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ÞÏíã 03 Jan 2015, 05:37 PM
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Ibn le Qaïyim et le hukm bi ghaïr mâ anzala Allah
(Partie 5)


4- Pour revenir à l’annale d’ibn Mas’ûd, sachons qu’à l’unanimité des savants, selon certains auteurs, la corruption (rushwa) dans le hukm relève des grands péchés.[1] El Qurtubî explique que ce sont les kharijites qui kaffar les musulmans n’appliquant pas les Lois d’Allah pour des pots de vins.[2] Un autre consensus établit que l’injustice des gouverneurs relève également des grands péchés, comme le soulignent ibn ‘Abd el Barr[3] et el Qurtubî.[4] Ibn Taïmiya considère notamment la corruption dans le hukm, le hukm bi ghaïr mâ anzala Allah, et l’injustice envers le peuple comme des péchés.[5]


D’ailleurs, l’autre annale d’ibn Mas’ûd parle de l’istihlâl, comme nous l’avons vu, ou l’art de retourner son argument contre soi.[6] Il s’agit donc de la corruption dans le hukm fait avec… istihlâl, non dans l’absolu ! Et c’est à la lumière de celle-ci qu’il incombe d’orienter ses paroles. Et quand bien même cette annale ne serait pas authentique, nous avons vu précédemment, notamment avec les paroles de Safar el Hawâlî, qu’il n’existe aucune divergence entre les Compagnons sur cette interprétation.


C’est ce qui nous oblige obligatoirement à orienter les paroles de l’Imam Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb disant : « Il existe de nombreux tawâghît ; ceux qui nous intéressent ici sont au nombre de cinq, avec à leur tête : Satan, le sultan tyran, celui qui mange la corruption, celui qui reçoit l’adoration sous son consentement, et celui qui fait des œuvres sans n’avoir de science. »[7]


Sulaïmân ibn Sahmân explique en effet : « C’est-à-dire : celui qui autorise moralement à ne pas appliquer les Lois d’Allah et qui préfèrent la loi du tâghût à celle d’Allah… celui qui a cette croyance est un mécréant. En revanche, celui qui ne l’autorise pas moralement, qui considère que la loi du tâghût est complètement fausse, et que la Loi d’Allah et de Son Messager incarne la vérité, n’est pas un mécréant et ne sort pas de l’Islam. »[8] Wa Allah a’lam !


5- Il est complètement en phase avec le passage d’ibn el Qaïyim que nous avons vu plus haut : « Or, en réalité, le hukm bi ghaïr mâ anzala Allah englobe les deux formes de mécréance : majeure et mineure. C’est en fonction de la situation du fautif (hâkim) ; si ce dernier est convaincu qu’il incombe d’appliquer la Loi d’Allah pour ce cas en particulier, mais l’ayant délaissé par désobéissance, tout en reconnaissant qu’il mérite d’être châtié, dans ce cas c’est de la mécréance mineure.
Néanmoins, s’il est convaincu qu’il n’est pas obligé de l’appliquer, et que la chose est laissé à son initiative, tout en ayant conscience qu’elle est bien d’Allah ; dans ce cas, c’est de la mécréance majeure. »[9]


*6- C’est exactement l’exégèse que retient ibn Jarîr e-Tabarî qui explique dans son tafsîr : « L’opinion la plus proche de la vérité d’après moi, est celle selon laquelle ces versets sont descendus à l’attention des « gens du Livre » infidèles, étant donné que les versets venant avant et après sont tous révélés à leur attention et ceux-ci les concernent. Dans la mesure où le contexte parle d’eux, les Versets en questions ne peuvent que les concerner.
S’il est dit : Allah (U) informe indistinctement que cela touche toute personne qui n’applique pas les lois d’Allah. Comment pouvez-vous dès lors restreindre la chose ?
Nous disons : ce verset concerne indistinctement les membres d’un peuple qui renient les lois d’Allah. Leur statut de mécréant s’applique donc dans la situation où ils ne veulent pas appliquer les lois d’Allah pour les avoir reniées. Cela est valable pour toute personne qui n’applique pas les lois divines en les reniant (juhûd) ; nous la considérons mécréante de la même façon qu’ibn ‘Abbâs. »[10]


C’est exégèse est conforme à l’autre opinion d’ibn ‘Abbâs disant : « En reniant ce qu’Allah a révélé, on devient mécréant, et en le reconnaissant, mais sans l’appliquer, on devient un injuste et un pervers. »[11]


7- Ainsi, s’il existe une divergence sur l’interprétation du v. 44 de la s. el mâida, elle tourne malgré tout autour de deux grands pôles sur lesquels il règne un consensus :
1°) les grands péchés, dont fait partie le hukm bi ghaïr mâ anzala, ne font pas sortir de la religion, sauf :
2°) lorsqu’ils sont fait avec istihlâl. Et, si on aborde le sujet sous cet angle-là, il n’y a donc aucune divergence entre Compagnons sur la chose, ou comment jeter un pavé dans la mare !


Plusieurs savants ramènent l’un ou l’autre consensus, en voici une liste non exhaustive :


• Ibn ‘Abd el Barr : « À l’unanimité des savants, la tyrannie des sultans relève des grands péchés, pour ceux qui les font volontairement et en toute connaissance de cause… »[12]


• El Qurtubî : « Là où nous voulons en venir dans cette analyse, c’est que ces Versets s’adressent aux mécréants et aux négateurs. Bien qu’ils aient un sens général, les musulmans n’en sont donc pas concernés. Délaisser (tark) la Loi d’Allah tout en donnant foi à son origine est moins grave que le shirk (association), en sachant qu’Allah (I) révèle : [Allah ne pardonne pas qu’on Lui associe quoi que ce soit, mais il pardonne les péchés moindres à qui Il veut].[13] Ainsi, délaisser le hukm de cette manière est un péché moindre que le shirk à l’unanimité des savants. Il est donc pardonnable, alors que le kufr est impardonnable. Ainsi, délaisser l’application du hukm n’est pas du kufr. »[14] Il explique la page juste avant que ce sont les kharijites qui prennent ce Verset au premier degré.


Ibn Taïmiya : « Il est connu de façon élémentaire à l’unanimité des musulmans que celui qui permet (sawwa’a) de suivre une autre religion que l’Islam est un mécréant, au même titre que celui qui ne croit au Livre qu’en partie. »[15]


« À partir du moment où quelqu’un autorise une loi qui est illicite à l’unanimité des savants, ou bien qui interdit une loi considérée licite à l’unanimité des savants, ou encore qui remplace une loi (tabdîl e-shar’) qui est frappée également d’un consensus est un mécréant apostat à l’unanimité des légistes. C’est pour ce cas que, selon l’une des opinions, le Verset fut révélé : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants].[16] Cela, étant donné qu’il autorise moralement (istahalla) à ne pas appliquer les lois d’Allah. »[17]


Dans un autre passage, il souligne : « C’est la raison pour laquelle, selon les savants, celui qui désobéit à Allah par orgueil, comme Iblis est un mécréant, à l’unanimité. Et celui qui Lui désobéit en ayant succombé à ses passions ne devient pas mécréant pour les traditionalistes. Ce sont les kharijites qui considèrent qu’il est mécréant. Le désobéissant orgueilleux qui reconnait (tasdîq) qu’Allah est Son Seigneur, mais qui ensuite, s’obstine et s’oppose à lui, il remet littéralement en cause son tasdîq.
En explication à cela, nous disons que celui qui commet des péchés tout en les autorisant moralement (mustahill) est un mécréant à l’unanimité. Celui qui autorise moralement les interdictions venues dans le Coran ne peut prétendre à la foi. »[18]


Il dit également : « Nul doute que quiconque n’est pas convaincu qu’il incombe d’appliquer les Lois qu’Allah a révélées à Son Messager est un mécréant. Quiconque autorise moralement (istahalla) à régner sur les hommes selon ce qu’il croit être juste, sans se conformer aux Lois d’Allah est un mécréant. »[19]


• C’est dans ce sens-là qu’il incombe d’orienter les paroles de Madârij e-sâlikîn citées plus haut ! « Là où nous voulons en venir, c’est que tous les péchés relèvent du domaine de la mécréance mineure. »


• Ibn Kathîr, même si son passage mérite de plus amples explications : « Tout ceci va à l’encontre des Législations révélées par Allah à Ses serviteurs, les prophètes – que Ses Prières et Son Salut soient sur eux –. Quiconque délaisse la Loi formelle qu’Allah a révélée à Mohammed ibn ‘Abd Allah, le sceau des prophètes, et qui en applique une autre parmi celles qui furent abrogées devient mécréant. Que dire alors de celui qui se soumet à la loi du Yâsiq, et qui la préfère à celle-ci ? Un tel individu devient mécréant à l’unanimité des savants. »[20]


En admettant qu’ibn Kathîr ne veuille pas nous dire cela, alors nous donnons la même réponse que donna ibn Bâz à Salmân el ‘Awda et consorts à son sujet. Ibn Kathîr n’est pas infaillible. Il prononça la même réponse au sujet de son propre Sheïkh Mohammed ibn Ibrahim, comme nous l’avons vu plus haut. Il nous disait en effet que, comme tous les savants, son Sheïkh n’était pas infaillible, et qu’il incombait de soumettre ses opinions aux textes.[21]


Mohammed Rashîd Ridhâ : « Beaucoup de musulmans ont innové des lois et des règlements, à la manière des générations anciennes. En se tournant vers ces législations, ils ont dû délaisser une partie des Lois qu’Allah leur a révélées. Ceux qui délaissent les Lois que le Coran renferme, sans n’être motivé par la moindre interprétation, mais en étant convaincu par la véracité de leur action, sont concernés par les trois Versets en question, ou ne serait-ce qu’en partie. Cela dépend des cas.


Se détourner (a’radha) de la Loi prévue pour le vol, la diffamation, ou l’adultère, car au lieu de s’y soumettre, on les trouve abjectes ; et dans la mesure où on donne la préférence aux réglementations humaines, cela relève de la mécréance (kâfir) sans le moindre doute.


En revanche, en délaissant les Lois d’Allah pour une autre raison, on devient un injuste (zhâlim), dans la situation où on lèse un ayant droit, ou en manquant d’impartialité et d’équité. Sinon, on est un simple pervers (fâsiq).


Nous voyons en parallèle que beaucoup de musulmans religieux considèrent les juges des tribunaux civils, qui s’inspirent du droit séculier, comme des mécréants. Ces derniers prennent au sens littéral le Verset : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants].[22] Cela implique de vouer à la mécréance le juge qui se réfère au qânûn, les émirs et les sultans, qui eux, ont instauré (ou forgés) ces codes. Bien qu’ils n’aient pas été dictés sous leur connaissance, ils ont reçu leur aval pour être mis en vigueur au niveau du pays. En outre, ce sont eux qui nomment les juges dans le but de les faire appliquer.


Or, aucune grande référence notoire en figh n’a pris ce Verset au sens littéral. Je dirais même que personne ne l’a jamais fait. (sic) »[23]


Cette dernière phrase pose problème. L’auteur veut certainement dire que même les kharijites ne peuvent pas prendre ce Verset au « premier degré ». Cela imposerait en effet que les petits péchés fassent tout autant sortir de la religion. Ce qu’ils ne disent pas, wa Allah a’lam ! Or, selon ibn ‘Abd el Barr : « Certains innovateurs parmi les kharijites et les mu’atazilites se sont égarés dans ce domaine. Ils se sont inspirés de certains Versets du Livre d’Allah qu’il ne faut pas prendre au sens littéral. Des Versets comme : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants].[24] »[25]


• C’est de ce consensus dont il s’agit dans la fatwâ d’ibn Bâz citée plus haut, et que je reproduis ici : « Est-il vrai que Mohammed ibn Ibrahim voyaient le takfir des hukkâms, sans faire de détails ?
  • Il voyait le takfîr de tous ceux qui autorisent moralement à ne pas appliquer la Loi d’Allah. ils sont en effet des mécréants. Cette opinion est celle de tous les savants sans exception et disant que ceux qui autorisent moralement à ne pas appliquer la Loi d’Allah sont des mécréants ; et que ceux qui le font en étant motivés par les passions ou pour toute autre raison, sans l’autoriser moralement, dans ce cas, il s’agit du kufr dûn kufr. »[26]


Anecdote


Un jour, un homme parmi les kharijites entra chez el Ma-mûn qui l’interrogea : « Qu’est-ce qui t’a poussé à t’opposer à nous ?
  • Un Verset dans le Livre d’Allah.
  • Lequel ?
  • [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants].[27]
  • Es-tu sûr qu’il fut révélé ?
  • Oui.
  • Quelle en est ta preuve ?
  • Le consensus de la communauté.
  • Hé bien, si tu acceptes le consensus sur sa révélation, alors accepte-le sur son interprétation.
  • Tu as raison ! E-salâm ‘alaïka ô Prince des croyants ! »[28]


À suivre…







[1] Voir : http://mizab.over-blog.com/article-l...-66690027.html
http://mizab.over-blog.com/article-l...-66690135.html

[2] Jâmi’ li ahkâm el Qur-ân (6/191).

[3] E-tamhîd (5/74-75).

[4] El mufhim (5/117). D’autres savants rappellent que cette compréhension erronée du Verset est celle des kharijites, comme el Ajurrî dans e-sharî’a (p. 27), el Jassâs dans ahkâm el Qur-ân (2/534), et Abû Hayyân dans el bahr el muhît (3/493).

[5] Majmû’ el fatâwâ (28/343).

[6] Voir : jâmi’ li ahkâm el Qur-ân d’el Qurtubî (6/190).

[7] E-durar e-saniya (1/137).

[8] Voir : ‘uyûn e-rasâil (2/603).

[9]Madârij e-sâlikîn (1/335-337).

[10] jâmi’ el bayân (10/358).

[11] Elle est rapporté par e-Tabarî dans jâmi’ el bayân (6/166), et ibn Abî Hâtim dans son tafsîr (4/1142/6426, et 4/1146/6450), selon el Muthanna ibn Ibrâhîm el Âmilî et Abû Hâtim e-Râzî, tous deux selon ‘Abd Allah ibn Sâlih, selon Mu’âwiya ibn Sâlih, selon Alî ibn Abî Talha, selon ibn ‘Abbâs. Sheïkh el Albânî a authentifié la version où il parle de juhûd dans silsilat el ahâdith e-sahîha (6/114).

[12] E-tamhîd (5/74-75).

[13] Les femmes ; 116

[14] El mufhim (5/118).

[15] Idem.

[16] Le repas céleste ; 44

[17] Majmû’ el fatâwâ (3/267).

[18] E-sârim el maslûl (2/971).

[19] Manhaj e-sunna e-nabawiya (5/130).

[20] El bidâya wa e-nihâya (13/128). Le consensus d’ibn Kathîr porte également sur l’istibdâl, qui est encore autre chose que le tabdîl. Il s’agit pour l’istibdâl de changer toute la religion, et de transformer en premier lieu le tawhîd en shirk, comme le souligne ’Abd el ‘Azîz ibn Yahyâ el Kinânî, comme nous l’avons vu plus haut.

[21] majallat el furqân n° 82.

[22] Le repas céleste ; 44

[23] Tafsîr el manâr (6/405-406).

[24] Le repas céleste ; 44

[25] E-tamhîd (17/16).

[26] Majmû’ el fatâwâ wa el maqâlât (28/271).

[27] Le repas céleste ; 44

[28] Rapporté par el Khatîb el Baghdâdî dans târîgh Baghdâd (10/186).

ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ