Sheïkh et les savants qui s’adonnent à ce genre de pratique. Ces derniers sont motivés par différentes raisons ; ils peuvent penser par expérience qu’elles sont utiles ou ils peuvent être induits en erreur par un faux hadîth.

Dans la mesure où la preuve céleste n’est pas établie contre eux, ils ne méritent pas d’être châtiés. Quant à être récompensé, c’est encore un autre sujet. Ils sont en effet relativement plus louables que les autres, mais sans n’avoir la récompensé prévue pour les actes de dévotion, étant donné que ce genre de pratiques n’a aucune origine textuelle.[11]

L’erreur « involontaire » est une restriction au takfîr

« Les erreurs de ceux qui font un effort d’interprétation dans les deux domaines el khabariya (ou furû’ ndt.) et el ‘almiya (ou usûl ndt.) sont pardonnées. »[12]

« Il est interdit de taxer un musulman de mécréant pour un péché ou une erreur qu’il a commis… »[13]

Ainsi, Allah ne tient pas rigueur de l’erreur et de l’oubli et l’état de mécréance ne peut être constaté avant l’étape d’éclaircissement ou avant d’en fournir les preuves.[14]

L’erreur n’est donc pas forcément synonyme de péché

Sheïkh Taqî e-Dîn établit : « Les savants font uniquement allusion aux prophètes – que les prières d’Allah soient sur eux – quand ils parlent de la catégorie d’individus qui sont immunisés de persister dans la faute. Cela ne concerne pas les véridiques, les martyrs, et les pieux qui ne jouissent pas de ce privilège. Ces derniers sont capables de faire des péchés qui sont incontestables, mais ils peuvent également être motivés par un effort d’interprétation qui ne leur garantit pas d’avoir raison tout le temps. Quand ils ont effectivement raison, ils reçoivent une double récompense, mais s’ils se trompent ils n’en reçoivent qu’une seule en compensation à leurs efforts. Cela veut dire que ce genre d’erreurs leur est pardonné.

À l’inverse des savants, nous avons les égarées pour qui, l’erreur et le péché sont indissociables. Ils peuvent alors avoir deux réactions vis-à-vis des fautifs éventuels : soit ils font preuve d’excès en considérant qu’ils sont parfaits soit ils font preuve de laxisme en pensant que leurs erreurs les rendent injustes. Quant aux savants [modérés], ils disent qu’ils ne sont ni parfaits ni condamnables. »[15]

L’erreur d’interprétation (ta-wîl)

Sheïkh Taqî e-Dîn a dit : « Le takfîr entre dans le domaine de la menace divine. Il est possible qu’une parole consiste à démentir les enseignements du Messager (r). Cependant, il est possible également qu’elle provienne d’un nouveau converti ou d’un Bédouin vivant loin des villes. Dans ce cas, il ne devient pas mécréant pour avoir renié un enseignement de la religion, pas tant que la preuve céleste soit établie contre lui. Il est possible qu’un individu n’ait jamais entendu parler de ces textes, ou que, bien qu’ils en aient entendu parler, il remette en question leur sens ou leur authenticité, ou qu’il soit sujet à n’importe quel autre empêchement l’ayant forcé à les interpréter, indépendamment du fait qu’il se soit trompé dans sa conclusion.

Je prends depuis toujours l’exemple, pour appuyer ce point, du hadîthrapporté par el Bukhârî et Muslim sur l’homme ayant recommandé à sa famille avant de mourir. « Après ma mort, brûler ma dépouille. Puis, dispersez-en une partie dans la mer et l’autre partie sur la terre ferme. Par Allah ! S’Il venait à me reprendre, Il m’infligerait un châtiment comme Il ne l’a jamais infligé à personne dans l’Humanité entière. » [Après sa mort, ses vœux furent exaucés, mais Allah ordonna à la terre ferme et à la mer de rassembler ses cendres.Puis,] Il le questionna : « Qu’est-ce qui t’a poussé à faire cela ?
  • C’est la peur de subir ton courroux, Mon Seigneur ! » C’est alors qu’Il lui pardonna. »[16]

Cet homme mettait en doute le Pouvoir d’Allah, soit qu’Il puisse rassembler ces cendres qu’il recommanda d’éparpiller. Pire, il pensait qu’il ne serait pas ressuscité. Or, cette croyance est une forme de mécréance à l’unanimité des savants. Cependant, il était ignorant et ne connaissait pas ce point. Et, en même temps, il était croyant et craignait ardemment qu’Allah le châtie. C’est ce qui lui fit gagner Son Pardon. À fortiori, les savants ayant la compétence pour faire des efforts d’interprétation, tout en veillant à suivre le Messager (r),méritent encore plus d’être pardonnés. »[17]

« Une parole peut relever de la mécréance, comme les opinions des jahmitesqui disaient qu’Allah n’était pas doué de la Parole et qu’Il ne pouvait être vu dans l’au-delà. Néanmoins, il est possible que certains gens ne soient pas en mesure de savoir que c’est du kufr. C'est pourquoi on dit dans l’absolu que l’auteur d’une telle parole est un mécréant. Par exemple, les anciens vouaient à la mécréance toute personne qui reniait le caractère incréé du Coran et la vision d’Allah dans l’au-delà. Cependant, nous ne pouvons pas appliquer ce statut à un cas particulier, avant d’avoir établi contre lui la preuve céleste, comme nous l’avons vu auparavant. Dans ce registre, nous avons ceux qui renient l’aspect obligatoire de la prière et de l’aumône légale, ou qui autorisent moralement les boissons enivrantes ou l’adultère, en interprétant la chose à leur façon.

Il faut savoir que ses lois sont plus notoires dans les rangs des musulmans que les premières citées. Ainsi, si la mauvaise interprétation et l’erreur n’entrainent la mécréance qu’une fois que la vérité est exposée et qu’on somme au fautif de se repentir dans ces dernières questions, comme se sont comportés les Compagnons avec ceux qui avaient autorisé moralement à boire du vin, à fortiori, elle ne l’entraine pas non plus pour les premières questions. »[18]

« De la même façon, le takfîrest un droit qui revient à Allah ; il ne convient de sortir de la religion que celui qui a été désigné en tant que tel par Allah et Son Messager. En outre, pour vouer un cas particulier à la mécréance et à la condamnation à mort, il incombe d’établir contre lui la preuve céleste condamnant à la mécréance tous ceux qui s’y opposent. Il ne faut pas s’imaginer que tous ceux qui ignorent un élément de la religion sont automatiquement des mécréants. Il y avait un groupe parmi les Compagnons et leurs successeurs directs, à l’image de Qudâma ibn Mazh’ûn, qui autorisèrent moralement à boire du vin, en pensant que l’interdiction n’englobait pas les pieux, comme ils l’avaient compris du Verset de la sourate le repas céleste. Les savants des Compagnons, à l’instar d’Omar et d’Alî, s’accordèrent à l’unanimité à les sommer de se repentir, et à les vouer à la mécréance en cas de refus. S’ils reconnaissaient leur erreur, ils n’avaient droit qu’au fouet. Il n’était pas question de les sortir de la religion au premier abord, étant donné qu’ils s’étaient trompés dans leur jugement en raison d’une conception erronée. Il fallait attendre avant cela de leur démontrer la vérité… »[19]

Ibn Taïmiya dit également : « Le fait qu’une parole relève du kufrn’implique pas nécessairement de kaffarquiconque la prononce par ignorance, ou suite à une erreur d’interprétation.Établir la mécréance sur un cas particulier revient à établir qu’il est concerné par la menace divine, qui est pourtant soumise à des conditions et à des restrictions. »[20]

À suivre…



[1]Cette histoire est rapportée par el Bukhârî (7505) et Muslim (2757).
[2]Voir notamment : majmû’ e-rasâil wa el masâil (3/346).

[3]Voir : fath el Bârî (13/290).
[4]El istiqâma (1/164-165) ; en annotation à ‘âridh el jahl(p. 433) de Râshid e-Râshid, Sheïkhel Fawzân souligne que l’homme en question ne connaissait pas certains détails du Pouvoir, bien qu’il le reconnaissait dans l’ensemble. Son erreur touchait donc à un point subtil du dogme.
[5]Majmû’ el fatâwâ (3/317).
[6]Majmû’ el fatâwâ (12/180).
[7]Le voyage nocturne ; 15 voir les tafsîr d’e-Tabarî et d’ibn Kathîr.
[8]Le furqân ; 23
[9]Ibrahim ; 18
[10]Majmû’ el fatâwâ (20/31-33).
[11]Majmû’ el fatâwâ (20/32-33) ; ailleurs, il explique que certains ignorants qui participent au mawlûd par amour envers le Prophète (r) sont récompensés pour leurs bonnes intentions. [Voir : iqtidhâ e-sirât el mustaqîm (2/617-618).]
[12]majmû’ el fatâwa(20/33).
[13]majmû’ el fatâwa(3/288). Ce passage mérite plus amples détails. Quoi qu’il en soit, Sheïkh el Islamprécise ici que, dans la tendance hanbalite, il existe trois opinions concernant le statut de celui qui n’a pas reçu la révélation, et affirme que l’opinion la plus probable est celle disant qu’il est pardonnable !
[14]Idem. (12/523-524).
[15]Majmû’ el fatâwâ (35/29).
[16]Cette histoire est rapportée par el Bukhârî (7505) et Muslim (2757).
[17]Majmû’ el fatâwâ (3/231).
[18]Majmû’ el fatâwâ (7/619).
[19]E-radd ‘alâ el Bakrî(p. 258).
[20]Voir : minhâj e-sunna (4/458).
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  #7  
ÞÏíã 15 Nov 2011, 08:04 PM
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Le takfîr, le tafsîq, et le tabdî'
(Partie 7)

Des exemples de mauvaise interprétation dans les rangs des anciens

Abd Allah, le fils d’ibn ‘Abd el Wahhâb nous fait un résumé de la position d’ibn Taïmiya sur les erreurs d’interprétation : « Certains textes scripturaires démontrent qu’Allah ne châtie pas pour une erreur commise par un adepte de notre communauté. D’après le recueil e-sahîh, selon Abû Huraïra (y), le Messager d’Allah a dit : « Un homme, qui n’avait fait aucune bonne action, recommanda à sa famille avant de mourir. « Après ma mort, brûler ma dépouille. Puis, dispersez-en une partie dans la mer et l’autre partie sur la terre ferme. Par Allah ! S’Il venait à me reprendre, Il m’infligerait un châtiment comme Il ne l’a jamais infligé à personne dans l’Humanité entière. » Après sa mort, ses vœux furent exaucés, mais Allah ordonna à la terre ferme et à la mer de rassembler ses cendres.Puis, Il le questionna : « Qu’est-ce qui t’a poussé à faire cela ?
  • C’est la peur de subir ton courroux, Mon Seigneur ! » C’est alors qu’Il lui pardonna. »[1]

Ce hadîtha été certifié par plusieurs voies que rapportent un certain nombre de Compagnons…

Cet homme en question doutait et ignorait qu’Allah (I)avait le Pouvoir de le reconstituer ; il avait alors recommandé à sa famille d’éparpiller ses cendres. Pourtant, cet homme était dans l’ensemble, un croyant. Il croyait, dans l’ensemble, au dogme de la Résurrection ; soit qu’Allah allait rétribuer les hommes en bien ou en mal après leur mort. Cette croyance est une bonne œuvre en elle-même. Elle intercéda en sa faveur lorsqu’Allah décida de lui pardonner. Son erreur fut mise au compte de la peur extrême ; en sachant que de nombreux adeptes de notre communauté commettent des erreurs de ce genre.

Pourtant, les savants s’accordent à ne pas kaffarpour les erreurs commises par les musulmans. Par exemple, certains Compagnons contestaient que les morts puissent entendre. D’autres contestaient que le voyage nocturne ait eu lieu à l’état d’éveil.

Shuraïh el Qâdhî, quant à lui, il contestait la lecture [bel ‘ajibtû wa yaskharûn][2] ; en ayant Allah pour sujet du verbe ‘ajiba (s’étonner, se réjouir, plaire à ndt.),sous prétexte qu’Allah ne pouvait s’étonner de quelque chose. Quand Ibrahim e-Nakha’î eut écho de son opinion, il eut la réaction suivante : « Shuraïh est un poète imbu de son savoir, mais ‘Abd Allah, qui est plus érudit que lui, lisait : [bel ‘ajibtû wa yaskharûn](au lieu de ‘ajibta ndt.). »

Ce fameux Shuraïh contestait une lecture pourtant reconnue, et qui plus est, un Attribut confirmé par le Coran et la sunna. Or, à l’unanimité des musulmans, Shuraïh compte parmi les grandes références de la Nation. »[3]

Donner une excuse à une erreur d’interprétation ne veut nullement dire qu’on la cautionne

Sheïkh Taqî e-Dîn a dit : « Certains peuvent aller jusqu’à autoriser moralement certaines boissons enivrantes suite à une erreur d’interprétation, à l’exemple des habitants de Koufa. Cette autorisation morale qui ne sort pas du cercle de l’effort d’interprétation, mais qui conduisit à l’erreur des croyants ayant à leur actif des actions énormes, est pardonnée par Allah ayant répondu à l’invocation : [Seigneur ! Ne nous tiens pas rigueur de nos erreurs et de nos oublis].[4]Certains ont autorisé moralement certaines formes d’usure, d’autres ont permis d’écouter la musique, et d’autres enfin, ont autorisé à verser le sang des musulmans. De tels errements venant de grands croyants, sont à mettre au compte soit des péchés effacés par les malheurs, ou tout simplement pardonnés, soit au compte des erreurs pardonnées. Malgré cela, il incombe de mettre en lumière les enseignements du Coran et de la sunnaqui incarnent le droit chemin et la vraie religion ; puis, de l’ordonner aux gens et de l’interdire en fonction des moyens. »[5]

Il incombe pour les questions d’iqâma el hujja de dissiper toute conception erronée et ambigüe

SheïkhTaqî e-Dîn a dit : « C'est pourquoi je disais aux jahmitespanthéistes et négateurs qui reniaient qu’Allah (U) fût sur Son Trône à l’époque où leur fitnacommença ; que si j’avais été l’auteur de vos paroles, j’aurais été un kâfir. Moi, en effet, je sais pertinemment que vos paroles relèvent de la mécréance, mais, à mes yeux, vous n’êtes pas des kuffarétant donné que vous êtes des ignorants.Je m’adressais ainsi à leurs juges, leurs savants, leurs Sheïkh et leurs émirs. À l’origine, leur ignorance provient des arguments de la pensée, de la part de leurs leaders, qui étaient ambigus, car leur bagage dans le domaine des textes authentiques, qui sont conformes à la raison saine, était léger. »[6]

« Perdre la raison est une excuse pour laquelle la plume s’abstient de retranscrire les œuvres. De la même façon, la conception erronée à cause de laquelle on ne peut établir la preuve céleste, peut être une excuse ne serait-ce qu’en apparence. »[7]

Les innovations aggravées sont extrêmement condamnables

Ibn Taïmiya décrit certains agissements des soufis ultras : « Certains d’entre eux s’autorisent moralement à faire certaines immoralités, comme se permettre de prendre des femmes étrangères pour petite amie et de les rencontrer dans l’intimité pour leur offrir la barakaen faisant avec elles ce que la religion leur interdit pourtant. Ils se permettent également ce genre de choses avec des imberbes sous prétexte de jouir de leur contemplation et d’avoir certains attouchements avec eux, à la manière de certains initiés. Le but, c’est d’atteindre l’amour du Créateur en passant par l’amour des créatures.
Ils préconisent également certaines prémices à l’adultère ; ils peuvent aller jusqu’à autoriser moralement à faire directement l’adultère. »[8]

Ailleurs, il donne son verdict : « Quiconque ne croit pas d’une foi ferme que la religion du Messager d’Allah s’adresse à l’Humanité entière ; qu’il incombe à tous les hommes de le suivre ; que le licite est ce qu’il a rendu licite et que l’illicite est ce qu’il a rendu illicite ; que la religion est ce qu’il a légiféré est un vulgaire mécréant à l’image de ces hypocrites, notamment, qui autorise à sortir de sa religion, de sa législation, et de son obéissance. »[9]

Qu’en est-il des suiveurs ?

Voici la réponse : « Certains prétendent que le discours de ces gens-là renferme un secret subtil, et que sa face cachée est une vérité contenant des mystères que seule l’élite de l’élite de la création est à même de percer. De deux choses l’une, soit l’auteur d’une telle parole est un grand zindîqathée et imposteur soit un grand ignorant égaré. Le premier doit être mis à mort et le second doit être informé de leur situation. Si, après avoir établi contre lui la preuve céleste, il s’entête dans sa mauvaise croyance, il doit également être mis à mort. »[10]

« Plus on est au courant de la face cachée de cette tendance tout en y adhérant, plus on sombre dans la mécréance et l’athéisme. Or, certains ignorants se font une bonne opinion de leurs paroles, mais sans les comprendre réellement. Ils pensent qu’ils ont à faire au même genre qu’aux maitres initiés, dont le discours, bien qu’il soit juste, est indéchiffrable pour beaucoup. Ces suiveurs ont souvent la foi et sont relativement fidèles au Coran et la sunna, conformément à la croyance traditionnelle. S’ils approuvent le discours des premiers, c’est uniquement dans la mesure où ils se font une bonne opinion d’eux, tout en se soumettant à eux les yeux fermés proportionnellement à leur ignorance et à leur égarement. Ils ne se mettent pas à l’esprit que seuls un mécréant athée ou un ignorant égaré peuvent donner crédit à leurs discours…

Leurs discours, qu’il soit pris au pied de la lettre ou non, relèvent entièrement de la mécréance à l’unanimité des musulmans. En venant à douter de leur mécréance, après avoir eu connaissance de leurs réelles intentions et de leur véritable religion, on prend le même statut qu’eux, car c’est comme si on doutait de la mécréance des Juifs, des chrétiens, et des païens. »[11]

L’une de ses fatwastraite du panthéisme et du monisme d’ibn ‘Arabî. En voici un extrait : « Or, ceux qui ne pénètrent pas les subtilités de leur discours s’en sont laissé abuser, exactement comme ceux qui se laissent abuser par le discours ésotérique des qarmates. Ces derniers se sont, en effet, fait passer pour des fatimides (descendants de Fâtima ndt.)affiliés au shiisme. Leurs suiveurs ont penché vers eux, sans vraiment connaitre le fond de leur discours qui est rempli de mécréance. Ainsi, deux catégories d’individus peuvent avoir une attirance pour eux : soit un zindîqhypocrite soit un ignorant égaré. Nous pouvons dire la même chose pour les partisans du monisme. Leurs chefs de file sont de vulgaires mécréants qu’il incombe de mettre à mort, sans accepter le repentir d'aucuns d’entre eux, à condition de les attraper avant qu’ils ne se repentissent.

Ils sont en effet les pires des zindîqqui cachent derrière leur appartenance trompeuse à l’Islam, la pire des mécréance. Ceux-là pénètrent très bien leur discours et ils ont pleine conscience qu’il s’oppose littéralement à la religion des musulmans.

Il incombe de punir toute personne qui s’affilie à eux, les défend, leur fait les éloges, encense leurs ouvrages, qui est connue pour les aider et les soutenir, qui déteste entendre du mal d’eux, qui leur cherche des excuses en disant qu’un tel ne connaît pas le sens de telles paroles, qu’il n’en connaît pas l’auteur, ou qu’il a composé tel ouvrage…

Ce genre d’excuses ne peut que provenir d’un ignorant ou d’un hypocrite. Il incombe plutôt de punir toute personne qui, au courant de leur situation, ne contribue pas à mettre fin à leurs manigances. S’opposer à eux représente l’un des plus grands devoirs du musulman, car ils ont corrompu l’esprit et la religion de bon nombre d’individus parmi les Sheïkh, les savants, les rois, et les princes. Ils sèment le désordre sur terre et détournent les gens du chemin d’Allah.

Les dégâts qu’ils font à la religion sont pires que les dégâts matériels causés aux musulmans notamment par les bandits de grand chemin. Ces derniers ne s’attaquent pas en effet à la religion des gens. Dans cet ordre, nous avons les tatars qui ne convoitent que leurs richesses, mais sans s’en prendre à leurs convictions. Ceux qui ne savent pas à qui ils ont affaire ne doivent pas prendre la chose à la légère. Leur égarement et leur mauvaise influence est plus grands que l’on puise se l’imaginer. Ils sont la tendance la plus proche des qarmates bâtinites. C'est pourquoi ils cautionnent la venue des tatars à la tête des pays musulmans, et leur offrent leur soutien contre leurs propres concitoyens – à part les gens simples qui gonflent leurs rangs, et qui n’ont aucune idée de leur vrai visage.

Ceux-là mêmes qui approuvent la situation des Juifs et des chrétiens et qui considèrent qu’ils sont sur le droit chemin. Ils n’en pensent pas moins pour les adorateurs des idoles. Chacune de leur revendication représente à elle seule la pire des mécréance qui soit.

Ainsi, il incombe d’informer sur leur situation tous ceux qui se font une bonne opinion d’eux, et qui prétendent n’être pas au courant de leurs vraies intentions. Après cela, s’ils ne se séparent pas d’eux et s’ils n’affichent aucun mécontentement envers eux, ils auront droit au même statut qu’eux, et seront considérés comme eux et comme faisant partie d’eux. »[12]

Sheïkhel Harrânî fut interrogé également sur le cas d’une personne étant convaincu que les Sheïkh soufis sont capables de sauver leurs adeptes le jour du jugement dernier contre le châtiment d’Allah. Il répondit que cette parole relève de la mécréance, car cela revient à trouver que son Sheïkh est meilleur que Mohammed ibn ‘Abd Allah (r). On doit sommer à l’auteur d’une telle parole de se repentir sous peine d’être condamné à mort. Puis, il poursuivit : « Quant aux adeptes du SheïkhYûnas, bon nombre d’entre eux mécroient en Allah et en Son Messager ; ils ne reconnaissent ni l’obligation des cinq prières par jour, ni du jeûne du ramadhân, ni du pèlerinage à la Maison sacrée. Ils ne voient pas les interdictions d’Allah et de Son Messager ; ils profèrent même des blasphèmes contre Allah, Son Messager, le Coran, et l’Islam, comme peuvent en témoigner ceux qui les connaissent réellement.

En revanche, les gens simples parmi eux qui ne connaissent pas leur face cachée, ils ont la même foi que la grande majorité des musulmans, et qu’ils ont apprises chez les musulmans normaux, non chez eux. Leur élite, à l’image du SheïkhSallûl, Jahlân, e-Sahbânî, etc. ne voient pas l’aspect obligatoire de la prière, et ils vont même plus loin, en ne reconnaissant pas la prophétie de Mohammed (r). »[13]

Ailleurs, il renchérit : « Les philosophes tinitessont des mécréants. Leur mécréance est évidente pour les musulmans, comme il le souligne lui-même – en parlant de Ghazâlî –ainsi que d’autres savants. Des musulmans beaucoup moins instruits et moins religieux se rendent compte de cette évidence, à condition bien sûr, qu’ils assimilent leur véritable discours. Sinon, leur mécréance peut, en effet, leur échapper. Certains musulmans qui n’ont pas conscience de leur gravité peuvent malheureusement s’en imprégner, mais ces derniers sont excusables en raison de leur ignorance. »[14]

À suivre…






[1]Cette histoire est rapportée par el Bukhârî (7505) et Muslim (2757).
[2]Les rangées d’anges ; 12
[3]Majmû’ e-rasâil wa el masâil (1/195-196) et e-durar e-saniya (10/245-246) ; voir notamment pour ibn Taïmiya : Majmû’ el fatâwâ (11/551).
[4]La vache ; 286
[5]El istiqâma (2/188-189).
[6]E-rad ‘alâ el bakrî (2/494).
[7]Majmû’ el fatâwâ (2/486).
[8]Majmû’ el fatâwa (11/405).
[9]Majmû’ e-rasâil wa el masâil (1/44).
[10]Majmû’ el fatâwa (2/378).
[11]Majmû’ el fatâwa (2/367-368).
[12]Majmû’ el fatâwâ (2/131-132).
[13]Majmû’ el fatâwâ(2/106-107).
[14]Sharh el asbahâniya(p. 628-629).
ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
  #8  
ÞÏíã 16 Nov 2011, 08:11 PM
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Le takfîr, le tafsîq, et le tabdî'
(Partie 8)

La règle du hukm et du ism

Le takfîr et le tafsîq dépendent des questions du hukm (statut d’un cas particulier) et du ism (nom ou description d’un acte). Ils impliquent donc un certain nombre de choses :
  • La menace divine dans l’au-delà,
  • Les sentiments d’alliance (l’amour et la haine en Dieu),
  • La sacralisation du sang sur terre, etc.[1]

Il faut donc distinguer entre l’acte ou la parole qui est une bid’a et leur auteur. À titre d’exemple, la Mère des croyants ‘Âisha – qu’Allah l’agrée – contestait à ibn ‘Abbâs et bien d’autres Compagnons que Mohammed (r) vit Son Seigneur la nuit de l’Ascension. Elle allait jusqu’à dire : « Quiconque prétend que Mohammed a vu Son Seigneur aura gravement menti sur Allah (I). »[2] Or, la majorité des savants de la communauté rejoignent ibn ‘Abbâs, mais ils n’ont pas taxé d’innovateurs tous ceux qui se sont mis du côté de la fille d’Abû Bakr – qu’Allah l’agrée – en contestant la chose.

Cette même ‘Âisha remettait vivement en cause que les Quraishites tombés la bataille de Badr aient entendu le sermon que le Prophète (r) leur prodigua. Après les hostilités, il avait pourtant prévenu ses Compagnons une fois que les corps avaient été rassemblés : « Vous n’entendez pas mieux qu’eux ce que je suis en train de leur dire. »[3]Celle-ci n’accordait pas que les morts puissent entendre, et prétexta qu’en fait, il voulait leur faire savoir que maintenant ils savent que je leur disais la vérité.[4]

Nul doute, toutefois, que les personnes mises en tombe entendent le départ du cortège.[5]En outre, il est certifié que le Prophète (r) est l’auteur des paroles : « Quand un mort, qui, dans sa tombe, reçoit le salut d’un passant qu’il connaissait de son vivant, on lui rend son âme afin qu’il puisse le lui rendre. »[6]Etc.

La Mère des croyants s’en ait fait sa propre interprétation, qu’Allah l’agréé ! Il est dit également que Mu’âwiya (t) pensait que le meilleur des hommes avait fait son Ascension avec son âme uniquement.[7]Des exemples de ce genre, il y en a beaucoup d’autres.

Nous ne parlons pas des divergences dans les lois pratiques de la religion, car là, elles sont trop nombreuses pour pouvoir les cerner. Si à chaque fois que deux musulmans qui divergent sur un point devaient ne plus se parler (hajr), il n’y aurait plus de fraternité ni d’immunité du groupe. Abû Bakr (t) et ‘Omar (t) Les têtes de files de la communauté s’opposaient sur certains points, mais avec une bonne intention.[8]

Autre exemple qui illustre la règle du hukm et du ism : maudire un cas particulier

Sheïkh el Islamétablit la règle selon laquelle, les textes maudissant un acte ne s’adressent pas forcément à tous les cas possibles. À travers certains exemples, il deviendra plus facile de l’appréhender. Nous avons d’un côté certains hadîth qui maudissent toutes les formes d’usure (ribâ el fadhl et ribâ e-nasâ), et de l’autre côté, nous avons certains Compagnons, à l’instar d’ibn ‘Abbâs ayant légitimé ribâ el fadhl. Pourtant, il ne vient à l’esprit de personne de les maudire ou de maudire tous ceux qui les ont imités. Ils furent, en effet, motivé par un effort d’interprétation, qui, en gros, ne sortait pas du cadre toléré, et quand bien même ils s’étaient trompés.

‘Abd Allah Himâr était un buveur de vin. Lorsqu’on le fit comparaitre devant le Messager d’Allah (r), un homme dans l’assemblée proféra la malédiction contre lui. Puis, il enchaina : « Combien de fois fut-il emmené au Messager d’Allah (r).
  • Ne le maudit pas, répondit le Prophète (r), car il aime Allah et Son Messager. »[9]
Pourtant, lui-même a maudit dans son discours toute boisson enivrante, celui qui en boit, celui qui en vend, celui qui la presse, etc.

Même chose pour les savants de Koufa qui étaient convaincus que seul le vin à base de raisin ou de dates était passible de la malédiction. Ils ne voyaient pas d’inconvénient à boire du nabîdh (boisson fermentée) à base d’autres fruits, à condition, bien sûr, de ne pas en abuser sous peine de s’enivrer. Ainsi, la malédiction d’un cas particulier est soumise aux mêmes paramètres (condition à remplir et restriction à exclure) que le takfîr d’un cas particulier.[10] Par ailleurs, selon ibn Taïmiya, il est plus grave d’appliquer les textes de la menace divine (comme la malédiction) à grande échelle que de kaffar les auteurs des grands péchés à la manière des kharijites et des mu’tazilites ;[11]en sachant que le takfîr entre dans le domaine de la menace divine.[12]

Les anciens distinguaient entre deux sortes de mubtadi’

Les anciens punissaient d’exclusion tout individu qui affiche ouvertement des signes d’égarement comme l’innovation, notamment celui qui en fait la prédication, et les grands péchés. Le hajr ne s’applique pas à celui qui fait ses péchés en cachette ou qui n’expose pas sa mauvaise croyance à condition qu’elle ne fasse pas sortir de la religion. L’exclusion est une forme de punition, dans le sens où elle concerne uniquement ceux qui affichent la débauche dans la parole et les actes.

Quant à celui qui nous offre une bonne image de lui, nous nous contentons des apparences, et nous laissons son sort au Très-Haut. Au pire des cas, il est comparable aux hypocrites qui exhibaient une bonne apparence devant le Prophète (r). Après la bataille de Tabûk, ils étaient venus se racheter auprès de lui en jurant que seule une excuse les avait retenus de partir en guerre.

C’est la raison pour laquelle, l’Imâm Ahmed et la plupart des grandes références avant et après lui, à l’instar de Mâlik, refusaient la narration des innovateurs qui appelaient à leur croyance. Ils ne s’asseyaient pas avec eux. Cependant, ils avaient un autre comportement avec l’innovateur qui gardait le silence. Les auteurs des e-sahîh renferment un grand nombre de rapporteurs accusés d’innovation, mais sans en faire la propagande. En revanche, ils mirent de côté les innovateurs prédicateurs.[13]

Peut-on prendre la narration du hadîth ou le témoignage d’un mubtadi’ ?

La question ne se pose pas pour un innovateur mécréant ; il est interdit d’accepter son témoignage contre un musulman (en sachant que la question mérite plus de détails), comme il est interdit de prier derrière lui.[14]Les légistes s’entendent à refuser, à l’unanimité, le témoignage d’un individu connu pour mentir.[15]Le mensonge étant propre aux rafidhites, qui sont passés maitres dans l’art de diffamer contre leurs adversaires, leur témoignage n’a aucune valeur.[16]Abû Hanîfa et Shâfi’î notamment, ne rechignaient pas à prendre le témoignage des hérétiques à l’exception des Khattâbiya, une branche de la mouvance rafidhites.[17]Au demeurant, la divergence règne entre savants sur le témoignage des autres sectateurs ; certains l’acceptent sans condition, et, à l’opposé, d’autres la refusent sans condition. Une troisième opinion, à laquelle adhèrent la plupart des traditionnistes, fait la distinction entre l’innovateur prédicateur et le non-prédicateur. S’ils acceptent celui du second, nous ne pouvons pas en dire autant pour le premier.[18]

Ibn Taïmiya nous en donne la raison : « La correction est prévue contre celui qui délaisse ouvertement les obligations et enfreint les interdictions (renoncer à la prière, à la zakât, afficher l’injustice et la débauche, prêcher l’innovation qui s’oppose au Coran, à la sunna, et au consensus des anciens de la communauté, et qui est notoirement connue comme telle).

Cette tendance corrobore l’opinion des grandes références et des anciens condamnant les innovateurs prédicateurs à un certain nombre de mesures : on refuse leur témoignage, on ne prie pas derrière eux, on ne prend pas d’eux la science, et on ne les marie pas. Ces punitions ont pour ambition de les faire renoncer à leur innovation. C’est la raison pour laquelle, les traditionalistes distinguent entre le prédicateur et le non-prédicateur ; le premier mérite la punition, étant donné qu’il affiche la débauche, contrairement au second qui reste discret, et qui n’est pas pire que les hypocrites. Le Prophète (r), en effet, se contentait de leurs apparences et remettait leur sort entre les Mains d’Allah, bien qu’il fût au courant de la situation de bon nombre d’entre eux. »[19]

Ailleurs, il donne plus de détails sur la sagesse qui se cache derrière une telle distinction : « C'est pourquoi ils acceptent le témoignage des adeptes des sectes, et ils prient derrière eux. Certes, certains savants, à l’image de Mâlik et d’Ahmed, refusaient leur témoignage, non parce qu’ils considéraient qu’ils avaient commis un péché, mais, plutôt pour interdire le mal et mettre en quarantaine tous ceux qui affichaient leur innovation. Les punitions en question (le refus de leur témoignage, et de prier derrière eux, et la mise en quarantaine) ont une vocation dissuasive ; celles-ci éradiquent la propagation de la bid’a.

C’est ce qui explique pourquoi Ahmed distinguait des autres le prédicateur qui affichait ouvertement son innovation. C’est de cette façon également qu’il incombe de comprendre la parole d’el Kharqî« Il faut recommencer la prière faite derrière celui qui affiche son innovation ou la débauche. » »[20]

Pour mieux comprendre ce point, nous disons que le témoignage, pour être accepté, doit reposer sur la confiance et la sincérité. À l’unanimité des savants, le pervers auteur d’un péché (fâsiq bi el ma’siya) perd toute crédibilité. Son péché est dû à une certaine négligence dans son attachement à la religion ; il ne craint pas Dieu comme il se doit, et il n’est donc pas à l’abri de mentir. Nous nous faisons un mauvais soupçon de lui. Et cela, contrairement au pervers auteur d’une innovation (fâsiq bi el bid’a) ; en général, il est profondément religieux, et il ne s’oppose pas sciemment à la religion. Il est souvent animé dans son for intérieur par un scrupule religieux qui lui interdit de mentir. En général, il n’est pas enclin au mensonge, les commandements divins étant trop sacrés à ses yeux. Et cela, surtout s’il est convaincu, à l’instar des kharijites et les mu’tazilites que le mensonge, un grand péché, condamne à l’Enfer éternel. Nul doute qu’on est rassuré, d’entrée, avec lui !

Ainsi, si nous refusons le témoigne du pervers auteur d’un péché, nous acceptons celui du pervers auteur d’une innovation. La différence, c’est que le premier enfreint volontairement les commandements de la religion. Sauf bien sûr, si l’erreur du second est motivée par les passions. Dans ce cas, elle le fait rejoindre le premier, car, volontaire.
Toujours est-il qu’il faut établir le statut de « pervers » à un innovateur potentiel. Il faut déjà vérifier que son innovation atteint le degré de perversité. Et, quand bien même, ce serait le cas, cela ne suffirait pas. L’état de perversité est, en effet, soumis à certains facteurs (conditions à remplir et restrictions à évacuer). À titre d’exemple, l’erreur d’interprétation n’affecte en rien à sa crédibilité morale (‘adâla), et elle ne remet nullement en question son témoignage aux yeux des anciens.[21]

Si tout cela est clair, les traditionalistes ont finalement adopté un certain nombre de mesures contre l’innovateur prédicateur (mise en quarantaine, témoignage et narration refusée, refus de le concerter pour une fatwa et de prier derrière lui). Ces mesures ont probablement été motivées par la raison que nous venons d’évoquer. Autrement dit, celles-ci ont un effet de sanction et de punition dans le but de dissuader les musulmans de les imiter dans ce péché (l’innovation ou autre). Cela n’empêche pas, au même moment que l’un d’eux s’en soit repenti, ou qu’il soit excusable auprès d’Allah. La hijra renferme deux objectifs : soit renoncer aux péchés et à la présence de leurs auteurs, soit sanctionner leurs auteurs et leur donner des corrections exemplaires.[22]

Il devient clair que l’opinion qui refuse dans l’absolu le témoignage et la narration des innovateurs auteurs d’une erreur d’interprétation est faible. Le ta-wîl a touché plus d’un ancien dans des domaines extrêmement vastes. À l’inverse, l’opinion faisant les innovateurs prédicateurs des grandes références incontournables, sans les réfuter ni les dissuader et les mettre en quarantaine, est également faible.[23]

D’après el Khatîb, avec sa propre chaine narrative, selon Abû Dâwûd ibn el Ash’ath, j’ai demandé à l’Imâm Ahmed : « Est-ce qu’on peut retranscrire le hadîthd’un qadarî ?
  1. À condition qu’il ne soit pas un prédicateur. »[24]
Selon Ja’far ibn Mohammed, j’ai demandé à l’Imâm Ahmed : « Abû ‘Abd Allah ! Est-ce que tu retranscris le hadîthd’Abû Mu’âwiya, alors qu’il est un murjî ?
  1. Il n’est pas un prédicateur. »[25]
On demanda à l’Imâm Ahmed s’il est possible de retranscrire le hadîth d’un murjî, d’un qadarî, et autre. Ce dernier répondit : « Oui, à condition qu’il n’en fasse pas la prédication, et qu’il n’en fasse pas son sujet de conversation ; mais si c’est un prédicateur, alors non. »[26]

Dans une version d’Abû Dâwûd, l’Imam précise : « Tolérez la narration des murjites, et écrivez celle des qadarites qui ne sont pas des prédicateurs. » Il autorisa ici à prendre celle des murjites sans condition.[27]Je reviendrais peut-être sur ce point.

Quoi qu’il en soit, ibn Taïmiya conclut : « Il est interdit au prédicateur de prendre un poste à responsabilité, de faire imamdans la prière, comme il est interdit de prendre son témoignage, et sa narration en vue d’interdire le mal, non que sa prière ne soit pas acceptée ou que son témoignage et sa narration soient douteux. »[28]

Selon Ishâq, j’ai demandé à Abû Abd Allah : « Qu’en est-il de celui qui dit que le Coran est créé ?
  • Il est à mettre dans le même sac. Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre.
  • Doit-on être diplomate avec eux ou bien leur afficher notre intransigeance ?
  • Les gens du Khurasânne sont pas suffisamment forts pour leur faire front. »[29]

L’auteur de cette réponse est le même qui affirma au sujet des qadarites : « Si nous devions refuser la narration des qadarites, il ne resterait pas grand-chose venant de Bassora. » Il y avait un intérêt supérieur à conserver l’héritage prophétique. Lors de sa cabale, il était doux avec ces fameuxjahmites, et il se contentait de contrer scientifiquement leurs arguments. Cette réaction explique mieux ses autres positions (ses mises en quarantaine, ses interdictions de parler et de s’assoir avec eux). Il en vint à une certaine période, à boycotter plus d’un meneur soupçonné de proximité avec les jahmites. Il ordonna même aux musulmans de le faire.[30]

Conclusion de ce paragraphe

Les différentes paroles de l’Imam Ahmed nous enseignent que ce dernier faisait la distinction entre les formes d’innovation, entre les innovateurs prédicateurs et les autres, et, son avis peut changer en fonction des besoins. Certaines narrations, en effet, sont indispensables pour conserver le hadîth. Dans tous les cas, il ne considère pas que leur narration ne soit pas crédible, mais son seul souci est de les punir d’exclusion.[31]

Il n’est donc pas pertinent de dire qu’il craignait d’eux qu’ils puissent mentir, étant donné que les autres n’en sont pas moins à l’abri que les prédicateurs. En outre, l’interdiction ne concernerait pas uniquement les textes qui corroborent certaines innovations, mais on pourrait dire la même chose pour les questions de fiqh sur lesquelles règne la divergence entre savants. Le but, donc, c’est de stigmatiser les prédicateurs et de les mettre au bain du corps des savants.[32]

À suivre…







[1]Majmû’ el fatâwâ (12/468).
[2]Rapporté par el Bukhârî (4612), et Muslim (279).
[3]Rapporté par el Bukhârî (3976), et Muslim (279).
[4]Cette histoire est rapporté par el Bukhârî (3979, 3980, 3981).
[5]Lehadîth sur le sujet est rapporté par el Bukhârî (1338), et Muslim (2870).
[6]Rapporté par ibn ‘Abd el Barr dans el istidhkâr (1/231), selon ibn ‘Abbâs ; il n’en demeure pas moins controversé.
[7]Voir : fath el Bârî (7/196-197).
[8]Majmû’ el fatâwâ (24/172). Voir : Jâmi’ e-rasâil avec la recension de Fawz Ahmed Zamralî (2/61-107).
[9]Rapporté par el Bukhârî, selon ‘Omar.
[10]Majmû’ el fatâwa (20/386-388).
[11]Voir : majmû’ el fatâwa (20/263-264).
[12]Idem. (3/231).
[13]Majmû’ el fatâwâ (24/172). Voir : Jâmi’ e-rasâil avec la recension de Fawz Ahmed Zamralî (2/61-107).
[14]Manhâj e-sunna(5/87).
[15]Manhâj e-sunna(1/62).
[16]Manhâj e-sunna(1/59-61).
[17]Manhâj e-sunna(5/87).
[18]Manhâj e-sunna(1/62).
[19]Majmû’ el fatâwâ(35/414).
[20]Majmû’ el fatâwâ(13/125).
[21]Voir : Mawqif ahl e-sunna wa el jamâ’a min ahl el ahwâ wa el bida’ de notre cher frère le Docteur Ibrahîm e-Ruhaïlî (2/652-653). Ce livre est à la fois grandement intéressant et très important dans son registre (e commentaire vient de Sheïkh ‘Abd e-Salâm e-Suhaïmî dans son fameux kun salafiyan ‘alâ el jadda).
[22]Majmû’ el fatâwâ (10/377).
[23]Manhâj e-sunna (1/65).
[24]El kifâya (p. 128).
[25]El kifâya (p. 128).
[26]Tabaqât el hanabila d’ibn Abî Ya’lâ (1/250).
[27]El muswaddad’ibn Taïmiya (p. 267).
[28]Majmû’ el fatâwâ(23/343).
[29]E-sunnad’el Khallâl.
[30]Majmû’ el fatâwâ (28/210-213).
[31]El muswaddad’ibn Taïmiya (p. 264).
[32]El muswaddad’ibn Taïmiya.
ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
  #9  
ÞÏíã 17 Nov 2011, 09:28 PM
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Le takfîr, le tafsîq, et le tabdî'
(Partie 9)

Le tabdî’ et le hajr de quelqu’un en particulier relève du domaine de l’ijtihâd avec les aléas que cela implique

Il est possible que l’une des parties qui divergent s’oppose à son adversaire jusqu’à le taxer de kâfir (mécréant) ou mubtadi’ (innovateur) fâsiq (pervers) passible d’une mise en quarantaine (hajr), bien qu’elle ait tort. Cependant, là aussi, elle est motivée par un effort d’interprétation.

Il est possible également que la dureté soit de mise envers certaines personnes ou dans certains contextes, quand notamment la sunna qui voue à la mécréance tous ceux qui s’opposent, est forte, et quand l’auteur de l’autre opinion, que nous taxons d’innovateur, représente un danger. L’homme sensé doit tenir compte de tous ses paramètres ; la bonne opinion est vue sous le prisme de ses caractéristiques constantes et permanentes qui, en les appliquant, doivent être conformes à la réalité.

Ensuite, le fait que chez celui qui l’entende, elle soit connue, approximative, ignorée, formelle, ou probable ; ou qu’il incombe de suivre ou de ne pas suivre, ou qu’elle voue ou non à la mécréance celui qui la renie, ce sont des lois pratiques qui varient en fonction des personnes et des situations.[1]

Il est sûr que certains traditionalistes ont recours à des hadîth ou des annales faibles, des raisonnements aberrants, des mauvaises interprétations. Il est même possible qu’ils s’inspirent de texte du Coran et de la sunna dont ils ne pénètrent pas le sens, ou à mauvais escient. Ils sont même capables de taxer de mécréants, d’innovateurs ou d’ignorants de grandes références de la communauté. Ainsi, soit ils dévient de la vérité soit ils s’attaquent impunément à leurs frères, indépendamment de savoir si certains d’entre eux sont excusables ou non. Ils sont même capables de sombrer dans l’innovation et l’égarement passibles des pires punitions. Seuls un ignorant ou un injuste peuvent contester ce constat amer ![2]

Ainsi, être innovateur est une chose et subir la punition du hajr en est une autre

Plusieurs punitions sont prévues en vue de dissuader les innovateurs prédicateurs ; leur témoignage est refusé, on ne prie pas derrière eux, on ne prend pas la science d’eux, et on ne les marie pas. Les anciens distinguaient donc entre les prédicateurs et les autres innovateurs.

La punition concerne les personnes qui affichent un manquement aux prescriptions et qui enfreignent les interdictions à l’instar de celles qui ne font pas la prière ou ne versent pas l’aumône, celles qui affichent l’injustice ou la perversité, ou celles qui prêchent l’innovation allant à l’encontre du Coran, de la sunna, et du consensus pour les innovations notoires. Voici le sens des paroles des anciens et des grandes références disant que le témoignage des prêcheurs innovateurs n’est pas accepté, qu’il ne faut pas prier derrière eux, ni prendre d’eux les sciences, ni les préposer en mariage ; telle est leur punition jusqu’à ce qu’ils mettent fin à leurs agissements. C'est pourquoi ils faisaient la distinction entre le prédicateur et le non-prédicateur étant donné que le premier d’entre eux affiche sa corruption ; il méritait ainsi la punition à l’inverse de la personne discrète. Celle-ci n’est pas pire que les hypocrites (…) il faut donc condamner les fautes qui sont exhibées indépendamment de celles qui sont cachées, car la punition concerne ici leur auteur uniquement.[3]

Quant à celui qui exhibe la corruption, il incombe de le contester en public. Il n’est plus question envers lui de médisance. Il incombe de le punir en public en lui infligeant les punitions capables de le dissuader de faire du mal, comme l’exclusion ou autre. Il ne faut plus le saluer ni répondre à son salut dans la condition où la personne qui en prend l’initiative est capable de le faire, et sans qu’aucun désavantage ne soit prépondérant à cela.[4]Quant à celui qui cache ses péchés ou qui est discret dans son innovation non taxée d’apostasie, l’exclusion ne s’applique pas à ce dernier. Néanmoins, elle concerne le prédicateur innovateur étant donné que l’exclusion est une forme de punition.[5]

Le Prophète (r) mit en quarantaine Ka’b ibn Mâlik et ses deux compagnons (y), car ils s’étaient désistés de la bataille de Tabûk. Ils affichaient ainsi la désobéissance et l’on craignit qu’ils deviennent des hypocrites. D’où la décision de les exclure du groupe (hajr) en ordonnant tous les citoyens à y participer. Il leur fut même enjoint de s’éloigner de leurs femmes, mais sans les divorcer. Après cinquante nuits, la révélation céleste, qui annonça leur repentir, mit fin à la sentence.[6]
Dans ce registre, nous avons l’histoire où ‘Omar (t) ordonna aux musulmans de mettre en quarantaine Subaïgh ibn ‘Asal e-Tamîmî qui était à l’affut de Versets ambigus.[7]Au bout d’un an, comme il affichait un repentir sincère, le second Khalife leva la punition.[8]

Selon une règle extraordinaire, tous les péchés dont les méfaits se répandent aux autres, méritent une plus grande punition sur terre ; et tous les péchés dont les méfaits reviennent uniquement aux fautifs peuvent mériter un châtiment plus grand dans l’au-delà, bien que rien n’est prévu contre eux sur terre.[9]

L’exclusion de l’innovateur est une forme de punition, qui est, donc soumise à des conditions à respecter ; elle doit notamment faire la balance des avantages et des inconvénients avant d’être prononcée

Sheïkh el Islamibn Taïmiya – qu’Allah lui fasse miséricorde – précise : « … étant donné que l’exclusion était une forme de punition, celle-ci concerne uniquement les personnes qui affiche la perversité dans les paroles et les actes. »[10]
Ailleurs, il donne plus de détails : « Dans le cas où ni la personne mise en quarantaine ni quiconque ne s’en dissuade. Elle serait plutôt tentée de faire pire, en sachant que les auteurs de la sanction ne sont pas dans une posture favorable, de sorte que les inconvénients peuvent devenir prépondérants aux avantages, le cas échéant, il ne faut aucunement avoir recours à tel procédé. Il existe parfois des situations où il vaut mieux se concilier certaines personnes que de chercher à les punir. À l’inverse, il est possible que l’exclusion soit plus efficace que la conciliation.

C'est pourquoi le Prophète(r)conciliait certains gens comme il en excluait d’autres ; à l’instar des trois qui ont subi cette punition, ils valaient mieux que la plupart des gens dont le Prophète voulait concilier les cœurs. Étant donné que ces gens-là représentaient les notables de leurs tribus respectives, il était de l’intérêt de la religion de se les concilier, tandis que les premiers étaient de véritables croyants. Or, des croyants, il y en avait beaucoup d’autres. Leur exclusion profitait donc à la religion en lui permettant de se consolider d’une part, tout en permettant à ces derniers de se purifier de leurs péchés. Dans cet ordre, il est légiféré parfois de se mettre en guerre contre l’ennemi, et d’autres fois de nouer des traités de paix ou de se contenter d’un tribut. Tout cela est fonction de la situation et des intérêts escomptés. »[11]

« C'est pourquoi les anciens faisaient la différence entre les endroits où l’innovation était répandue à l’instar des qadaritesà Bassora, des astrologues à Khurasân, et des shiitesà Kûfa, et les endroits où il en était autrement. Il est important également de distinguer entre leurs chefs et les autres. Si l’on pénètre mieux les intentions de la religion, il devient plus facile d’emprunter le chemin le plus adéquat pour y parvenir. »[12]

Il est notoire que l’Imam Ahmed, et nombre de grandes références anciennes, encourageait à ne pas saluer les innovateurs quoique musulmans ; lui-même mit en pratique ce principe en ayant refusé de saluer à certains d’entre eux. Pourtant, ce même Ahmed émit l’avis, comme le certifie une annale, de pouvoir donner le salut à des partisans de certaines sectes. Abû Dâwûd – qu’Allah lui fasse miséricorde – rapporte en effet : « J’ai expliqué à Ahmed pour le consulter : nous avons des proches en terre du Khurasânqui adhèrent à la tendance murjite. Lorsque nous envoyons des courriers là-bas, nous leur faisons passer le salem.
  • Gloire à Allah ! S’exclama-t-il, pourquoi ne le feriez-vous pas ? »[13]

L’exclusion et la conciliation ont la propension de réaliser le dessein légitime de remédier au mal que l’érudit est à même de déceler à travers ces deux procédés afin de parvenir à la solution la plus efficace et le plus propice pour la société ; cela, en tenant compte de la situation de la personne en question et des conditions de l’époque. « Le but étant d’appeler les hommes à la soumission d’Allah en ayant recours au chemin le plus adéquat ; il est possible de donner espoir si ce moyen est désigné ou d’instaurer la crainte si ce moyen est plus efficace. »[14]

L’exclusion est soumise, au même titre que n’importe quel acte d’adoration, à deux conditions immuables : la sincérité exclusive à Allah et la conformité aux enseignements prophétiques

L’exclusion entre dans le registre des punitions légitimes ; elle est du même ressort que la Guerre sainte (ledjihad). Si on y a recourt, c’est dans l’intention que la Parole d’Allah soit la plus haute et que la religion soit tout entière au Seigneur. Il incombe au croyant de haïr et d’aimer en Dieu.[15]

Si l’enseignant ou le maître ordonnait d’exclure une personne, de l’éliminer,[16]de le faire tomber,[17]ou de l’éloigner,[18]ou autre, il faut examiner la chose. S’il s’avère que l’individu en question a commis une faute au regard de la Loi, il doit être puni en fonction de sa faute sans rien n’ajouter à la sentence. Mais si toutefois il n’a pas commis de faute légitimement blâmable, il n’est pas tolérable de le punir illégitimement sous prétexte de plaire à l’enseignant ou autre. Il n’est pas concevable pour un enseignant de former un Hizb (parti) autour de lui en faisant faire aux gens ce qui engendrerait la haine et l’animosité. Ils doivent plutôt se comporter en tant que frères, solidaires les uns les autres dans le bien et la piété comme nous l’enjoint le Seigneur : (Aidez-vous mutuellement au bien et à la piété et ne vous aidez pas dans la faute et la tyrannie).[19]

Quiconque veut faire la morale (ordonner le bien et interdire le mal) doit s’armer de science, de douceur, et de sagesse (…) la science doit précéder le sermon, la douceur doit précéder le sermon, et la sagesse doit précéder le sermon. Il ne convient pas à quiconque s’aventure à le faire sans science de s’avancer sur des choses qu’il ignore. S’il était un savant dépourvu de douceur, il serait comme un médecin dont le patient refuserait les soins en raison de sa dureté.

… Il incombe à quiconque veut faire la morale (ordonner le bien et interdire le mal) que son initiative soit vouée à Allah, que son intention soit pour Allah : Il doit avoir pour ambition de réformer la personne à qui son sermon est adressé, il doit lui faire parvenir la vérité sans pour autant chercher le pouvoir pour lui-même ou pour son groupe ou encore à humilier autrui.[20]

… Si l’on sait cela, il faut savoir que l’exclusion légitime compte parmi les œuvres ordonnées par le Coran et la sunna. L’obéissance au Seigneur doit absolument être fondée sur la sincérité à Allah et la conformité à Son Ordre ; elle doit donc être sincère et pertinente. Ainsi, quiconque a recourt à l’exclusion à des fins personnelles ou à travers un procédé non conforme, il est sorti de ce cadre. Combien de gens ont l’impression de plaire à Allah alors qu’en réalité, ils obéissent à leurs passions ![21]


La punition peut aller jusqu’à la peine de mort si le besoin le réclame

Cette tendance est notamment celle de Mâlik, une partie des adeptes de Shâfi’î, et d’Ahmed,[22]mais uniquement en cas de force majeure, en s’en prenant uniquement aux plus dangereux. Toutefois, il faut renoncer à la sentence dans la situation où celle-ci engendre des inconvénients prépondérants aux avantages escomptés. C’est la raison pour laquelle, le Prophète (r) ne jugea pas bon de mettre à mort le premier kharijite qui contesta ses décisions. On aurait pensé en effet qu’il s’en prenait à ses Compagnons. Les campagnes de répression contre les hérétiques peuvent également engendrer des inconvénients à grande échelle. L’Imam ‘Alî l’avait bien compris ; à l’avènement des kharijites, il resta tout d’abord sur l’expectative, car, en face, ils étaient nombreux. Et cela, d’autant plus qu’ils avaient fait allégeance au groupe, et ne montraient aucun signe d’animosité. En outre, il n’était pas sûr à l’époque que la prédiction prophétique faisait allusion à eux.[23]

La peine de mort n’épargne pas l’innovateur non apostat si le besoin s’en fait ressentir

Le but, c’est d’épargner la société de son mal. En cela, il n’est pas différent des insurgés, qui, malgré leur révolte, restent dans le giron de l’Islam. Certains condamnés à mort n’étaient pas des apostats. Il est même possible que Ghilân le qadarite entre dans cette catégorie,[24]ou tout au moins, selon une opinion, comme nous l’expliquerons dans un prochain article, in shâ Allah ! On somme au coupable de se repentir et lui donne les moyens d’avoir accès à la preuve céleste, comme ‘Omar ibn ‘Abd el ‘Azîz le fit avec Ghilân. ‘Alî, lui, avait envoyé ibn ‘Abbâs en ambassadeur chez les insurgés de Nahrawân. La moitié d’entre eux revinrent à la raison, et le reste fut passé au fil de l’épée.[25]

On peut à la fois être excusable devant Dieu et punit par les hommes

Le but de la punition, c’est de garder la société saine, mais, au même moment, il est possible que le coupable soit excusable soit en raison de son effort d’interprétation, ou, tout simplement, en ayant suivi aveuglément l’opinion d’un autre.[26]

De la même manière qu’on peut être puni sans perdre sa crédibilité

L’Imâm Ahmed n’a pas hajar que des gens ayant commis une bid’a.Il y avait parmi eux de grands savants qui avaient cédé à l’inquisition khalifienne avant qu’on ait mis la main sur eux, et même ceux qui s’en repentirent une fois que la situation s’était desserrée. Il fut suivi dans son initiative par ses concitoyens. Tous ses nobles gens n’étaient pas différents des trois hommes qui furent mis en quarantaine à l’époque du Prophète (r). Il est même dit que deux d’entre eux avaient participé à la bataille de Badr. Tout le monde connait le fameux hadîth : Qui te dit qu’Allah n’a pas contemplé les combattants de Badr, avant de leur dire : faites ce que vous voulez, Je vous ai tout pardonné. »[27]
Ainsi, la peine peut très bien être prononcée contre un homme crédible ou tout simplement pieux.[28]

Les Compagnons se sont entretués aux batailles du chameau et de Siffîn, mais cela ne les empêcha pas de garder leur sentiment d’alliance religieuse. Ils ne se détestaient pas comme on déteste un mécréant. Ils acceptaient leurs témoignages mutuels, s’échangeaient le savoir, s’héritaient et se mariaient entre eux ; ces relations sont propres aux musulmans. Pourtant, ils étaient déchirés et allaient parfois jusqu’à se maudire les uns les autres.[29]

À suivre…







[1]Majmû’ el fatâwâ (30/80) et (20/207).
[2]Majmû’ el Fatâwâ (4/9-23).
[3]Majmû’ el fatâwâ (voir : 28/203-210).
[4]Idem.(voir : 28/217-218).
[5]Idem.(voir : 24/175).
[6]Les détails de cette histoire sont rapportés par el Bukhârî (4418), et Muslim (2769).
[7]Rapporté par e-Dârimî (I/55-56).
[8]Rapporté par e-Dârimî (I/55-56).
[9]Majmû’ elfatâwâ (10/373) ; voir également : (24/181).
[10]Majmû’ elfatâwâ (24/185).
[11]Majmû’ el Fatâwâ (28/206).
[12]Majmû’ el fatâwâ (28/206-207).
[13]Masâîl el Imam Ahmed écrit par Abû Dâwûd e-Sijistânî (p. 276).
[14]Sheïkh el Islam ibn Taïmiya dans Minhâj e-sunna (1/65).
[15]Majmû’ el fatâwâ (voir : 28/ 203-210).
[16]Dans le sens de l’exécuter physiquement, cela peut aussi avoir le sens de l’humilier. (N. du T.)
[17]Probablement dans le sens de discréditer. (N. du T.)
[18]Cela peut être compris dans le sens propre du terme, autrement dit de l’expulser. (N. du T.)
[19]Majmû’ el fatâwâ (28/15-16).
[20]El Amr bil Ma’rûf wa e-Nâhi ‘an el Munkar de Sheïkh el Islam ibn Taïmiya (à partir de la page 14 et plus).
[21]Idem. (Voir : 28/203-210).
[22]Majmû’ el fatâwâ (28/346-347).
[23]Majmû’ el fatâwâ (28/499-500).
[24]Majmû’ el fatâwâ (23/350).
[25]Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (7/173).
[26]Majmû’ el fatâwâ (10/275).
[27]Rapporté par el Bukhârî (5/297), et Muslim (4/1941).
[28]Majmû’ el fatâwâ (10/377).
[29]Majmû’ el fatâwâ (10/377).
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  #10  
ÞÏíã 18 Nov 2011, 09:49 PM
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Le takfîr, le tafsîq, et le tabdî'
(Partie 10)

La divergence sur le tabdî’ du suiveur

Voici ce que nous trouvons dans kashf el qinâ’ : « Considéré pervers (tafsîq)le suiveur auteur d’une innovation pour laquelle nous taxons le prédicateur de mécréant est la tendance de Majd [le grand-père d’ibn Taïmiya]. Dans sa lettre à l’auteur d’e-tarkhîs, el Muwaffaq [ibn Qudâma]pour sa part, opte pour le non takfîrdu prédicateur qui est motivé par un effort d’interprétation. Il se base sur la réaction d’Ahmed envers el Mu’tasim qu’il appelait : prince des croyants ! »[1]

Sheïkh‘Abd Allah Abâ Btîn confirme la position de Majd ibn Taïmiya dans le passage suivant : « El Majd – qu’Allah lui fasse miséricorde – a dit : « Toute innovation pour laquelle nous faisons le takfîr des prédicateurs, nous donnons le statut de « pervers » (fâsiq) aux suiveurs. Ex. : dire que le Coran est créé, que les Noms d’Allah sont créés, qu’on ne peut le voir dans l’au-delà, proférer des insultes contre les Compagnons avec une intention religieuse, dire que la foi se confine dans la croyance, etc.

Toute personne qui a connaissance de ces innovations, qui les prêchent, et qui polémique à leur sujet est jugée mécréante, comme le stipule Ahmed dans plusieurs passages. »Fin de citation. Voyez, comment les a-t-il kaffar, bien qu’ils sont des ignorants. »[2]

Certaines annales venant des anciens semblent corroborer cette tendance. Ibn Abî Hâtim témoigne en effet : « J’ai interrogé Abû Zur’a et mon père au sujet de la tendance des traditionalistes dans les bases fondamentales (usûl) de la religion, et celle des savants qu’ils ont connue à travers toutes les contrées (le hijâz, l’Iraq, le Shâm, et le Yémen) ; ils m’ont répondu notamment : la foi est composée des paroles et des actes, elle peut monter et descendre… Celui qui prétend que le Coran est créé commet un acte de mécréance qui le fait sortir de la religion ; celui qui doute de sa mécréance parmi ceux qui comprennent est un mécréant également ; celui qui doute sur la Parole d’Allah (U) et qui ne se prononce pas par doute en disant qu’il ne sait pas si celle-ci est créée ou non est un jahmî ; pour celui qui ne se prononce pas au sujet du Coran par ignorance (jâhilan), il incombe de l’instruire et de le taxer d’innovateur, sans qu’il ne sorte pour autant de l’Islam. »[3]

Or, il incombe de relativiser cette tendance, et cela, pour plusieurs raisons :

1- Ibn Qudâma lui-même relativise sur le takfîr du prédicateur, comme le démontre le premier passage cité ci-dessus.

2- Nous avons également ramené une annale plus-haut relativisant la chose, et que nous remettons ici : Ahmed ibn Munî’ el Baghawî affirme : «Celui qui prétend que le Coran est créé est un jahmî, et celui qui ne se prononce pas sur le sujet parmi ceux qui ne comprennent rien (marchands, femmes, enfants), nous ne nous disons rien sur eux, et nous les instruisons sur la chose. »[4]

3- Le grand-père d’ibn Taïmiya fait la distinction entre le prédicateur et le suiveur dans les questions du takfîr. Cependant, s’il range le muqallid dans le cercle des innovateurs sans prendre la peine de faire l’iqâma el hujja, c’est uniquement pour les innovations aggravées (ghalîzha) faisant sortir de la religion. C’est, en tout cas, ce qu’il laisse entendre, wa Allah a’lam !

4- Il vaut se méfier de la croyancemu’atazilite selon laquelle les notions du bien et du mal peuvent être perceptibles sans passer par la Révélation ; comprendre que l’iqâma el hujja n’est pas indispensable à leurs yeux. Ces mêmes mu’atazilites s’accordent, avec certains ash’arites, à refuser la foi du muqallid sous prétexte que chacun est intellectuellement capable de parvenir à la vérité par la réflexion. Or, nous avons vu que l’homme était responsable uniquement dans les limites de ses possibilités et de ses connaissances. Malgré ses bonnes attentions, le pauvre muqallid ne sait pas s’il a tort ou raison, surtout qu’il est perdu devant une multitude d’opinions, et qu’il n’est pas capable de pénétrer les subtilités et les nuances auxquelles il est confronté pour une question donnée.[5]

5- Il existe plusieurs sortes de muqallid qui partent du savant d’une école, du muftî et du dhî pour arriver aux gens simples incapables de regarder dans les textes. Certes, les premiers sont inexcusables s’ils entêtent à suivre leur imâm dans l’erreur en toute connaissance de cause, mais les derniers n’ont pas les outils en main pour détecter sur quels principes se base leur Imam pour arriver à ses conclusions.[6]Ils ne seraient même pas en mesure de faire une liste des savants de leur école.

6- Certains érudits, à l’image d’el Mardâwî, avancent explicitement que le muqallid ne devient, suite à une erreur, ni un mécréant ni un pervers. Voici la teneur de ses propres : « Afficher son innovation, cela revient à l’exhiber ouvertement, contrairement à l’innovateur discret, et à en faire la prédication, et, si besoin est, à polémiquer pour la défendre. C’est de cette façon notamment que l’auteur et son commentateur l’ont défini. Le Qâdhî a dit : « L’innovateur qui affiche sa bid’a s’appuie dans sa conviction sur un certain nombre d’arguments, contrairement au suiveur. » Il souligne également au sujet de ce dernier : « Le suiveur ne devient ni un mécréant ni un pervers. » ».[7]

Ibn el Qaïyim a un discours qui va dans ce sens (nous avons ramené plus haut plusieurs passages de son maitre corroborant cette tendance). Il précise en effet, en parlant des adeptes des sectes (khawârij, mu’tazila,murjiya, etc.) qu’ils sont plusieurs catégories d’individus. L’un d’entre eux est un muqallid ignorant qui n’a aucune clairvoyance ; dans son cas, il ne devient ni kâfir, ni fâsiq (pervers), et on ne doit pas refuser son témoignage, étant donné qu’il n’est pas en mesure d’étudier la vérité.[8]

Vu l’importance de ses paroles, je me permets de mettre le passage où il en parle en entier : « La première catégorie :le suiveur ignorant qui n’a aucune clairvoyance ; ce dernier ne devient ni mécréant ni pervers, et son témoignage n’est pas refusé ; dans la situation où il est incapable d’étudier et de distinguer la bonne voie. Il a le même statut que les gens faibles parmi les hommes, les femmes et les enfants : [qui n’ont pas trouvé de moyen ni aucun chemin. Ceux-là, Allah peut leur pardonner ; Allah est certes Compatissant et Absoluteur].[9]

La deuxième catégorie :celui qui est capable de se renseigner, de chercher et de trouver la vérité, mais qui, pour une raison ou pour une autre (occupations mondaines, quête de pouvoir de plaisir, et du bien-être, etc.), s’en détourne. Celui-là est concerné par la punition divine en raison de son laisser-aller ; il mérite un péché pour avoir négligé son devoir, car il lui est enjoint de craindre Allah dans la mesure du possible ; ce qu’il n’a pas fait. Son statut est le même que les désobéissants ayant délaissé certaines obligations. Ensuite, il faut voir s’il a un plus grand ascendant pour l’innovation et les passions que la sunnaet la bonne direction ; dans ce cas, son témoignage est refusé, sinon, il sera accepté.

La troisième catégorie : celui qui se renseigne, qui recherche et qui est en mesure de trouver la vérité, mais qui la délaisse par suivisme, chauvinisme, ou par animosité envers ses tenants. Au meilleur des cas, celui-ci est considéré comme un pervers. Il peut atteindre le degré de mécréance en regard des différents points de vue et des différentes conclusions. Si, en plus de cela, il compte parmi les prédicateurs, son témoignage, ses fatwaset ses jugements seront refusés, sauf en cas de force majeure ; soit, dans la situation où ce genre d’individus est en surnombre et qu’ils sont en position de force.
Si les juges, les muftis, et les différents témoins proviennent de leurs rangs, il serait très difficile d’en faire abstraction, compte tenu des inconvénients énormes qu’une telle initiative engendrerait. Dans ce cas de figure, nécessité fait loi. »[10]

7- Nous avons vu précédemment que l’Imâm Ahmed s’était abstenu de taxer d’innovateurs plusieurs cas qui lui furent soulevés. Voici ici un exemple où il tient explicitement compte de l’ignorance dans les questions du tabdî’. D’après ibn Hânî, l’Imâm fut interrogé sur le fait de prier derrière quelqu’un qui préfère ‘Alî aux deux premiers Khalifes (Abû Bakr et ‘Omar). Celui-ci répondit : « Dans la situation où il est ignorant et inculte, je pense qu’il n’y a pas de mal à le faire. »[11]

Synthèse

Il incombe de distinguer entre le statut de l’acte et le statut d’un cas particulier

L’ism :En regard de la religion, l’innovation est condamnable et mise au compte des grands péchés. Celle-ci se range dans le grand ensemble de la « perversité » dans lequel entre toute désobéissance au Très-Haut. En d’autres termes, la perversité englobe toute entrave à l’obéissance à Dieu. L’innovation est donc soumise aux mêmes lois ; un pervers est quelqu’un qui contrevient sciemment à une croyance (ex : boire de l’alcool en sachant que c’est interdit), et, par conséquent, un innovateur se définit selon le même critère.
En outre, il incombe de distinguer entre l’innovation et son auteur. Toutes les explications que nous avons données auparavant touchent à l’innovateur, non à la bid’a. Dans tous les cas, l’innovation reste condamnable ; l’acte en lui-même est interdit par la religion, et, comme pour toute interdiction, nous avons le devoir de la réprimer. Son éradication est une fin en soi, car rivalisant avec la religion. Cependant, son auteur n’est condamnable qu’à condition qu’il ait conscience d’enfreindre un interdit. Il est possible, certes, de légalement le punir, mais c’est uniquement pour protéger la société. Ainsi, toute sanction prévue contre l’innovateur (mise en garde, mise en quarantaine) découle du principe de devoir sanctionner l’innovation. Sans n’être une fin en soi, elle n’est qu’un moyen de l’éradiquer.

Les traditionalistes sont unanimes sur les limites de l’innovation, surtout dans le domaine du crédo (celles des kharijites, mu’tazilites, jahmites, qadarites, jabarites, shiites, sibîtes, etc.). Chacune de ses sectes renferme de multiples hérésies. Quand on dit qu’un innovateur peut garder sa crédibilité morale (‘adâla), ce n’est nullement dans le but de minimiser sa faute. Cela ne veut pas dire non plus qu’on ne doit pas dans l’absolu le qualifier de mubtadi’. Il incombe, en effet, de distinguer entre un traditionaliste conformiste (fidèle aux textes et au consensus) ayant sombré dans la faute. Dans ce cas, on dit que son acte est une bid’a, mais il n’en est pas pour autant un innovateur. On reconnait simplement qu’il a commis une erreur.

En revanche, les adeptes des sectes qui furent condamnées par les anciens sont des innovateurs, bien qu’en réalité, certains d’entre eux soient sûrement excusables auprès d’Allah, en raison soit de leur ijtihâd soit de leur taqlîd à condition qu’il soit toléré.

Par ailleurs, quand on parle de bida’ on fait allusion à un genre, non à une seule unité. Ex. : l’i’tizâl est un genre qui renferme de multiples unités. Un traditionaliste peut éventuellement renier ou interpréter un Attribut (une unité), mais tout en s’alignant avec l’orthodoxie pour le reste. Dans ce cas, on parle d’erreur, mais son acte reste condamnable à l’unanimité des traditionalistes. On n’applique pas la peine de mort sur l’auteur d’un homicide involontaire, mais cela n’atténue en rien la gravité de son acte qui a abouti à une mort d’homme.
Ainsi, l’acte de la bid’a ne fait pas forcément de son auteur un mubtadi’ si ce n’est que pour décrire son acte (de façon ponctuelle), non qu’elle soit une dénomination ou une caractéristique constante. Or, le contraire n’est pas vrai. Autrement dit, quand on désigne quelqu’un d’innovateur, cela implique qu’il est l’auteur d’un acte d’innovation.

Le hukm : le statut d’innovateur et tout ce qu’il entraine n’a pas lieu avant d’avoir informé un coupable éventuel et d’avoir établi contre lui la preuve céleste. Nous avons vu qu’il est possible de punir quelqu’un qui est excusé devant Dieu pour son erreur commise. Cependant, en ce qui nous concerne, nous tenons compte de l’intérêt supérieur de la société ; nous nous fions uniquement aux apparences et nous nous en tenons au fait.

Selon la règle, l’homme n’est responsable qu’à partir du moment où le message lui a été transmis, à condition qu’aucune entrave ne vienne l’interférer. En d’autres termes, la responsabilité de chacun est soumise à deux conditions : le savoir et la capacité de le mettre en pratique.
C’est ce qui nous pousse à faire une distinction entre le ism et le hukm. Nous disons donc que l’innovation est blâmable en permanence, que ce soit avant ou après avoir reçu le message, que ce soit avant ou après que la preuve céleste soit établie contre un cas particulier. Cependant, cela ne veut pas dire que chaque fautif est passible de la punition sur terre et dans l’au-delà. Désigner une chose est une chose et le statut qui en découle en est une autre.

Tous les textes sur la menace divine (malédiction, takfîr) sont à prendre dans l’absolu, et donc, soumis à des conditions à remplir et à des restrictions à exclure avant de pouvoir les appliquer à un cas particulier.

L’intérêt de ces textes, c’est de dénoncer les causes qui sont à l’origine du châtiment. Or, une cause quelconque n’est pas effective sans remplir certaines conditions et évacuer certaines restrictions. Les textes de la menace divine contre l’auteur d’un péché sont applicables à un cas particulier à condition qu’il ait en mains, ou pour le moins, qu’il ait les moyens d’avoir en mains le texte informant de cette interdiction, ou, en d’autres termes, qu’il sache que tel acte est interdit par la Loi céleste.

Nous avons donné l’exemple plus haut de la malédiction divine. Ibn Taïmiya nous offre à ce sujet une analyse d’une subtilité incroyable, comme il en a le secret ; analyse aussi déroutante qu’envoûtante : « Neuvièmement : la raison à cela, c’est que l’excuse empêche la malédiction d’atteindre un cas particulier. Nous avons vu précédemment que les hadîthsur la menace divine ont uniquement pour fonction de montrer que tel acte engendre la malédiction ; il est la cause à l’origine de la malédiction.
On peut toujours avancer que cela n’implique nullement d’applique le statut correspondant à chaque individu l’ayant commis, mais cela implique que la cause est présente, sans pour autant engendrer le statut qu’il l’entraine ; cela veut dire qu’il n’y aurait aucun mal à le faire.
Nous avons établi précédemment que le mujtahidn’est pas condamnable. Mieux, il est plus grave d’autoriser moralement un péché que de la commettre. Pourtant, l’excuse est valable pour tout le monde.

On peut avancer également qu’on ne peut être qu’un mujtahidet un muqallidpour faire un péché, en sachant que ces deux sont excusables, cela veut dire que personne n’est condamnable !

Ce à quoi nous répondons : la réponse peut se voir sous plusieurs angles :

L’un : l’ambition est de montrer que tel acte est à l’origine de la punition indépendamment de se soucier qu’il existe quelqu’un pour le faire. Dans l’hypothèse où tous les fautifs ne remplissent pas les conditions pour recevoir la punition ou que celle-ci soit annulée en raison d’une restriction quelconque, cela ne remet nullement en question que ce péché soit interdit par la religion.
L’essentiel est de savoir ou de se rendre compte qu’il est interdit en vue de s’en éloigner. Néanmoins, la miséricorde divine veut qu’un fautif éventuel soit excusable pour une raison ou pour une autre. Sur ce principe, nous avons les petits péchés, qui, bien qu’ils soient interdits, sont expiables à condition d’éviter les grands péchés. Ce principe est le même pour tous les péchés qui ne font pas l’unanimité ; notre rôle consiste à les dénoncer, mais, au même moment un fautif motivé par l’ijtihadou le taqlîdpeut être excusable. Cela ne nous empêche nullement d’être convaincus que ce péché reste un péché.

Vu sous un autre angle, quand on met en lumière son statut, c’est en vue de dissiper toute ambiguïté faisant obstacle à la punition. Quand on est excusable en raison de sa mauvaise croyance, cela ne veut nullement dire qu’on doit rester ainsi, sans faire l’effort de se renseigner dans la mesure du possible. Sinon, cela remettrait en question le devoir de propager la science ; cela signifierait qu’il vaudrait mieux dans l’intérêt des gens de les laisser ignorants. Il n’y aurait plus aucun intérêt à expliquer, avec preuves à l’appui, les questions ambigües.

Sous un troisième angle, dévoiler le statut et la menace qui plane sur un péché conforte les gens sains à s’en éloigner ; sans cette campagne de sensibilisation, ce péché prendrait du terrain dans les rangs.

Sous un quatrième angle, quand on parle d’excuse, on fait naturellement allusion à celui qui n’est pas capable d’y remédier. Sinon, dès lors qu’il est en mesure de connaitre la vérité, il n’est plus excusable pour son laisser-aller.

Sous un cinquième angle, il n’est pas évident de dire que l’ijtihâdet le taqlîdsont une excuse dans l’absolu. Il y a des cas où ils ne sont pas tolérés. Pour eux, la cause à l’origine de la menace divine est bel et bien effective, et l’ijtihâdet le taqlîdne constituent plus une restriction dans leur cas. Ils sont donc passibles de la punition, celle-ci est même toute désignée, sauf, bien sûr, si aucune autre restriction ne vient intercéder en leur faveur (repentir, bonnes œuvres expiatrices, etc.).

De plus, l’ijtihâdet le taqlîdne sont pas des notions constantes. Quelqu’un peut être motivé dans son acte par l’un de ses deux facteurs en pensant qu’il est en droit de le faire, mais le fait est qu’il peut soit avoir tort soit avoir raison. L’essentiel, c’est de garder la vérité entre les yeux, et de mettre les passions de côté ; auquel cas, Allah n’impose rien à l’homme qui soit au-dessus de ses forces. »[12]

Conclusion

Établir l’existence d’une chose (ism) ou d’une action (sifa) ne revient pas forcément à établir le statut qui en découle. On ne taxe pas quelqu’un d’innovateur sous le simple prétexte qu’il a commis une innovation. Une enquête s’impose en examinant si toutes les conditions pour se prononcer sont remplies, et si, en même temps, aucune restriction ne vient faire entrave à notre jugement.

En parallèle, rien ne nous empêche de dénoncer ses agissements et de mettre en garde contre leur impertinence et leurs méfaits. Dans le cas d’un traditionaliste, nous disons qu’il s’est trompé et qu’il est l’auteur d’une innovation. Avec lui on parle de sifa, tandis qu’avec les partisans des sectes qui commettent le même acte, nous parlons du ism. Autrement dit, ce sont des innovateurs. C’est règle est connue sous le nom de masâil el asmâ wa el ahkâm.

Ainsi, nous ne sommes pas toujours en mesure de savoir si l’innovateur fut motivé par les passions, l’ijtihâd ou le taqlîd. Cependant, le seul outil tangible que nous avons en mains est l’orientation et l’iqâma el hujja. En parallèle, nous dénonçons l’innovation et ses méfaits en vue de protéger les musulmans, ce qui est une fin en soi, et de parer à toute excuse. La punition du mubtadi’ est à même de remplir cette fonction, à condition, bien sûr, d’être en mesure de le faire.

Si nous étalons tous ses détails, ce n’est nullement en vue de minimiser l’innovation en donnant des excuses à leurs auteurs. Néanmoins, le but suprême, c’est de mettre en lumière la cause qui est à l’origine d’une éventuelle excuse. Cerner les symptômes est la première étape du remède. S’il est excusable, c’est que dans son esprit, il n’a fait aucun mal ; de son point de vue, sa croyance et sa conscience sont intactes. Notre rôle est de dénoncer la bid’a dans laquelle il a sombré en la confrontant aux textes du Coran et de la sunna.

L’erreur provient de plusieurs facteurs : de la méconnaissance des textes (dans ce cas, le remède consiste à vulgariser le savoir afin de le rendre accessible à tous) ; soit elle est due à un problème de méthodologie en s’appuyant sur des mauvaises sources (dans ce cas, le remède consiste à mettre en valeur les références incontournables des musulmans : les textes scripturaires et le consensus) ; soit elle repose sur un taqlîd illégitime (dans ce cas, le remède peut consister à remettre en question la compétence du meneur). Ces détails offrent une vision large de l’iqâma el hujja.[13]

Wa Allah a’lam !

J’ai écrit cette analyse tout en veillant à rester dans les limites du bon sens. Je ne désire rien d’autre que d’apporter la réforme dans les limites du possible, et Allah est Seul garant du résultat !
















[1]Kashf el qinâ’ (6/420).
[2]El intisâr li hisb Allah el muwahhidîn(p. 16-18).
[3]el hujja fî bayân el mahajjade Qawwâm e-sunna (2/424).
[4]E-Lâlakâî (1/176).
[5]Voir : e-sîl el jarrâh de Shawkânî (1/103).
[6]Voir : i’âna e-tâlibîn (4/217).
[7]El insâf d’el Mardâwî (2/254).
[8]El Qâsimî a rapporté ses paroles dans son tafsîr (5/1309).
[9]Les femmes ; 98
[10]E-turuq el hakamiya (1/255).
[11]El insâf d’el Mardâwî (2/48).
[12]Majmû’ el fatâwâ.
[13]El Maqrîzî s’inspire de nombreuses références, dont plus particulièrement deux ouvrages illustres, tous deux d’ibn el Qaïyim el Jawziya. Il s’agit en l’occurrence d’el Jawâb el Kâfî pour la première partie et de Madârij e-Sâlikîn pour la deuxième partie. Ce dernier n’impute pas ces fameux textes à son auteur attitré, comme a pu le faire également ibn ‘Abi el ‘Izz dans son explication d’el ‘aqîda e-tahâwiya avec les œuvres d’ibn Taïmiya. Son intention en cela ne fut pas de piller les ouvrages d’autrui en vue de se les donner pour sien comme un vulgaire plagiat. C’est plutôt le climat de l’époque dans lequel il évoluait qui était hostile à toute production littéraire ayant l’empreinte d’ibn Taïmiya et de ses élèves (et plus particulièrement ibn Qaïyim). Il fallait ménager la dynastie fatimide ‘Ubaïdite régnante en Égypte. Lui-même condamne le principe du plagiat dans sa fameuse encyclopédie d’histoire. [Voir : El Khutat el Maqrîzî (1/7).]
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