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ÞÏíã 29 Jan 2015, 02:35 PM
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ÇÝÊÑÇÖí L’origine et l’évolution sémantique de l’expression shart kamâl

L’origine et l’évolution sémantique de l’expression shart kamâl
(Partie 1)


L’Imâm Harb ibn Ismâ’îl dit dans ses masâil (p. 366) : « Quant aux kharijites, ils taxent les traditionalistes de murjites. Ils mentent ! Ce sont eux les murjites, car ils prétendent être les seuls à avoir la foi, et ils vouent à la mécréance tous ceux qui ne pensent pas comme eux. »


Sheïkh el ‘Uthaïmîn pensait que l’une des raisons qui ont poussé certains à remettre en question l’intégrité de Sheïkh el Albânî, est le sentiment de jalousie qu’il a suscité à cause du succès immense dont il a jouit notamment et pas seulement, dans les milieux savants. Cette réaction était caractéristique aux hypocrites de la première époque qui prenaient les croyants en dérision. Sheïkh Mohammed va plus loin en disant que l’accusation d’irja dont fut l’objet Sheïkh sir est mue par les mêmes qui ne tolèrent aucune contradiction à leurs points de vue dans le domaine du takfîr. Tous ceux qui s’opposent à leurs conclusions sont automatiquement taxés de murjites. Le Sheïkh en conclut qu’il ne faut pas prêter l’oreille à ce genre d’accusation d’où qu’elle puisse venir.[1]


D’après un hadith rapporté par l’Imam Ahmed, le Prophète (r) a dit : « Le Jour de la Résurrection, Allah (I) envoie un ange pour protéger des flammes de l’Enfer, quiconque défend un croyant sur terre contre la mauvaise langue d’un hypocrite. Allah (I) retient sur le Pont jeté au-dessus de la Géhenne quiconque accuse le croyant d’une chose dans l’intention de l’injurier, jusqu’à ce qu’il revienne sur ses paroles. »[2]


Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

Énigme


Zhâhirat el irjâ fî el fikr el islâmî est une thèse universitaire ès Doctorat de Safar el Hawâlî. Encadrée par l’incontournable Mohammed Qutb, elle parachève le projet initiée en Magistère avec el ‘almâniya, et qui ébranle à la base la légitimité de l’autre pilier qui garantit la stabilité des sociétés, les émirs. La seconde thèse se chargea des savants. Le directeur de recherche et frère du « martyr » avait tapé droit dans le mille. Il ne lui restait plus qu’à récolter les fruits de son labeur en ayant distillé les ingrédients à même de déstabiliser la société saoudienne, mais aussi toute la région, voire tout le monde musulman. Les graines du changement avaient été semées bien avant par le biais notamment de Saïd Qutb et d’el Mawdûdî. Ce sont les mêmes ingrédients qui ont renversé l’autorité en place sous l’Ancien Régime : la monarchie (les émirs) et le clergé (les savants).
Ainsi, les sources révolutionnaires des mouvements progressistes islamiques sont plus à chercher du côté de Rousseau, Voltaire, et Mirabeau, l’héraut de la Révolution, que des textes scripturaires de l’Islam, même si les hérésies subversives se sont très tôt ancrées dans le patrimoine musulman.


Bref, le D. Safar ouvrit son nouveau front avec l’arme du « shart kamâl ». Loin de s’encombrer de détails, il avait trouvé la faille. L’expression est emprunté aux ash’arites qui eux, sont des mutakkalimins, et donc des murjites. Résultat binaire (même si j’extrapole un peu, mais pas trop) : tous ceux qui reprennent l’expression à leur compte, en commençant par ibn Hajar, avec l’Albani pour la cerise sur le gâteau sont à mettre dans le même sac. Tous les chercheurs ou presque qui, par la suite, ont écrit sur le sujet reprennent les travaux de notre Docteur, à tel point, qu’aux yeux de beaucoup, leur conclusion, qui s’est étendue aux rangs des traditionalistes, relève du fait établi et indiscutable jetant aux gémonies et à la vindicte populaire tout contrevenant téméraire ! Qu’en est-il réellement ? C’est ce dont se charge cet article qui sera organisé en forme de points :


1- Je ne connais pas l’origine des expressions shart kamâl/ shart sihha, pour reprendre les termes de Sheïkh Râjihî, indépendamment de savoir ce qu’il pense sur la question, et, à ma connaissance, elles ne proviennent à l’origine ni des traditionalistes ni des murjites.[3] Aucun hérésiographe, en effet, ne recense une tendance murjite qui dirait que les actes sont shart kamâl dans la définition de la foi. Aucune annale ne rapporte qu’un ancien aurait fustigé cette tendance. Ibn Taïmiya, dont les écrits n’ont aucun équivalent dans la réfutation aux hérétiques et notamment aux murjites, n’a jamais soulevé ce point, du moins dans ses écrits qui nous sont parvenus aujourd’hui, et qui sont disponibles au public. Personne d’autre que lui n’a une expérience aussi poussée de la tendance orthodoxe qui était en vogue chez les prédécesseurs, mais aussi des sectes égarées. Ni le fondateur éponyme de la secte ash’arite ni les paléo ni les néo ash’arites n’ont jamais eu recours à ce vocabulaire pour parler de la foi. Nous pouvons compter dans cet ensemble, les théoriciens Abû Bakr el Bâqillânî (m. 403 h.), el Juwaïnî (m. 478 h.), el Ghazâlî (m. 505 h.), et ibn el Khatîb e-Râzî (m. 606 h.). Les murjites toutes tendance confondues disent que les actes extérieurs ne font pas partie de la foi, sauf que pour certains, ils en font partie majâzan (de façon métaphorique), étant donné qu’ils en sont les fruits et les effets (thamara el îmân wa muqtadhâhu) ; ils prétendent également qu’il est possible d’avoir une foi parfaite sans ne fournir aucun acte extérieur.[4]


Si cela est clair, quand Safar el Hawâlî veut démontrer que shart kamâl provient des murjites, il ne fait que citer des commentateurs ash’arites modernes et des théologiens du kalâm qui sont tous venus longtemps après ibn Taïmiya, notamment :
  • Ibrâhîm e-Luqânî (m. 1041 h.).
  • Son fils Badr e-Salâm (m. 1078 h.).
  • Ahmed el Mâlikî e-Sâwî (m. 1041 h.).
  • ‘Alî el ‘Adawî (m. 1189 h.).
  • El Bâjûrî (m. 1276 h.).


2- Sheïkh ‘Abd e-Rahmân el Barrâk souligne que cette question prend ses racines chez certains savants des générations récentes, comme le souligne el Hâfizh ibn Hajar avec des explications qu’il a peut-être empruntées à un autre auteur.[5] L’Imâm Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb va plus loin en affirmant qu’ibn Hajar (m. 852 h.). relate la tendance des modernes, soit des mutakallimîns néo-ash’arites.[6] Son petit-fils ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan souligne que l’imâm a réfuté les erreurs de fath el Bârî dans le domaine de la foi.[7] Ainsi, nous avons plus de précision sur la période probable de l’origine de shart kamâl pour parler de la place des actes dans la définition de la foi ; soit, entre la mort d’ibn Taïmiya (m. 728 h.) –ou un peu avant ou un peu après – et celle d’ibn Hajar, soit dans une fourchette entre le 7ième et le 9ième siècle.


3- Or, des études récentes montrent qu’ibn Hajar s’alignait dans le domaine de la foi avec le crédo traditionaliste,[8] même s’il emprunte l’expression shart kamâl aux mutakallimîns dont il ne fait pas partie. Il fut certes influencé par les spécialistes du kalâm, mais il était avant tout un traditionniste (spécialiste en hadîth non en kalâm).


Les catégories de savants ayant été influencées par le kalâm


Ibn Taïmiya établit que les négateurs, toutes tendances confondues, n’ont pas tous le même niveau de connaissance. Ce dernier les classe en plusieurs catégories :


Primo : certains n’ont pas une grande expérience des questions rationnelles, et se contentent de prendre pour argent comptant les idées qu’on leur distille, et qu’ils voient comme des preuves incontestables. Ils n’ont pas cette autonomie intellectuelle qui leur ferait avoir du recul par rapport à ces questions. En réalité, ils sont de simples suiveurs, malgré leur bagage, et n’ont pas la capacité d’utiliser à bon escient les textes du Coran, de la sunna et des paroles des anciens allant à l’encontre de leur crédo. Ils pensent qu’ils vont dans le même sens, et quand ils leur posent problèmes, ils s’en détournent purement et simplement, en remettant leur sens au Très-Haut, par le biais du tafwîdh.


Dans cette catégorie, nous avons : Abû Hâtim el Bustî (m. 354 h.), le mu’tazilite Abû Sa’d e-Sammân (m. 445 h.), Abû Dharr el Harawî (m. 434, 435 h.), Abû Bakr el Baïhaqî (m. 458 h.), el Qâdhî ‘Iyâdh (m. 544 h.), Abû el Faraj ibn el Jawzî (m. 597 h.), Sharaf e-Dîn el Maqdisî (m. 611 h.), etc.


Secundo : certains font des efforts d’interprétation dans les questions rationnelles, bien qu’ils commettent des erreurs, comme n’importe qui d’autre. Ils associent leur voix aux jahmites dans certains fondements erronés. Or, contrairement à la catégorie précédente, ils n’ont pas le bagage scientifique suffisant pour les éclairer ; ils n’ont pas une grande connaissance des opinions des anciens et des grandes références traditionalistes sur ces points. Cela ne les empêche pas de connaitre de nombreux recueils de hadith par cœur (sans les chaines narratives), comme Bukhârî et Muslim.


Dans cette catégorie, nous avons ibn Hazm (m. 456 h.), Abû el Walîd el Bâjî (m. 474 h.), el Qâdhî Abû Bakr ibn el ‘Arabî (m. 543 h.) et tant d’autres. leurs ancêtres (qui avaient le même profil) étaient Bishr el Mirrîsî (m. 218 h.), Mohammed ibn Shujâ’ e-Thaljî (m. 266 h.), etc.


Tercio : certains ont connaissance des hadîth et des annales des anciens ; ils encensent la voie des prédécesseurs, bien qu’ils associent également leur voix aux mutakallimîn et aux jahmites dans certains fondements erronés. Ils ne sont pas aussi versés dans la science religieuse (Coran, sunna, annales des anciens) que les grandes références traditionalistes que ce soit au niveau technique (riwâya : analyse de l’authenticité des textes) qu’au niveau de la compréhension des textes (dirâya). Ils donnent crédit à certains principes mis en avant par les négateurs jahmites, et pensent qu’ils vont en contradiction avec les textes.


Dans cette catégorie, nous avons Abû Bakr ibn Fawrk (m. 406 h.), el Qâdhî Abî Ya’lâ (m. 458 h.), ibn ‘Aqîl (m. 513 h.), etc. Trois tendances se dégagent à l’intérieur de cette catégorie pour pallier aux textes, qui, du moins en apparence, semblent contradictoires, ne serait-ce que de leur point de vue (mushkil el hadîth) : il y a ceux qui ont recours au ta-wîl (l’interprétation figurée des textes), à l’instar d’ibn Fawrk ; ceux qui préfèrent laisser les textes comme ils sont sans chercher à les comprendre ; c’est le fameux tafwîdh prôné par el Qâdhî Abî Ya’lâ ; et enfin ceux qui jonglent entre le ta-wîl et le tafwîdh à l’exemple d’ibn ‘Aqîl.


Le problème, c’est qu’ils ne sont pas spécialistes en hadîth ; c’est ce qui les pousse à, sans s’en rendre compte, conjuguer entre les textes, avec des textes douteux, voire purement inventés. Leur faible dirâya des textes n’arrange pas les choses quand il s’agit d’expliquer certains termes, comme la « vision » d’Allah (ils ne font pas la différence entre la vision en rêve et la vision réelle, et s’appuient sur des textes faibles dans leur argumentation).[9]
4- Les traditionnistes comme ibn Hajar jonglent entre la première et la deuxième catégorie (même si en réalité, il est plus proche de la première que de la seconde, wa Allah a’lam) ; il a des points communs avec ibn Hazm qui était un jahmî, comme le souligne ibn ‘Abd el Hâdî, dans le domaine des Noms et des Attributs divins, non dans celui de la foi. Sheïkh el Islâm nous en fait l’éloge en disant qu’il était conforme au traditionalisme dans le domaine du destin et de l’irja.[10] Ibn Hajar était ce que les savants appellent un mudhabdhib, dans le domaine des Noms et des Attributs divins. Il n’était pas versé dans le kalâm et il avait pour référence première le Coran et la sunna même s’il était affilié aux ash’arites (min el ashâ’irâ el muhaddithîn lâ el mutakallimîn) ; d’où ses incohérences, et son grand penchant vers le crédo traditionaliste…


À suivre…



[1] Voir : juhûd el Imâm el Albânî fî bayân ‘aqîda e-salaf (p. 104-105) qui à l’origine est une thèse universitaire ès Magistère d’Ahmed el Jabbûrî.

[2] Rapporté par Abû Dawûd, Sheïkh el Albânî l’a considéré bon.



[3] Voir : sharh kitâb el îmân li Abî ‘Ubaïd ibn e-Sallâm.

[4] Majmû’ el fatâwa (7/195) ; Voir : ârâ el murjiya fî musannafât Sheïkh el Islâm qui est une thèse ès Doctorat du D. ‘Abd Allah ibn Mohammed e-Sanad.
Ibn Taïmiya explique à ce sujet : « Il devient clair que les bonnes œuvres extérieures ne sont pas le fruit ni les effets de la foi intérieure, si ce n’est que dans la mesure où elle les impose ou les réclame. Dès lors, il y a une interdépendance entre les deux et une relation de cause à effet. Si on fournit moins d’actes extérieurs, c’est en raison d’une foi faible. Il est donc inimaginable qu’en ayant une foi parfaite imposée (kamâl el îmân el wâjib) dans le cœur, on ne fournisse aucun acte extérieur imposé. En fournissant l’un parfaitement (kâmilan) on fournit obligatoirement l’autre parfaitement. De la même façon qu’en fournissant l’un faiblement (naqs), on fournit l’autre faiblement.
Imaginer une fois parfaite (tamm), dans le cœur sans fournir de parole ou d’acte extérieur, c’est comme imaginer une interdépendance parfaite avec l’un des deux éléments manquants, ou une cause parfaite sans effet. » Sharh hadîth Jibrîl (p. 492).

[5] Voir : jawâb el îmân wa nawâqidhuhu de Sheïkh ‘Abd e-Rahmân el Barrâk. S’agirait-il d’el ‘Aïnî (m. 855 h.) ? L’auteur des paroles : « La foi, dans le vocabulaire du Législateur peut renvoyer à son essence, quand elle n’est pas associée aux actes, comme dans le hadîth : « La foi est de croire en Allah, à Ses anges, à Sa rencontre, et à Ses messagers… »
Elle peut renvoyer également à la foi parfaite quand elle est associée aux actes, comme dans le hadîth : « Savez-vous quelle est la foi en Dieu l’Unique… C’est de témoigner qu’il n’y a d’autre dieu digne d’être adoré en dehors d’Allah, et que Mohammed est le Messager d’Allah, d’accomplir la prière, de verser l’aumône… »
La foi qui immunise d’entrer en Enfer est de la seconde sorte à l’unanimité des musulmans, et celle qui immunise d’y éterniser relève de la première à l’unanimité des traditionalistes, contrairement aux mu’tazilites et aux kharijites… Ainsi, les anciens avec Shâfi’î à leur tête, octroient aux actes le statut de piliers selon la seconde conception, non la première. Ils considèrent que la foi demeure, malgré la défection des actes, en faisant allusion à sa première conception. Autrement dit, elle est à même de sauver de l’Enfer, étant donné qu’elle existe, bien qu’elle ne soit pas accompagnée des actes. » ‘Umda el qârî (1/175).

[6] Muallafât e-Sheïkh Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb (p. 262).

[7] E-durar e-saniya (12/7,8).

[8] Voir : manhaj el el Hâfizh ibn Hajar el ‘Asqalânî fi el ‘aqîda de Mohammed Ishâq Kindû.

[9] Darr e-ta’ârudh (7/32-37).

[10] Majmû el fatâwa (4/18-19).

ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ
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ÞÏíã 30 Jan 2015, 06:35 PM
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L’origine et l’évolution sémantique de l’expression shart kamâl
(Partie 2)


5- Quoi qu’il soit possible d’orienter dans le bon sens les intentions d’ibn Hajar quand ce dernier utilise l’expression shart kamâl. En voici la démonstration :


• Déjà, reprenons les choses depuis le début en citant le passage controversé dont il est l’auteur et qui parle de la définition de la foi : « Pour les anciens, celle-ci est composée de la croyance du cœur, de la prononciation verbale, et des actes des membres. Ils veulent dire que les actes sont une condition de perfection de la foi. À partir de là, ils mirent en place le crédo selon lequel la foi monte et descend, comme nous allons le voir.
Les murjites la confinent dans la croyance et la prononciation verbale, tandis que les karrâmites l’enferment uniquement dans la prononciation verbale.
Pour les mu’tazilites, elle est également composée de la croyance, de la parole et des actes, à la différence avec les traditionalistes où, à leurs yeux, les actes sont une condition de validité. Alors que, comme nous l’avons vu, pour les anciens, ils sont une condition de perfection. »[1]


Sheïkh Sâlih Âl e-Sheïkh insiste sur le fait que les actes sont un pilier dans la définition de la foi, et qu’ils en font partie intégrante. Puis, il explique qu’il parle des actes en tant qu’ensemble (jins el ‘amal), non en tant qu’unité (ahâd el a’mâl).[2] Si on applique ce principe au passage de Fath el Bârî ci-dessus, nous nous rendons compte que c’est exactement ce qu’affirme ‘Alî e-Shibl, même s’il ne concède pas vraiment la chose à ibn Hajar.[3] Nous pouvons dire la même chose de ‘Alawî Saqqâf qui ne concède pas non plus qu’ibn Hajar fasse allusion à ahâd el a’mâl.[4] Tous en tout cas prône le détail pour distinguer le vrai du faux dans cette expression, et c’est ce qu’à fait Sheïkh ‘Abd e-Rahmân el Barrâk à travers un long exposé dont nous reproduisons les passages qui nous intéressent au vue de leur importante (les titres sont du traducteur pour aider à la compréhension) :


Est-ce que l’ensemble des actes (jins el ‘amal) est une condition de validité de la foi (shart sihha) ou bien une condition de perfection (shart kamâl) ?


En réponse, nous disons qu’il incombe, pour mieux se le représenter, d’exposer le problème en détail ; problème qui touche à un point du dogme d’une extrême importance. Il prend ses racines chez certains savants des générations récentes, comme le souligne el Hâfizh ibn Hajar avec des explications qu’il a peut-être empruntées à un autre auteur. Quand on parle des actes dans l’absolu ou dans l’ensemble (jins el ‘amal), ils ne font pas allusion à une pratique en particulier. Si on les considère comme une condition de validité de la foi (shart sihha), cela signifie qu’il ne peut y avoir de foi sans les actes ; et si on les considère comme une condition de perfection (shart kamâl), cela veut dire qu’il peut y avoir une foi sans actes, bien que faible. En d’autres termes, sans actes, la foi est-elle faible ou bien inexistante ?


(…)


Si tout cela est clair, on comprendra qu’il ne convient pas dans l’absolu de dire que les actes sont soit shart sihha soit shart kamâl dans la foi, mais le détail s’impose. Les actes, en effet, comme nous venons de le voir, englobe les actes du cœur et les actes du corps, comme ils englobent les actions (fi’l) et les non-actions (tark). Ils englobent les obligations (croire aux six fondements de la foi, la prière, etc.) et les interdictions (l’association, et les péchés). Selon les spécialistes en usûl, un shart est une action, une situation, un fait qui dépend d’un autre fait et qui est donc extérieur à lui ; l’absence de l’un implique l’absence de l’autre, mais n’implique pas forcément sa présence. [Ex. : l’ablution est une condition de la prière. Sans ablution, la prière n’est pas valable, mais ce n’est pas parce qu’on a les ablutions qu’on a forcément prié ndt.]


Le statut des actes extérieurs


Or, il n’existe pas qu’une sorte d’actes au niveau du cœur et des actes. Les actes extérieurs ont différentes formes et différents statuts : les cinq piliers de l’Islam n’ont pas le même statut que le djihâd. Il est donc faux de dire, de ce point de vue, que les actes sont une condition de validité de la foi, comme il est faux de dire qu’ils sont une condition de perfection. Il est plus juste de dire que certains actes relèvent de la première catégorie et que d’autres relèvent de la seconde.


Ce qui relève du shart sihha


S’abstenir de commettre l’association ou mécréance majeure entre dans le shart sihha, dans le sens où la foi s’oppose littéralement à l’impiété et l’apostasie. L’attestation de foi est de ce domaine, car il ne sert à rien de croire sans l’exprimer par la langue. Contrairement aux allégations des jahmites ultra qui confinent la foi dans la connaissance intérieure et qui ne réclame pas forcément d’être exprimée verbalement. Ces derniers s’imaginent tout à fait un musulman qui ne prononce pas sciemment l’attestation de foi. Il suffit, à leurs yeux, de croire à l’existence de Dieu pour devenir croyant.


La soumission du cœur, qui est un acte, un acte intérieur plus exactement comme nous l’avons vu, est de ce registre. Le tasdîq n’est pas suffisant pour prétendre à la foi, sans fournir l’inqiyâd. Il ne suffit pas non plus de reconnaitre (dans le sens de tasdîq) avec la langue que l’Islam est la vérité, mais il incombe d’y adhérer (dans le sens d’iqrâr) verbalement à travers l’attestation de foi. Cette attestation concrétise la soumission du cœur, contrairement aux Juifs et aux chrétiens qui savent très bien, aux dires du Coran, que Mohammed n’est pas un imposteur, mais ils refusent de se soumettre à son message. Cette obstination nait souvent de l’orgueil. On le voit bien avec certains intellectuels occidentaux comme les orientalistes et islamologues. Ces derniers sont trop attachés à leurs valeurs, et prennent les musulmans de haut. C'est pourquoi ils ne peuvent franchir le pas, car cela leur demanderait un trop grand sacrifice.
Ainsi, il n’est pas tout à fait juste de dire que les actes sont à mettre au compte du shart sihha ou shart kamâl. Dans les deux cas, le détail s’impose. Il incombe d’être précis dans ce genre de choses. Le vocable « acte » renvoie aux actes du cœur et aux actes corporels, comme il renvoie aux actions et aux non-actions.


Renoncer à l’association et la mécréance majeure est de l’ordre du shart sihha, mais renoncer aux autres péchés relève du shart kamâl. L’association s’oppose littéralement à la foi et les péchés affaiblissent la foi parfaite imposée (kamâl el imân el wâjib), en sachant que la foi parfaite dans l’absolu comprend les actes imposés et les actes recommandés. Néanmoins, ce point concerne uniquement la foi parfaite imposée non la foi parfaite recommandée.


Les actes du cœur (adhésion, soumission, amour, peur, espoir, etc.) relèvent également du shart sihha, comme nous l’avons vu, au même titre que la reconnaissance verbale.


La divergence sur les quatre autres piliers de l’Islam


Néanmoins, les quatre autres piliers de l’Islam sont sujets à divergence entre les traditionalistes pour qui ils jonglent entre shart sihha et shart kamâl. Ils ne sont pas d’accord sur le statut de leur abandon (tark), ou de l’abandon de l’un d’entre eux, surtout de la prière. Si pour certains, le second pilier de l’Islam est un shart sihha, pour d’autres, il ne dépasse pas le statut de shart kamâl. Pour la majorité des savants, il relève du shart kamâl au même titre que les autres piliers. L’essentiel est d’adhérer avec le cœur à leur aspect obligatoire, quand bien même on les délaisserait dans les actes (tark ‘amalî). Les annales imputent plusieurs tendances à l’Imâm Ahmed sur l’abandon tout en partie de ces piliers. Néanmoins, la plus connue étant celle qui rejoint la grande majorité des savants et qui considère toujours croyant un fautif éventuel.


Au demeurant, la divergence sur l’abandon de la prière, qui est la plus notoire, est très forte. Il existe des textes très explicites sur le sujet. Certains vont jusqu’à imputer la tendance qui le fait sortir de l’Islam à l’unanimité des Compagnons. Le reste des obligations religieuses ne posent pas problème. Tous les savants s’accordent à dire que, ne dépassant pas le statut de simple péché, ils relèvent du shart kamâl. Seuls les kharijites se particularisent pour rendre apostats les auteurs des « grands » péchés (meurtre, adultère, boisson enivrante, usure, etc.).


Que signifie le terme shart ?


Les péchés sont également de deux sortes : enfreindre une interdiction ou ne pas faire une obligation. Dans les deux cas, on parle de shart kamâl, en sachant que le terme shart est à prendre au sens large. Autrement dit, toute action dont la concrétisation dépend d’une autre action indépendamment de savoir si elle lui est intrinsèque (intérieure) ou extrinsèque (extérieur). Il faut comprendre que quand les spécialistes en ‘aqida parlent de shart dans les questions de l’îmân, ils font allusion à l’une de ses parties intégrantes, à l’inverse des spécialistes en usûl, comme nous l’avons vu (dans E-sârim el maslûl (p. 525), ibn Taïmiya dit que la parole, pour celui qui en a la capacité, est une condition de validité de la foi (shart sihha) ndt.).[5]


Exemples de shart chez les usûliyûns : les ablutions sont l’une des conditions de la prière, bien qu’elle soit extérieure à son entité. Elle est l’une des conditions de validité des rituels, mais sans en faire partie intégrante. L’intention qui est également une condition de validité des rituels s’inscrit dans le temps avant eux.


Néanmoins, le shart peut avoir un sens plus large. Par exemple, les légistes lui donnent le sens de pilier. Ex. : les piliers de la prière sont en réalité des shart, étant donné qu’elle dépend d’eux. En d’autres termes, sans eux, celle-ci n’est pas valable.


Ici, c’est exactement la même chose. Quand on dit que tel élément est un shart de la foi, que ce soit sihha ou kamâl cela ne veut pas dire qu’il n’en fait pas partie intégrante. En outre, les légistes utilisent le terme d’obligation pour désigner les éléments obligatoires de la prière qui ne relèvent pas des piliers. Ce choix n’est pas anodin, car en délaissant une obligation sans le faire express, le rituel n’est pas sanctionné d’annulation, bien qu’il ait moins de valeur.


Parler de shart kamâl pour la prière n’a aucun lien avec l’irja


Si cela est clair, il ne convient pas de taxer de murji un traditionaliste qui ne fait pas sortir de l’Islam l’abandon par fainéantise de l’un des piliers de l’Islam avec la prière à leur tête. De la même façon qu’il ne convient pas de taxer de kharijite un traditionaliste qui voit le contraire. Cette divergence est tolérée au sein d’ahl e-sunna.
Ainsi, aux yeux de certains traditionalistes, l’abandon de la prière relève du shart sihha là, où pour d’autres il a le statut de shart kamâl. Les deux opinions étaient en vogue chez les anciens. Tous s’accordent à dire que la foi est composée de quatre éléments, comme nous l’avons vu : la croyance du cœur, l’acte du cœur, la reconnaissance verbale, et les actes intérieurs et extérieurs. Ce sont les textes qui font dire à un tel et un tel que la prière est soit shart sihha soit shart kamâl, non une croyance préconçue selon laquelle les actes sont extérieurs à la foi.


Shart sihha et shart kamâl sont des terminologies nouvelles


Notons enfin qu’à ma connaissance pour reprendre les termes de Sheïkh el Barrâk, les grands Imâms de la première époque n’ont jamais eu recours à ce genre de vocabulaire (shart sihha soit shart kamâl). Les anciens se contentaient de dire que les actes faisaient partie intégrante de la foi, et s’opposaient avec force à ceux qui reniaient ce crédo. Ce n’est que récemment que certains commentateurs de hadîth ont soulevé la question de savoir si pour les murjites les actes ont un statut de shart kamâl, en se distinguant ainsi des traditionalistes pour qui il aurait un statut de shart sihha (ce point mérite de plus amples explications ndt.). Maintenant, nous savons qu’il n’est pas tout à fait juste de présenter la chose de cette façon.


À suivre…



[1] Fath el Bârî (1/46) ; Saffârînî (m. 1188 h.) reprend à son compte le premier passage d’ibn Hajar. Lawâmi’ el Anwâr (1/405) ; l’érudit ‘Alâ e-Dîn ‘Alî el Mardâwî (m. 885 h.) reproduit également ce passage dans e-tahbîr sharh e-tahrîr (2/503).
El Manâwî (m. 1031 h.) dit pour sa part : « La foi se compose de la connaissance, c’est-à-dire de la croyance du cœur, de la parole verbale, et des actes des membres – autrement dit de la reconnaissance et des actes des membres ; comprendre que les actes sont une condition de perfection de la foi, et que la reconnaissance verbale exprime la croyance intérieure.
La foi en Dieu est la somme de la reconnaissance verbale, de la croyance du cœur, et des actes corporels. Cette définition fait allusion à la foi parfaite qui rapporte la plus grande récompense. » Faïdh el Qadîr (3/185).

[2] Sharh lum’at el i’tiqâd (cass. 2 f 2) et Sharh e-tahâwiya (cass. 30 f 1).

[3] E-tanbîh ‘alâ el mukhalafât el ‘aqadiya fî Fath el Bârî (p. 28).

[4] E-tawassut wa el iqtisâd (p. 71).

[5] Un shart, c’est une condition, qui selon le vocabulaire des spécialistes en usûl el figh, est extérieur à l’entité. Pour d’autres spécialités, le shart fait partie intégrante de l’entité. Voir : kashf istilâhât el funûn d’e-Tahânuwî (2/492). Et comme c’est le cas pour les actes qui entrent dans l’entité de la foi chez les traditionalistes. Voir: tabriya el imâm el muhaddith min qawl el murjiya el muhdath de Sheïkh Ibrâhim e-Ruhaïlî.
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ÞÏíã 01 Feb 2015, 10:12 AM
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L’origine et l’évolution sémantique de l’expression shart kamâl
(Partie 3)


6- C’est explicitement de cette façon qu’oriente Hâfizh el Hakamî ces deux expression en parlant de la conception de la foi chez les kharijites, et les mu’tazilites : « …Pour le reste, la foi est composée de la croyance, de la parole, et des actes. La différence avec les pieux prédécesseurs c’est qu’aux yeux de ces derniers, les actes ne sont pas tous une condition de validité de la foi. Néanmoins, bon nombre d’entre sont à mettre au compte des conditions de perfection, qui, comme le souligne ‘Omar ibn ‘Abd el ‘Azîz, permettent de parfaire la foi, en les fournissant. Foi, qui reste imparfaite sans les fournir. Quant aux mu’tazilites, ils les rangent tous dans les conditions de validité, wa Allah a’lam ! »[1]


Sheïkh el Albani parle également d’ahâd el a’mâl quand il parle de shart kamâl, non de jins el ‘amal.[2] Mieux, c’est exactement ce que veut nous faire comprendre ibn Hajar dans le passage suivant où il explique en commentaire au hadith « L’Islam est fondé sur cinq piliers… » : « … S’il est dit que les quatre piliers en question sont fondés sur l’attestation de foi, étant donné qu’ils ne sont valables qu’à partir de sa prononciation, alors comment peut-on désigner sous une même appellation deux éléments, l’un étant pourtant fondé sur l’autre ?
Nous disons, en réponse, qu’il est possible d’édifier un élément sur un autre, mais dont l’ensemble dépend d’un élément extérieur.
S’il est dit, mais la fondation est forcément différente des piliers qui la soutiennent !
Nous répondons qu’un ensemble n’est pas de même nature que les unités qui le composent. Prenons l’exemple d’une tente en peau de chèvre montée sur cinq pieds, avec le plus grand au milieu et les quatre autres autour. Tant que le pilier du milieu reste debout, elle garde son nom de tente, quand bien même les autres tomberaient un à un. Dès que le plus grand tombe, elle perd son nom ; par rapport à cela, on peut dire que les éléments d’une construction assemblés ensemble ne seront pas vus pareils que quand ils sont séparés les uns des autres. Nous pouvons dire la même chose pour le pilier fondateur par rapport aux autres piliers. Le premier est la base ou l’essence, tandis que les autres sont les finitions qui complètent la fondation. »[3]


On peut ne pas être convaincu par ses explications, alors laissons-nous convaincre par Ibn Rajab à qui il emprunte probablement sa réflexion. En commentaire au même hadith, ce dernier explique : « En faisant disparaitre ces cinq piliers, l’édifice s’écroule, ou ne serait-ce que son pilier le plus grand, les deux attestations de foi ; toute annulation de l’Islam les remet littéralement en cause. Il règne la divergence entre savants sur la disparation des quatre autres piliers (prière, aumône, jeûne, pèlerinage) ; garde-t-on ou non le nom de croyant en les perdant tous ou ne serait-ce que l’un d’entre eux ? Doit-on distinguer entre la prière et les autres piliers, en disant que sans la prière, on perd également la foi ? Doit-on ajouter plus particulièrement l’aumône à la prière pour considérer l’absence totale de la foi ? Il existe une divergence notoire sur la chose entre savants, et toutes ces opinions sont imputées à l’Imâm Ahmed »[4]


Plus loin, il ajoute : « Quant aux autres éléments de l’Islam et de la foi (en dehors des quatre piliers ndt.), ils ne font pas sortir de l’Islam pour les traditionalistes, contrairement aux innovateurs comme les kharijites. »[5]


Notons que l’Albani, tout comme probablement ibn Hajar, établit dans un premier temps le crédo traditionaliste disant que les actes font partie intégrante de la définition de la foi (rukn asli).[6] Dans un second temps, il utilise l’expression shart kamâl en réfutation aux kharijites pour qui les actes sont shart sihha. Donc, il ne le dit pas dans l’absolu, mais min bâb el muqâbala ! Ibn Hajar, pour sa part, reprochait aux murjites de renoncer à qualifier les actes de la religion comme des éléments de la foi.[7]


Synthèse


El ‘ibra bi el qusûd wa el ma’ânî lâ bi el hurûf wa el mabânî !


Si on entend par shart sihha, ahâd el a’mâl, c’est l’opinion des kharijites et des mu’tazilites, et si on entend par là jins el ‘amal, c’est celle des traditionalistes.
En parallèle, si on entend par shart kamâl, ahâd el a’mâl, c’est l’opinion des traditionalistes, et si on entend par là jins el ‘amal, c’est celle des murjites, wa bi Allah e-tawfîq !


C’est probablement ce qui explique pourquoi, ibn Bâz a deux types de réponses sur le sujet. Parfois, il laisse entendre que shart kamâl est l’opinion des traditionalistes. Dans ce cas, il parle de ahâd el a’mâl ; la preuve, c’est qu’il fait exception à la prière. Et quand il dit que shart kamâl est l’opinion des murjites, il ne peut que sous-entendre jins el ‘amal, à la lumière des explications précédentes, wa Allah a’lam !


C’est ce qui nous amène au point suivant :


7- Les innovateurs ont la particularité d’utiliser un vocabulaire ambigu


Sheïkh el islam ibn Taïmiya explique que les grandes références interdisaient d’utiliser les expressions nouvelles dont le sens est vague et ambigu ; des expressions qui mélangent le vrai et le faux (qui induisent en erreur ndt.). Celles-ci sont, en effet, susceptibles de porter à confusion et de créer des polémiques et des dissensions ; contrairement à celles qui ont une origine dans les textes ou celles dont les anciens ont éclairé le sens ; celles-ci engendrent l’union et le savoir.[8]


En fait, les négateurs ne peuvent renier ouvertement les textes, alors ils ont recours à une technique. Ils utilisent des termes ambigus afin de cacher leurs intentions à ceux qui n’ont aucune expérience de leur vocabulaire. Puis, ils mettent en avant que leur ambition est d’exempter le Seigneur de tout défaut.[9]


Paradoxalement, ces innovateurs donnent des sens à ces termes ambigus qui ne puisent leur origine ni dans les textes du Coran et de la sunna, ni dans la langue arabe. Puis, ils s’en servent pour contrer le vrai sens de ces termes.[10]


Quant aux anciens, ils taxent d’innovateurs les partisans de ces termes ambigus, et s’attachent fidèlement à ceux qui sont légitimés par les textes. Cependant, ils ne rejettent pas pour autant ces termes ambigus d’un seul bloc. Sur la forme, ils sont certes intraitables, car on ne rend pas un mal par un mal, dans le sens où on ne combat pas les réfractaires à la Révélation avec des moyens qui sont contraires à la religion. Cependant, sur le fond, leur approche est d’interroger leurs partisans sur le sens qu’ils leur donnent.[11] Ils les acceptent sur le fond à condition qu’ils soient conformes aux textes, sinon, ils les refusent catégoriquement.[12] Ainsi, une enquête minutieuse s’impose, car, comme nous l’avons vu, ces termes ont un double sens, et il ne serait pas pertinent d’en bannir un (le vrai) sous prétexte de bannir l’autre (le faux), pour ensuite sombrer dans l’extrême opposé et devenir soi-même un innovateur.[13]


Un traditionaliste peut, pour une raison ou une autre, reprendre à son compte certains termes ou expressions ambigus, dans ce cas notre relation avec lui sera différente ; il incombe avant tout de se faire une bonne opinion de lui


En règle générale, Il vaut mieux pardonner par erreur que de punir par erreur. Il vaut mieux donner à un mendiant riche que de priver un mendiant pauvre. Il vaut mieux relâcher un coupable que de condamner un innocent.[14] Cette règle est d’autant plus vraie quand il s’agit d’une grande référence de l’Islam qui a fait ses preuves et dont les erreurs se noient dans l’océan de ses bonnes actions, des bienfaits qu’il a apportés, et des traces qu’il a laissées dans la communauté. Ses erreurs sont insignifiantes en comparaison à son œuvre. Il est surtout connu pour mettre la vérité au-dessus de tout, en faisant abstraction des considérations personnelles.[15] En admettant que sur les fatwas innombrables qu’il avance, il se trompe uniquement sur cent d’entre elles, cela ne serait nullement considéré comme une tare.[16] L’essentiel, bien qu’il soit excusable, voire récompensé pour ses efforts, c’est de ne pas le suivre dans ses erreurs.[17]






Un traditionaliste peut utiliser ces termes ambigus par condescendance


Il est possible d’utiliser ces termes hérétiques par condescendance, et si l’intérêt le réclame. C’est le cas par exemple quand on s’adresse à des personnes qui ne connaissent que ce vocabulaire.[18] Ibn Taïmiya ne rechignait pas à avoir recours à des termes comme wâjib el wujûd (l’Être nécessaire), la jiha (la direction), le makân (l’endroit), le haïyiz (la localité), le hadd (la limite), le jism (le corps), etc.


Il incombe de regrouper toutes les paroles d’un même auteur sur le sujet qu’on lui reproche, et de s’enquérir de ses intentions


Ibn Taïmiya établit dans l’un de ses ouvrages qu’il n’est pas pertinent d’interpréter les paroles d’un auteur d’une autre façon que selon ses propres intentions.[19] Sinon, cela revient à mentir sur lui qu’on en ait conscience ou non. Pour mieux comprendre ses passages ambigus, il incombe de regrouper tout son discours ; c’est en tout cas, ce que réclame la rigueur scientifique.


Une démarche défaillante consisterait à lui donner tort d’emblée, sans chercher à lui offrir des circonstances atténuantes, à donner à ses paroles la meilleure interprétation possible et à les ramener à ses principes généraux. Il est plus pertinent de conjuguer entre ses discours que de pointer du doigt les passages où il semble s’être trompé.[20]


Or, cette démarche est valable à condition de ne pas connaitre les intentions de l’auteur, mais dès que c’est possible, elle n’a plus lieu. Ce serait faire preuve de laxisme que de chercher à s’en faire une bonne interprétation.[21]


Il est très dangereux de s’en tenir à un discours vague d’un imam pour définir sa tendance. C’est de cette façon que sont nées les pires tendances parmi les adeptes des quatre écoles.[22] Il est aussi très perfide de fouiner dans les opinions faibles des savants en vue soit de les adopter soit des les décrier.[23]


Il n’est pas pertinent non plus d’attribuer à un auteur les implications de son discours, sauf s’il l’assume lui-même, ou si des indices formels prêtent à le dire.[24] Comme il n’est pas pertinent de lui attribuer un discours qu’il a tenu pendant sa période de formation ou sur lequel il serait revenu dans ses derniers ouvrages.[25]


Un savant est même susceptible d’avoir deux discours tout aussi justes l’un que l’autre, sauf qu’il adapte ses réponses en fonction de ses interlocuteurs, de peur de les perturber.[26]
Il peut tout bonnement avoir deux opinions à deux périodes différentes de sa vie et qu’il fait part à deux auditions différentes.[27]


Li kulli maqâm maqâl !
Li el harb kalâm wa li e-silm kalâm !


La distinction entre théoriser une question et faire une fatwâ


Il existe deux sortes de sentences : théorique (lorsqu’un savant théorise une question) et pratique (quand il l’applique au terrain en tenant compte de plusieurs facteurs ; ex. : la fatwâ).[28] En mélangeant entre les deux, on peut faire des dégâts énormes, comme le souligne ibn el Qaïyim.[29]


Comprendre les paroles d’un auteur à la lumière du contexte


Enfin, et ce point est d’une extrême importance, il n’est pas pertinent de sortir un passage de son contexte, car cela revient à le tronquer, ou, au meilleur des cas, à le vider de sa substance. Il faudrait, au minimum prendre la peine de le ramener en entier, en vue de mettre en lumière les réelles intentions de l’auteur.


À suivre…





[1] Ma’ârij el qabûl (2/30).

[2] Voir : hukm târik e-salât (p. 41).

[3] Fath el Bârî (1/72).

[4] sharh kitâb el îmân d’ibn Rajab (p. 26-27).

[5] sharh kitâb el îmân d’ibn Rajab (p. 28).

[6] Voir : juhûd el Imâm el Albânî fî bayân ‘aqîda e-salaf (p. 81) qui à l’origine est une thèse universitaire ès Magistère d’Ahmed el Jabbûrî.

[7] Fath el Bârî (1/95).

[8] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql d’ibn Taïmiya (1/271).

[9] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/275), et majmû’ el fatâwâ (13/304-305).

[10] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (10/302-303).

[11] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/254).

[12] Idem. (2/104).

[13] Idem.

[14] Minhâj e-sunna (4/372).

[15] Majmû’ el fatâwâ (11/43) ; voir : Minhâj e-sunna (4/134-135).

[16] Majmû’ el fatâwâ (27/301).

[17] Majmû’ el fatâwâ (21/64) ; voir également : (2/84).

[18] Voir : Minhâj e-sunna (2/554-555).

[19] Voir : el jawâb e-sahîh (4/44).

[20] Majmû’ el fatâwâ (6/61).

[21] Majmû’ el fatâwâ (6/61).

[22] Majmû’ el fatâwâ (6/61).

[23] El fatâwâ el kubrâ (2/226).

[24] Majmû’ el fatâwâ (29/41-42).

[25] Majmû’ el fatâwâ (11/137).

[26] Majmû’ el fatâwâ (6/60).

[27] Majmû’ el fatâwâ (29/40).

[28] El muswadda (p. 504).

[29] I’lâm el mawqi’în (3/79).
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ÞÏíã 01 Feb 2015, 06:02 PM
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L’origine et l’évolution sémantique de l’expression shart kamâl
(Partie 4)


8- Même si c’est pour dire autre chose, Sheïkh el Fawzân souligne que les tenants de l’expression shart kamâl cherchent à conjuguer entre le crédo des anciens (ahl el hadîth) et celui des modernes (mutakallimîn).[1] Oui, c’est vrai pour les commentateurs ash’arites dont nous avons parlé plus haut. D’ailleurs, la plupart reconnaissent ouvertement que les actes ne font pas partie de la définition de la foi ; mais ce n’est pas évident pour ibn Hajar, comme nous l’avons vu, et encore moins pour l’Albani qui dit explicitement le contraire ! En outre, il n’est pas précis de dire que les ash’arites sont des murjites dans l’absolu. En voici l’explication :


9- Ibn Taïmiya souligne que les ash’arites sont, nuance, pour la grande majorité murjites dans le domaine de la foi (el asmâ wa el ahkâm) et jabarites (déterministes) dans celui du destin.[2] Ils n’ont pas une position uniforme sur la conception de la foi. Le père fondateur lui-même a plus d’une opinion sur le sujet. Trois grandes tendances se dégagent chez les partisans de la secte.


Primo : celle où ils rejoignent le crédo orthodoxe disant que la foi est composée de la parole et des actes. Abû el Hasan l’épousa finalement, ainsi qu’une partie de ses adeptes.[3] Il en parle dans son épitre mas-ala el îmân hal huwa makhlûq aw ghaïr makhlûq ? Dans maqâlât el islâmiyîn également,[4] il rejoint le crédo traditionaliste selon lequel la foi est composée de la parole et des actes, et qu’elle monte et descend.[5] Sheïkh el Islâm rapporte son discours d’el ibâna dans lequel il se range, dans l’ensemble, au crédo de l’Imâm Ahmed.[6] Ibn Taïmiya souligne un point d’une importance capital pour comprendre la tendance actuelle de la secte. Il explique, en effet, que certains adeptes du fondateur se rendirent compte de l’impertinence de la parole de Jahm. Si beaucoup d’entre eux y renoncèrent, une partie seulement se tourna vers la tendance des anciens.[7]


Secundo : celle où ils rejoignent le crédo d’ibn Kullâb et des murjiya el fiqaha disant que la foi est composée de la croyance (tasdîq) et de la parole. Nous trouvons dans cet ensemble le reste des ash’arites qui renoncèrent à la parole de Jahm.[8]


Tercio : celle où ils rejoignent le crédo de Jahm qui confine la foi dans la croyance (tasdîq). Elle est la tendance la plus notoire imputée à Abû el Hasan et qui fut adoptée par la plupart des grandes références qui le suivirent comme el Qâdhî Abû Bakr el Baqillânî et Abû el Ma’âlî el Juwaïnî (auxquels il faut ajouter Râzi).[9] Celle-ci fut également adoptée par certains partisans d’Abû Hanîfa, à l’image, contre toute attente, d’el Mâturîdî.[10] Selon eux, la foi, qui se vérifie uniquement au niveau du tasdîq, ne varie pas d’un individu à un autre, et est indivisible ; soit elle existe entièrement soit elle est inexistante. Ils ne conçoivent pas de phase intermédiaire. C’est pourquoi, ils imaginent tout à fait un individu ayant une foi parfaite/ou valable (tamm) capable de blasphémer en toute âme et conscience et sans contrainte.


Les paroles blasphématoires ne sont, à leurs yeux, que le reflet où l’implication de l’absence du tasdîq. À l’inverse, une foi parfaite/ou valable (tamm) n’implique pas forcément les actes ; ils imaginent parfaitement une foi parfaite/ou valable (tamm) sans n’effectuer aucun acte.[11] Jahm, qui confinait la foi dans le cœur, n’imposait même pas l’attestation de la foi. De grandes références, à l’image d’Ahmed et de Waqî’ condamnaient à l’apostasie l’auteur d’une telle croyance.


Pourtant, el Ash’arî et bon nombre de ses adeptes y adhéraient pleinement, à la différence où ils s’alignaient avec les textes sur les cas d’apostasie. Ils justifiaient qu’on devenait apostat quand la connaissance du cœur (ma’rifa) disparaissait complètement.[12] Le blasphème ne serait donc que la preuve de la mécréance intérieure, non qu’il relève de la mécréance en lui-même. Il est tout à fait possible au même moment, selon eux, que le blasphémateur reste croyant. Quand on leur établit que les textes et le consensus le vouent à la mécréance intérieurement et extérieurement, ils réfutent qu’en réalité, sa mécréance extérieure implique de démentir Dieu intérieurement (takdhîb), ce qui s’oppose littéralement à la foi.[13]


Dans maqâlât el islâmiyîn, el Ash’arî recense les différentes tendances murjites (douze en tout), dont celle qui confine la foi dans la connaissance du cœur du Créateur. On est mécréant uniquement quand on ignore son existence. La Trinité n’est pas de la mécréance en soi, mais elle provient uniquement d’un mécréant, comme l’indiquent les textes et le consensus. Ils résument cette ma’rifa à l’amour et à la soumission intérieure du Créateur. En cela, la prière ne relève pas de l’adoration, car adorer Dieu, c’est simplement le connaitre.


Abû el Husaïn e-Sâlihî, qui en est l’instigateur, se représentait la foi et la mécréance comme un seul élément compact et indivisible, et n’acceptant aucune variation.[14] Or, comme le souligne ibn Taïmiya, ce même Ash’arî se rallie à la tendance de Sâlihî dans un autre de ses ouvrages aujourd’hui perdu et ayant pour titre el mûjiz,[15] bien qu’au même moment il prétend dans le même ouvrage suivre les traces de l’Imâm Ahmed.[16]


Ce fameux Sâlihî confinait effectivement la foi dans la ma’rifa et le tasdîq, bien qu’elle réclame certaines exigences, qui, sans les fournir, sont la preuve de l’absence de tasdîq dans le cœur. El Mâturîdî, comme nous l’avons vu, rejoint dans le principe cette tendance, en émettant toutefois une nuance. Ce dernier considère en effet la parole comme une condition (shart) pour la mise en application des lois terrestres.[17]


Ainsi, les ash’arites sont en accord avec le jahmisme primitif confinant la foi dans la croyance intérieure, sans même fournir la parole ni les actes du cœur, et encore moins les actes extérieurs.[18]


10- La variation de la foi chez les ash’arites


Les ash’arites sont conformes au crédo murjites selon lequel la foi ne peut ni monter ni descendre. C’est ce qui les pousse à dire que la soumission aux commandements divins (faire les interdictions et renoncer aux interdictions) ne relève pas de la foi. Sinon, cela reviendrait à la croyance kharijite qui fait sortir les désobéissants de l’Islam. À leurs yeux, la foi est une et indivisible. Autrement dit, tous les croyants (anges, prophètes, pieux, pervers, etc.) ont le même niveau de foi.[19]


Plusieurs grandes références, à l’image d’el Baqillânî, émettent toutefois une nuance. Il existe certes une distinction entre les croyants, mais uniquement au niveau des actes, non au niveau de la foi.[20] Certains ash’arites se rendirent compte de l’impertinence de leur tendance. Comment peut-on comparer le plus pervers des musulmans avec Mohammed le sceau des prophètes (r) ? La parade fut de dire que le Messager (r) se distingue des autres hommes grâce à la constance et à la pérennité de son tasdîq. En cela, sa foi est meilleure que les autres qualitativement et quantitativement. Sur les traces d’el Qalânîsî, Abû el Ma’âlî ne voit pas d’inconvénient à dire que la foi augmente et diminue, si on entend par là, les actes d’obéissances.[21] Il va sans dire que cette justification frôle l’absurde.[22]


Des auteurs comme el Îjî (m. 756 h.) qui fut contemporain à ibn Taïmiya (il est mort plus d’un quart de siècle après lui) reconnaissent que la variation de la foi a lieu directement au niveau du tasdîq, en s’inscrivant ainsi en porte à faux avec l’opinion la plus répandue de la secte, et en épousant le crédo traditionaliste sur ce point. En même temps, cela le fait sombrer dans de nouvelles contradictions non moins imparables, même si sa démarche est louable.[23]


E-rujû’ ilâ el haqq fadhîla..
E-rujû’ ilâ el haqq khaïrun min e-tamâdî fi el bâtîl !
Faute avouée à moitié pardonnée !
Notons que l’imâm fondateur est revenu à la fin de sa vie à l’opinion des traditionalistes disant que la foi monte et descend, comme nous l’avons vu précédemment.[24]


11- La variation du tasdîq et de la ma’rifa


Dans maqâlât el islâmiyîn, Abû el Hasan el Ash’arî rejoint le crédo traditionaliste selon lequel la foi est composée de la parole et des actes ; elle monte et elle descend.[25] Il ramène ailleurs le consensus des anciens sur ce crédo, bien que son penchant pour le kalâm le rattrape quand il prétend la même page que la foi ne descend pas au niveau du tasdîq et du jahl (ignorance), ce qui, à ses yeux, relève du kufr.[26] Tahawî semble épouser cette question dans sa fameuse profession de foi. Ce qui n’échappa pas à Sheïkh el Albanî dans sa recension à son livre. Il souligne, en effet, dans la lignée des grandes références traditionnalistes, que même à ce niveau, la foi varie d’un individu à un autre et chez un même individu.[27]


L’Érudit ibn Hajar explique en s’inspirant des paroles d’e-Nawawî (nouvelle preuve de son intégrité dogmatique) : « Selon l’opinion choisie et la plus juste, la conviction (tasdiq) augmente et diminue grâce à de multiples raisonnements et à la clarté des arguments. La foi d’Abû Bakr e-Saddîq, qui n’était entachée par aucun doute, était plus forte que celle d’autrui. Chacun peut le constater en lui-même et remarquer qu’il y a une variation dans ses sentiments. À certains moments, on décèle une plus grande conviction, sincérité, et confiance en Allah qu’à d’autres moments. Il en est ainsi pour la simple croyance et la connaissance qui s’amplifient grâce à la clarté des preuves et à leur abondance. »[28]


L’Imâm Ahmed, pour sa part, avait deux versions sur les variations (tafâdhul) de la ma’rifa. La plus juste d’entre elles, qui fut adoptée par les partisans de son école, nous apprend qu’elle est sujette au tafâdhul.[29]


Ibn Taïmiya attire notre attention sur un point extraordinaire. Il nous dit en substance que renier que le tafâdhul dans certains détails de la foi est certes caractéristique au principe murjite selon lequel la foi est indivisible. Néanmoins, cette opinion est parfois reprise par des traditionalistes, à l’image d’ibn ‘Aqîl, qui n’ont aucun lien avec l’irja.[30]


À suivre…





[1] El ijâbât el muhimma fî el mashâkir el mulimma (p. 74). Il ne le dit pas tout à fait comme cela, mais je veux ici une chose bien précise, alors qu’on n’aille pas dire que je tronque ses paroles !

[2] El fatâwâ el kubrâ (6/55).

[3] Majmû’ el fatâwâ (7/120, 142, 509).

[4] maqâlât el islâmiyîn (1/347-350).

[5] Majmû’ el fatâwâ (7/549-550).

[6] Majmû’ el fatâwâ (3/223).

[7] Majmû’ el fatâwâ (7/143).

[8] Majmû’ el fatâwâ (7/143).

[9] Majmû’ el fatâwâ (7/511).

[10] Voir : tabsira el adilla (2/799), e-tamhîd li qawâ’îd e-tawhîd (p. 128), el musâmara bi sharh el musâyara (p. 1, 5) de Kamâl ibn Abî Sharîf, et hashiya ibn ‘Âbidîn (7/342).

[11] Majmû’ el fatâwâ (7/582).

[12] Majmû’ el fatâwâ (13/47).

[13] Majmû’ el fatâwâ (7/557).

[14] maqâlât el islâmiyîn (1/214).

[15] Majmû’ el fatâwâ (7/544).

[16] Dar-u e-ta’ârudh d’ibn Taïmiya (2/16).

[17] Majmû’ el fatâwâ (7/509-510). Pour les traditionalistes, sans prononcer l’attestation de foi sans excuse valable, la croyance (ma’rifa), qui se trouve dans le cœur, est stérile, car la parole, pour celui qui en a la capacité, est une condition de validité de la foi (shart sihha). [E-sârim el maslûl (p. 525) d’ibn Taïmiya.]

[18] E-sârim el maslûl d’ibn Taïmiya (3/960).

[19] Majmû’ el fatâwâ (12/470-471).

[20] Majmû’ el fatâwâ (7/408).

[21] Majmû’ el fatâwâ (7/153) ; voir : el irshâd d’el Juwaïnî (p. 336).

[22] Majmû’ el fatâwâ (7/153).

[23] Voir : usûl el mukhâlifîn li ahl e-sunna fî el îmân (p. 59) du D. ‘Abd Allah ibn Mohammed el Qarnî.

[24] Voir également : el ibâna (p. 39), et maqâlât el islâmiyîn (1/347, 350).

[25] Majmû’ el fatâwâ (7/549-550).

[26] Risâlat ilâ ahl e-thaghr (p. 272) ; ce passage mérite de plus amples explications.

[27] Voir son ta’lîq ‘alâ el ‘aqîda e-Tahawîya (p. 43).

[28] Fath el Bârî (1/46).


[29] Majmû’ el fatâwâ (7/408).

[30] Majmû’ el fatâwâ (7/408).
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ÞÏíã 02 Feb 2015, 05:55 PM
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L’origine et l’évolution sémantique de l’expression shart kamâl
(Partie 5)


12- Peut-on dire je suis croyant in shâ Allah (el istithnâ) selon la conception ash’arite ?


Nous pouvons dire que dans ce domaine, ils sont conformes aux traditionalistes sous un certain angle, mais pas sous un autre angle. Ils sont conformes à eux en tolérant qu’on puisse le dire. Abû el Hasan soutenait certes l’opinion de Jahm dans la foi, mais il s’accordait avec la tendance la plus notoire des traditionalistes sur l’istithnâ, comme c’était souvent le cas. Le problème, c’est qu’il maitrisait mal leur crédo. Il cherchait certes à le défendre, mais en se basant sur d’autres raisonnements qu’il empruntait à leurs détracteurs. C’est ce qui le faisait tomber dans des incohérences que lui contestaient les deux côtés.[1]


Nous disons donc que les ash’arites sont d’accord qu’on dise je suis croyant in shâ Allah, mais en passant par un autre raisonnement que les traditionalistes. Selon eux, cette expression est juste en regard de la finalité (el muwafât), soit si on considère qu’Allah nous fasse mourir musulman.[2] Pour eux, ils étaient ainsi fidèles aux anciens, et ils s’en vantaient, sauf qu’aucun d’eux n’a jamais dit cela. En fait, ils pensaient que c’était la seule façon d’interpréter la chose.[3]


Par ailleurs, qu’entendaient-ils par « en regard de la finalité » ? Ils se partageaient sur la chose en deux avis[4] :


Pour les uns : la muwafât était une condition de validité de la foi (shart sihha), de sa réalité au moment x, et auprès d’Allah. Nous pouvons compter dans cet ensemble, Abû el Hasan, et ibn Fawrk.[5] Je peux dire je suis croyant in shâ Allah, non que je doute de ma foi, mais je ne sais pas si, au même moment, Allah me considère ainsi, et que cela me sera utile en regard de la finalité que j’ignore. En un mot, je ne sais pas dans quelle situation je vais mourir.[6] Nul doute que je n’ai pas le droit de dire au moment x que je suis croyant, car cela reviendrait à me donner un bon pour le Paradis, et à me compter parmi ses heureux élus. Cela voudrait dire également qu’Allah est satisfait de moi, alors que c’est une chose que je ne peux pas savoir.


Ce raisonnement est le même pour le mécréant. Nous n’avons pas le droit de dire au temps x qu’il est un ennemi d’Allah, promis à l’Enfer éternel, si ce n’est que dans la mesure où nous appliquons contre lui les lois terrestres à ce temps x, au vue de ce qu’il affiche non de ce qu’il va advenir.[7]
Sheïkh el Islâm note que bon nombre de kullâbites, ont voulu à travers cette explication conjuguer entre le crédo traditionaliste autorisant l’istithnâ et la pensée murjite selon laquelle la foi est indivisible.[8] Abû ‘Ya’lâ notamment rejoint les ash’arites sur ce point.[9]


Pour les autres : la muwafât n’est pas une condition de validité de la foi (shart sihha), de sa réalité au moment x, et auprès d’Allah, mais une condition pour avoir droit à la récompense. C’est pour cela que je peux dire je suis croyant in shâ Allah en regard de la finalité, non au moment où je le prononce.


Bon nombre d’ash’arites rejoignent cette tendance, bien qu’elle s’inscrit à contre-courant du père fondateur.[10] Nous pouvons compter dans cet ensemble el Baqillânî, el Juwaïnî, Abû Ishâq el Asfarâînî.[11]


En réponse, l’enfant de Harrân émet plusieurs objections, mais nous nous contenterons d’en donner ici qu’une seule. Aucun ancien n’a jamais autorisé l’istithnâ en regard de la muwafât, mais en regarde de la foi parfaite qui implique de se soumettre scrupuleusement aux commandements divins. En cela, dire que je suis croyant, cela revient à se faire des éloges et à se considérer comme un vertueux. Il est vrai que de nombreux traditionalistes parmi les partisans notamment des trois grandes écoles (malikite, hanbalites, shâfi’îtes, etc.), rejoignent les mutakallimîns sur ce point.[12]


13- Les savants qui étaient plus versés dans le kalâm que dans les sciences religieuses


Certains savants sont versés dans les questions rationnelles qu’ils ont notamment empruntées aux jahmites. Ils sont même capables de leur associer leur voix dans certains fondements erronés. Ils ont conscience que leurs « mentors » s’inscrivent à contre-courant des traditionalistes dans les domaines notoires du crédo (le caractère incréé du Coran, la vision d’Allah, etc.). Tout le monde sait (même dans les milieux non savants) que le Coran est la Parole incréée d’Allah, et qu’on pourra le voir dans l’autre monde.


Néanmoins, ces savants en question se sont essayés à conjuguer entre le crédo notoire des traditionalistes et les fondements rationnels empruntés aux jahmites et pour lesquels ils vouent une confiance aveugle. Leur faible bagage en dirâya les ont engouffrés dans une voie intermédiaire qui s’est fait assaillir de part et d'autre ; chacun mettant en avant ses contradictions.


Cette tendance est celle d’Abû el Hasan et des grands leaders ash’arîtes à l’image d’Abû Bakr el Baqillânî et d’Abû Ishâq el Isfarâyînî (m. 418 h.). Le premier homme de la secte reste celui qui a une plus grande connaissance du savoir de la première époque. Malgré cela, il est très évasif quand il s’agit de relater la tendance traditionaliste à laquelle il jure fidélité dans tous les points du crédo, et va jusqu’à souligner ce qui, à ses yeux, sont certaines de ses implications. Son bagage est très limité dans ce domaine.
En revanche, il est beaucoup plus à l’aise pour faire le récit des idées mu’tazilites qu’il connait sur le bout des doigts, et dans les moindres détails. Ce qui est intéressant avec cette catégorie de savants, c’est qu’ils mettent à nue les contradictions, mais aussi les erreurs de leurs contradicteurs mu’tazilites.[13]


14- Aux yeux de certains, quand ibn Hajar affirme qu’il reprend le crédo d’ahl e-sunna, il ferait allusion, en fait, aux ash’arites. Nous avons vu ce qu’il en était réellement plus haut, mais sans n’écarter cette hypothèse, et en admettant que ce soit réellement le cas, nous avons vu également que certains ash’arites rejoignent le crédo traditionaliste dans le domaine de la foi.


Selon ibn Abî el ‘Izz, à traves un discours qu’il emprunte probablement à ibn Taïmiya, il règne une grande divergence entre les musulmans sur les éléments qui composent la foi. Aux yeux de Mâlik, Shâfi’î, Ahmed, el Awzâ’î, Ishâq ibn Râhawaïh, et de tous les traditionalistes et les médinois en général – qu’Allah leur fasse miséricorde –, mais aussi des littéralistes (ahl e-zhâir) et d’une partie des mutakallimîns, elle est composée de la croyance (tasdîq) du cœur, de la reconnaissance verbale, et des actes des membres.[14]


Il est notoire qu’el Ash’arî et ses adeptes s’accordent avec Jahm sur sa conception de la foi selon laquelle elle se confinerait à la croyance (tasdîq) ou à la connaissance (ma’rifa) venant du cœur. Néanmoins, il leur arrive d’afficher le crédo traditionaliste qu’ils interprètent à leur façon.[15]


À suivre…





[1] Majmû’ el fatâwâ (7/120).

[2] Majmû’ el fatâwâ (7/429, 436-437).

[3] Majmû’ el fatâwâ (7/436).

[4] Voir : tabsira el adilla (2/815), e-tamhîd li qawâ’îd e-tawhîd (p. 147-148), sharh el maqâsid (5/216) d’e-Tiftizânî.

[5] Majmû’ el fatâwâ (7/438).

[6] Majmû’ el fatâwâ (7/437-438).

[7] Majmû’ el fatâwâ (7/441) ; voir : sharh el irshâd (280/b).

[8] Majmû’ el fatâwâ (7/429-430).

[9] Majmû’ el fatâwâ (7/667).

[10] Majmû’ el fatâwâ (7/120).

[11] Voir : el irshâd d’el Juwaïnî (p. 336), et el insâf d’el Baqallânî (p. 91).

[12] Majmû’ el fatâwâ (7/432, 439).

[13] Darr e-ta’ârudh (7/32-37). Sheïkh el Islâm ibn Taïmiya établit à ce sujet : « Par ailleurs, dans le domaine du crédo qui touche à l’inconnu, chaque leader et chaque adepte des tendances musulmanes ne doit sa notoriété qu’à son attachement, même relatif, à la sunna et à sa reconnaissance des Noms et Attributs divins.
Tout d’abord, les mu’tazlites – l’élite du Kalâm – ; ces derniers sont loués et encensés par leurs adeptes et ceux qui ferment les yeux sur leurs mauvais côtés, mais c’est uniquement en regard de leurs bons côtés et de leur fidélité aux traditionalistes dans le domaine du crédo. Ils sont célèbres pour leur réfutation aux râfidhites dans divers domaines ; la légitimité des Khalifes, la crédibilité des Compagnons, l’acceptation, mais aussi la falsification des textes, l’excès envers ‘Alî, etc.
En revanche, les shiites primitifs sont plus louables que les mu’tazlites qui renient notamment les Attributs divins, le destin, et l’intercession. Ils étaient également louables par rapport aux kharijites, qui « excommuniaient » nombre de Compagnons à l’instar d’Alî et d’Uthmân, et qui « excommuniaient » les auteurs des péchés musulmans. Ils se distinguaient également des murjites, en faisant entrer les obligations religieuses dans la définition de la foi ; c’est même ce qui les poussa au crédo de la manzila baïn el manzilataïn, bien qu’ils ne parvinrent pas à s’aligner avec la sunna pure sur ce point.
En outre, les mutakallimîns qui reconnaissent les Noms et Attributs divins (kullâbiya, karrâmiya, ash’ariya) doivent leurs lettres de noblesse (ils furent acceptés et suivis par la majorité de la communauté) à leur conformisme dans les fondements de la foi : la reconnaissance du Créateur, de Ses Attributs, de la prophétie, et à leurs réfutations aux Juifs, chrétiens, mécréants et païens ; ils mirent en avant les contradictions de leurs arguments. Ils sont estimables d’avoir réfuté les jahmites, les mu’tazlites, râfidhites, qadarites là où ils contrevinrent à l’orthodoxie.
Ainsi, leurs bons côtés sont de deux sortes : quand ils sont conformes au traditionalisme et quand ils réfutent les arguments contradictoires des opposants au traditionalisme. Tous ceux qui rejoignent la tendance ash’arite sont mus dans leur motivations par au moins l’une de ses deux raisons, et rien d’autre. Chaque musulman, que ce soit parmi les savants ou la masse, n’aime et ne défend cette tendance que pour ces raisons.
Les auteurs, à l’image de Baïhaqî, Qushaïrî Abû el Qâsim, ibn ‘Asâkîr e-Dimashqî, qui vantent les vertus du premier homme de la secte, et qui plaident en sa faveur contre les critiques et les damnations, mettent en avant ses positions où ils s’accordent avec les traditionalistes et ses réfutations aux anti-traditionalistes. La nation, avec les savants et les émirs à sa tête, n’entend parler d’eux que de ces deux arguments. S’il n’était pas plus proche de la vérité que ses coreligionnaires, on l’aurait mis au même niveau que ses contemporains bien moins louables de ce côté-là, à l’image de son premier Sheïkh Abû ‘Alî [el Jubbâî], et de son fils Hâshim.
Néanmoins, ses positions orthodoxes qui touchent aux Attributs, au destin, l’imâma, les vertus (probablement des Compagnons ndt.), l’intercession, le bassin, le pont jeté au-dessus de la Géhenne, la Balance jouent en sa faveur. Tout comme ses réfutations aux autres sectes (mu’tazilites, qadarites, râfidhites, jahmites) qui mettent en lumière leurs contradictions. Il est indubitable qu’il se distingue d’eux et que nous devons lui reconnaitre le rang et le respect qu’il mérite : [Allah a fait toute chose avec mesure].
Il doit sa notoriété et sa célébrité (recrudescence d’adeptes ndt.) à sa fidélité au traditionalisme. Néanmoins, cette fidélité, grâce à laquelle il prend le pas sur ses opposants en pulvérisant leurs arguments, l’élève au rang de mujâhid victorieux. » Majmû’ el fatâwâ (4/11-14).

[14] Sharh e-tahawiya (p. 332) d’ibn Abî el ‘Izz. Quand il parle de ahl e-zhâir, il fait notamment allusion à ibn Hazm qui souligne, En explication au hadîth e-shafâ’a : « En négligeant tous les actes, on est un croyant désobéissant, avec une foi faible, mais sans devenir mécréant. » El mahallâ (1/40). Il n’y a donc aucune contradiction entre le fait d’intégrer les actes dans la définition de la foi et de prendre le hadîth e-shafâ’a au premier degré, wa bi Allah e-tawfîq !
Ibn ‘Abd el ‘Izz lui-même a un discours qui lui ressemble : « À l’unanimité d’entre eux, en croyant avec le cœur et en reconnaissant verbalement, tout en s’abstenant (imtana’a) de faire les actes corporels, on désobéit à Allah et à Son Messager et on est passible de la menace divine. » Sharh e-tahawiya (p. 333) d’ibn Abî el ‘Izz.

[15] E-Nubuwwât (1/580) d’ibn Taïmiya.
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  #6  
ÞÏíã 03 Feb 2015, 06:05 PM
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L’origine et l’évolution sémantique de l’expression shart kamâl
(Partie 6)


15- Tous les dissidents au crédo orthodoxe (kharijites, mu’tazilites, murjites, jahmites, etc.) s’entendent à dire que la variation de la foi est impossible ; à partir de ce principe commun, chacun fondera sa propre conception de la foi qui se situe aux extrêmes opposés


Sheïkh el Islam explique que toutes les sectes dissidentes au traditionalisme (kharijites, mu’tazilites, murjites, jahmites, etc.) considèrent que la foi est un et indivisible ; si on enlève une partie, elle s’annule entièrement ; et, à l’inverse, si elle existe en partie, elle existe entièrement. Ils s’inscrivent à contre courant du hadîth : « Le jour de la résurrection, Allah (I) dira : Sortez de l’Enfer quiconque décèle dans son cœur la foi la plus infime (mot-à-mot : ne serait-ce que l’équivalent d’un grain de moutarde ndt.). »[1]


Pour les kharijites et les mu’tazilites, l’ensemble des actes d’obéissance compose la foi ; « c’est tout ou rien » justifient-ils. C’est selon ce raisonnement qu’ils sortent l’auteur des grands péchés de la religion. À l’opposé, nous avons les murjites et les jahmites, pour qui la foi est un et indivisible également, à la différence où, pour les seconds, elle se confine dans la croyance du cœur (tasdîq), et pour les premiers, elle se résume au tasdîq et à la parole. À leurs yeux, s’ils devaient faire entrer les actes dans la définition de la foi, cela voudrait dire qu’ils en font partie intégrante, et cela impliquerait, au même titre que les kharijites, de sortir de la religion l’auteur des grands péchés. Cela ne l’empêche pas d’avoir des implications qui, en cas d’absence, sont la preuve de l’absence de la foi.


Notons enfin que les deux extrêmes pensent que les traditionalistes se contredisent, car d’un côté, ces derniers incorporent les actes dans la définition de la foi, et d’un autre côté, ils acceptent pleinement qu’il puisse y en avoir qu’en partie.[2]


Ainsi, les deux extrêmes (kharijites, mu’tazilites d’un côté et murjites, jahmites, de l’autre) s’appuient sur le même principe. Ils louent la cohérence de l’extrême opposé même s’ils arrivent à des conclusions différentes ; tous s’accordent à dire que les traditionalistes se contredisent


Ibn Taïmiya nous met en lumière leur raisonnement commun. Tous pensent qu’une entité abstraite ou concrète composée de plusieurs éléments disparait en perdant certains d’entre eux. Ex. d’entité abstraite : le nombre dix se transforme en autre nombre dès qu’on lui retranche au moins un chiffre au minimum.
Ex. d’entité concrète : la boisson sakanjabîn, qui est un mélange de vinaigre et de miel, se transforme en autre chose dès qu’elle perd l’un de ses ingrédients.


Sur ce principe, en admettant que la foi soit composée de la parole et des actes intérieurs et extérieurs, cela voudrait dire qu’ils disparaitraient en perdant certains de ses éléments. C’est exactement ce que disent les kharijites et les mu’tazilites qui ne s’imaginent pas un homme ayant à la fois des éléments de la foi et de la mécréance, ou, en d’autres termes, pouvant à la fois être croyant et mécréant. Ils prétendent même que le consensus des musulmans est de leur côté.[3]


Râzî (m. 606 h.), un symbole néo-ash’arite, résume très bien la problématique. Il souligne tout d’abord qu’il existe deux tendances faisant entrer les actes dans la définition de la foi. Les traditionalistes, avec l’imâm Shâfi’î à leur tête, qui ne font pas sortir le pervers de la religion. Râzî a vraiment du mal à s’imaginer la chose. Il en conclut que les kharijites et les mu’tazilites ont une approche plus cohérente, étant donné que pour les uns, il n’est plus musulman, et que pour les autres il n’est ni musulman ni mécréant, mais à un niveau intermédiaire entre les deux (el manzila baïna el manzilataïn).[4]


Ailleurs, Râzî se range avec les ash’arites qui critiquent la position de l’imâm Shâfi’î, bien qu’il essaie en même temps d’arrondir les angles et de conjuguer entre les deux tendances. Selon lui, il est élémentaire qu’une chose composée perde son identité en perdant l’un de ses éléments. Si les actes faisaient réellement partie intégrante de la foi, en déduit-il, en manquant en partie, ils la feraient purement et simplement disparaitre. Puis, il revient à la charge sur ce qu’il croit être une contradiction chez Shâfi’î à qui il oppose les mu’tazilites bien plus cohérents à ses yeux. Ensuite, il cherche à orienter les paroles de l’imâm en supposant qu’il devrait considérer les actes comme les fruits et les effets de la foi. De cette façon, il serait possible de les intégrer à son entité, mais uniquement de façon imagée. Pour illustrer son propos, il compare la foi à un arbre, qui, même ayant perdu ses branches – les actes – garde toujours son nom d’arbre.[5]


Ainsi, les murjites ont du mal à se représenter la tendance des traditionalistes sur la conception de la foi faisant entrer les actes dans sa définition, mais tout en acceptant qu’elle soit encore présente en en perdant quelques-uns ; le problème, c’est qu’ils ne se mettent pas en tête que les actes n’ont pas tous le même statut : nécessaires (pilier), obligatoires, recommandés. Il incombe donc de distinguer entre les éléments qui, de par leur absence, font disparaitre la foi et ceux qui la font simplement diminuer


Ibn Taïmiya part dans un long développement qui nous apprend en substance qu’une entité quelconque, qu’elle soit abstraite ou concrète, ne perd pas forcément sa réalité en perdant certains de ses éléments ; de la même manière qu’en perdant certains de ses éléments assemblés, cela n’implique pas forcément de perdre tous les autres. Prenons l’exemple des rituels (prière, pèlerinage, etc.), il ne viendrait à l’esprit d’aucun homme sensé de dire qu’en négligeant certaines de leurs pratiques, ils gardent la même valeur. C’est la même chose pour un arbre, une maison, un homme, un animal qui, avec des éléments en moins, ne seront pas identiques à avant…


Néanmoins, il est légitime de se demander si, avec des éléments en moins, ces entités gardent leur nom ou non. En fait, il existe deux sortes d’entités composées ; celles qui doivent leur nom à la composition de tous leurs éléments réunis, et qui sont donc une condition (shart) pour pouvoir l’appeler ainsi ; et celles qui n’imposent pas cette condition. Le nombre dix et la boisson sakanjabîn relèvent de la première sorte, et dans l’autre nous avons les entités composées d’éléments semblables ou de même nature, mais pas seulement. Beaucoup d’entités aux éléments dissemblables jouissent également de cette caractéristique (garder leur nom après avoir enlevé certains de leurs éléments). C’est le cas des poids et mesures comme le blé, le sable, l’eau, etc. peu importe qu’ils soient en grande ou en petite quantité, ils gardent toujours leur nom.


C’est le cas également pour les entités abstraites comme les rituels, la charité, le savoir, la bienfaisance, les prières (invocations, évocation d’Allah), etc. Une montagne reste une montagne, même après avoir été diminuée en grande partie. Même chose pour une mer, un fleuve, une ville, un village, une maison, une mosquée, et… un arbre. En perdant certaines de ses branches, il reste toujours un arbre. Un homme, même amputé d’un membre, reste un homme. S’il s’appelle Zaïd, il gardera son nom après l’amputation.


Ainsi, il est faux de dire dans l’absolu qu’une entité disparait complètement, en perdant certains de ses éléments. Surtout si l’on sait qu’il existe plus d’entités de la seconde sorte que de la première.


Il va sans dire que la foi relève de cette seconde sorte, conformément au hadîth : « La foi est composée de plus de soixante-dix branches – ou selon une version : plus de soixante branches –. La plus haute est l’attestation qu’il n’y a d’autre dieu [digne d’être adorée] en dehors d’Allah, et la plus basse est d’enlever une entrave de la route ; la pudeur étant une branche de la foi »[6] Sans enlever les entraves de la route, on reste croyant !


Le hadîth suivant, comme nous l’avons expliqué plus haut, dit exactement la même chose : « Le jour de la résurrection, Allah (I) dira : Sortez de l’Enfer quiconque décèle dans son cœur la foi la plus infime (mot-à-mot : ne serait-ce que l’équivalent d’un grain de moutarde ndt.). »[7] Il nous apprend, contrairement au crédo des sectateurs, que la foi est divisible et partageable, et qu’en en ayant perdu une grande partie, on reste croyant.


La foi est du même ordre que la prière, le pèlerinage, le Coran.


La négligence de certains parties du pèlerinage ou de la prière diminue sa réalisation parfaite imposée (kamâl el wâjib), et pour d’autres, elle diminue sa réalisation parfaite recommandée (kamâl el mustahab) tout en restant valable (ma’a e-sihha).[8]


Certaines de ces parties sont une condition (shart) par rapport à d’autres parties (ex. : croire à tout le Coran non en partie est une condition de la foi), mais ce n’est pas le cas pour toutes. Certaines ne font que diminuer le pèlerinage, comme nous l’avons vu avec le kamâl el wâjib (le jet de pierre et la nuit à Mina) ou le kamâl el mustahab (trottiner et se découvrir l’épaule pendant le tawâf), sans l’annuler entièrement.[9]


Ibn Taïmiya explique à ce sujet : « La foi est composée d’une essence nécessaire à sa présence, d’éléments obligatoires qui entrainent la punition en cas de diminution et d’absence, et d’éléments recommandés qui font parvenir aux hauts degrés. Par rapport à ces niveaux, trois catégories d’individus vont se dégager : les pervers injustes envers eux-mêmes, les modérés, et les vertueux devanciers. Celle-ci est comparable aux entités concrètes et abstraites (le pèlerinage, un corps, une mosquée, etc.). Certaines de ses parties manquantes font diminuées sa plénitude on son excellence, d’autres diminuent sa perfection (négliger les obligations et enfreindre les interdictions), et d’autres enfin entament son pilier (la croyance et la parole). »[10]


Les kharijites et les mu’tazilites ont raison d’intégrer les actes dans la définition de la foi, mais ils se démarquent des traditionalistes en faisant sortir de la religion l’auteur des grands péchés. En parallèle, les murjites et les jahmites ont raison de ne pas le faire sortir de la religion, mais ils se démarquent des traditionalistes en lui concédant une foi parfaite et en faisant sortir les actes de la définition de la foi. Tous se basent sur le même principe, bien que leur conclusion soit différente, et qui est que la foi est une et indivisible. Les traditionalistes intègrent les actes dans la définition de la foi. S’ils ne font pas sortir l’auteur des grands péchés de la religion, ils ne lui accordent pas non plus une foi parfaite, mais faible.


16- Les ash’arites ont voulu conjuguer entre le crédo des traditionalistes et celui des jahmites, mu’tazilites dans le domaine des Noms et des Attributs divins


Ibn Taïmiya classe les négateurs en trois catégories en fonction de leur degré de négation :
  • Il y a tout d’abord les jahmites ultras qui renient tous les Noms et Attributs,
  • Ensuite, nous avons à un degré moindre les mu’tazilites, qui, reconnaissent les Noms dans l’ensemble, mais qui renient tous les Attributs.
  • Nous avons enfin les sifâtiya qui, bien qu’ils soient les opposants des jahmites, ils reçurent leur influence ; ils reconnaissent dans l’ensemble les Noms et Attributs, tout en reniant, entre autres, les Attributs volontaires, à l’image des ash’arites.[11]


Les mou’tazilites sont les travestis des jahmites et les ash’arites sont les travestis des mou’tazilites. Yahya ibn ‘Ammâr disait : « Les jahmites sont les mâles et les ash’arites sont les femelles. »[12] Son élève Abû Ismâ’îl el Ansârî reprendra la formule. Les anciens faisaient entrer les négateurs en tout genre sous la détermination de jahmites. Par la suite, nombreux sont ceux qui pensaient que l’Imâm Ahmed avait pour détracteurs lors de sa cabale, uniquement des mou’tazilites, ce qui est faux (Bishr el Mirrîsî et Ahmed ibn Abî Duâd n’en faisaient nullement partie sic). Il fallait compter à leur côté, en plus des jahmites purs, les najjâriya, et les dharrâriya. Leur point commun était de contester le caractère incréé du Coran.[13]


Ainsi, notre relation sera plus délicate avec les ash’arites qu’avec les jahmites, étant donné qu’ils introduisent beaucoup de vérités empruntées aux traditionalistes dans leur crédo. Nous disons la même chose avec les néo-ash’arites qui ont voulu conjugué entre les crédos murjite et traditionaliste dans le domaine de la foi, étant donné que, de toute façon, le leader fondateur a adopté les deux opinions. Ainsi, en quelque sorte, quoi que ses adeptes puissent choisir, ils restent fidèles à ses enseignements. Nous ne devons pas les traiter comme si nous avions à faire à des murjites purs, mais comme des murjites travestis (je ne dis pas qu’il ne faut pas être plus durs avec eux – c’est en regard des avantages escomptés que nous jugerons la chose –, mais qu’il faut simplement être plus minutieux, nuance). En cela, il ne faut pas rejeter la part de vérité que certains d’entre eux ont adoptés, sous prétexte qu’ils seraient ash’arites, mais il faut privilégier le détail, et rendre à César… à la manière d’ibn Taïmiya.


L’une des méthodes à utiliser est de les placer face à leurs contradictions, sans tout rejeter en bloc ; et distinguer ce qui relève dans leur discours entre le vrai et le faux, entre les erreurs de forme et les erreurs de fond, mais également distinguer entre eux et certains traditionalistes qui, dans la forme, diraient la même chose ; ce qui est normal, si l’on sait que de nombreuses divergences avec les murjites sont plus sur la forme que sur le fond, comme l’explique ibn Taïmiya, notamment avec les muriya el fuqaha.[14] Il est donc ridicule de reprocher à un traditionaliste de s’accorder avec les murjites, et pire, avec les ash’arites, mutakallimîns sur un point du crédo qui ne leur est pas caractéristiques dans le domaine de la foi, et que, mieux, ils ont empruntés aux traditionalistes ! De toute évidence, comme le souligne ibn Taïmiya, un sectateur ne peut appeler à des idées complètement erronées, ne serait-ce que par peur de se faire dévoiler, et de signer ainsi son propre suicide, alors que dire quand il veut échapper à la vindicte des traditionalistes et des tendances hérétiques rivales, comme les mu’tazilites, ou qu’il veut maquiller ses incohérences, car trop flagrantes, en affichant son assentiment au dogme officiel ! Enfin, les adeptes d’une même secte n’ont pas une pensée uniforme, et ils n’ont pas tous le même degré d’égarement.
Il faut tenir compte notamment de l’évolution de la pensée au sein de la secte, mais aussi de l’influence de son environnement. Tous ses facteurs spatio-temporels seront mis sur la balance, sinon on va droit vers des conclusions biaisées…


À suivre…





[1] Rapporté par el Bukhârî (6560), et Muslim (184), selon Abû Sa’îd el Khudrî (t).

[2] Majmû’ el fatâwâ (7/510-511).

[3] Majmû’ el fatâwâ (7/511).

[4] Usûl e-dîn de Râzî (p. 128-129).

[5] Manâqib el Imâm e-Shâfi’î de Râzî (p. 146-147).

[6] Rapporté par el Bukhârî (9), et Muslim (35), selon Abû Huraïra (t).

[7] Rapporté par el Bukhârî (6560), et Muslim (184), selon Abû Sa’îd el Khudrî (t).

[8] Majmû’ el fatâwâ (7/514-518).

[9] Majmû’ el fatâwâ (7/517-518, 520).

[10] Majmû’ el fatâwâ (7/637).

[11] Voir : el fatâwâ el kubrâ 5/48-51

[12] Majmû’ el fatâwâ (6/359).

[13] Majmû’ el fatâwâ (14/349-352).

[14] Voir : http://mizab.over-blog.com/2015/01/l...-partie-1.html
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