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ÞÏíã 30 Jan 2015, 06:35 PM
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L’origine et l’évolution sémantique de l’expression shart kamâl
(Partie 2)


5- Quoi qu’il soit possible d’orienter dans le bon sens les intentions d’ibn Hajar quand ce dernier utilise l’expression shart kamâl. En voici la démonstration :


• Déjà, reprenons les choses depuis le début en citant le passage controversé dont il est l’auteur et qui parle de la définition de la foi : « Pour les anciens, celle-ci est composée de la croyance du cœur, de la prononciation verbale, et des actes des membres. Ils veulent dire que les actes sont une condition de perfection de la foi. À partir de là, ils mirent en place le crédo selon lequel la foi monte et descend, comme nous allons le voir.
Les murjites la confinent dans la croyance et la prononciation verbale, tandis que les karrâmites l’enferment uniquement dans la prononciation verbale.
Pour les mu’tazilites, elle est également composée de la croyance, de la parole et des actes, à la différence avec les traditionalistes où, à leurs yeux, les actes sont une condition de validité. Alors que, comme nous l’avons vu, pour les anciens, ils sont une condition de perfection. »[1]


Sheïkh Sâlih Âl e-Sheïkh insiste sur le fait que les actes sont un pilier dans la définition de la foi, et qu’ils en font partie intégrante. Puis, il explique qu’il parle des actes en tant qu’ensemble (jins el ‘amal), non en tant qu’unité (ahâd el a’mâl).[2] Si on applique ce principe au passage de Fath el Bârî ci-dessus, nous nous rendons compte que c’est exactement ce qu’affirme ‘Alî e-Shibl, même s’il ne concède pas vraiment la chose à ibn Hajar.[3] Nous pouvons dire la même chose de ‘Alawî Saqqâf qui ne concède pas non plus qu’ibn Hajar fasse allusion à ahâd el a’mâl.[4] Tous en tout cas prône le détail pour distinguer le vrai du faux dans cette expression, et c’est ce qu’à fait Sheïkh ‘Abd e-Rahmân el Barrâk à travers un long exposé dont nous reproduisons les passages qui nous intéressent au vue de leur importante (les titres sont du traducteur pour aider à la compréhension) :


Est-ce que l’ensemble des actes (jins el ‘amal) est une condition de validité de la foi (shart sihha) ou bien une condition de perfection (shart kamâl) ?


En réponse, nous disons qu’il incombe, pour mieux se le représenter, d’exposer le problème en détail ; problème qui touche à un point du dogme d’une extrême importance. Il prend ses racines chez certains savants des générations récentes, comme le souligne el Hâfizh ibn Hajar avec des explications qu’il a peut-être empruntées à un autre auteur. Quand on parle des actes dans l’absolu ou dans l’ensemble (jins el ‘amal), ils ne font pas allusion à une pratique en particulier. Si on les considère comme une condition de validité de la foi (shart sihha), cela signifie qu’il ne peut y avoir de foi sans les actes ; et si on les considère comme une condition de perfection (shart kamâl), cela veut dire qu’il peut y avoir une foi sans actes, bien que faible. En d’autres termes, sans actes, la foi est-elle faible ou bien inexistante ?


(…)


Si tout cela est clair, on comprendra qu’il ne convient pas dans l’absolu de dire que les actes sont soit shart sihha soit shart kamâl dans la foi, mais le détail s’impose. Les actes, en effet, comme nous venons de le voir, englobe les actes du cœur et les actes du corps, comme ils englobent les actions (fi’l) et les non-actions (tark). Ils englobent les obligations (croire aux six fondements de la foi, la prière, etc.) et les interdictions (l’association, et les péchés). Selon les spécialistes en usûl, un shart est une action, une situation, un fait qui dépend d’un autre fait et qui est donc extérieur à lui ; l’absence de l’un implique l’absence de l’autre, mais n’implique pas forcément sa présence. [Ex. : l’ablution est une condition de la prière. Sans ablution, la prière n’est pas valable, mais ce n’est pas parce qu’on a les ablutions qu’on a forcément prié ndt.]


Le statut des actes extérieurs


Or, il n’existe pas qu’une sorte d’actes au niveau du cœur et des actes. Les actes extérieurs ont différentes formes et différents statuts : les cinq piliers de l’Islam n’ont pas le même statut que le djihâd. Il est donc faux de dire, de ce point de vue, que les actes sont une condition de validité de la foi, comme il est faux de dire qu’ils sont une condition de perfection. Il est plus juste de dire que certains actes relèvent de la première catégorie et que d’autres relèvent de la seconde.


Ce qui relève du shart sihha


S’abstenir de commettre l’association ou mécréance majeure entre dans le shart sihha, dans le sens où la foi s’oppose littéralement à l’impiété et l’apostasie. L’attestation de foi est de ce domaine, car il ne sert à rien de croire sans l’exprimer par la langue. Contrairement aux allégations des jahmites ultra qui confinent la foi dans la connaissance intérieure et qui ne réclame pas forcément d’être exprimée verbalement. Ces derniers s’imaginent tout à fait un musulman qui ne prononce pas sciemment l’attestation de foi. Il suffit, à leurs yeux, de croire à l’existence de Dieu pour devenir croyant.


La soumission du cœur, qui est un acte, un acte intérieur plus exactement comme nous l’avons vu, est de ce registre. Le tasdîq n’est pas suffisant pour prétendre à la foi, sans fournir l’inqiyâd. Il ne suffit pas non plus de reconnaitre (dans le sens de tasdîq) avec la langue que l’Islam est la vérité, mais il incombe d’y adhérer (dans le sens d’iqrâr) verbalement à travers l’attestation de foi. Cette attestation concrétise la soumission du cœur, contrairement aux Juifs et aux chrétiens qui savent très bien, aux dires du Coran, que Mohammed n’est pas un imposteur, mais ils refusent de se soumettre à son message. Cette obstination nait souvent de l’orgueil. On le voit bien avec certains intellectuels occidentaux comme les orientalistes et islamologues. Ces derniers sont trop attachés à leurs valeurs, et prennent les musulmans de haut. C'est pourquoi ils ne peuvent franchir le pas, car cela leur demanderait un trop grand sacrifice.
Ainsi, il n’est pas tout à fait juste de dire que les actes sont à mettre au compte du shart sihha ou shart kamâl. Dans les deux cas, le détail s’impose. Il incombe d’être précis dans ce genre de choses. Le vocable « acte » renvoie aux actes du cœur et aux actes corporels, comme il renvoie aux actions et aux non-actions.


Renoncer à l’association et la mécréance majeure est de l’ordre du shart sihha, mais renoncer aux autres péchés relève du shart kamâl. L’association s’oppose littéralement à la foi et les péchés affaiblissent la foi parfaite imposée (kamâl el imân el wâjib), en sachant que la foi parfaite dans l’absolu comprend les actes imposés et les actes recommandés. Néanmoins, ce point concerne uniquement la foi parfaite imposée non la foi parfaite recommandée.


Les actes du cœur (adhésion, soumission, amour, peur, espoir, etc.) relèvent également du shart sihha, comme nous l’avons vu, au même titre que la reconnaissance verbale.


La divergence sur les quatre autres piliers de l’Islam


Néanmoins, les quatre autres piliers de l’Islam sont sujets à divergence entre les traditionalistes pour qui ils jonglent entre shart sihha et shart kamâl. Ils ne sont pas d’accord sur le statut de leur abandon (tark), ou de l’abandon de l’un d’entre eux, surtout de la prière. Si pour certains, le second pilier de l’Islam est un shart sihha, pour d’autres, il ne dépasse pas le statut de shart kamâl. Pour la majorité des savants, il relève du shart kamâl au même titre que les autres piliers. L’essentiel est d’adhérer avec le cœur à leur aspect obligatoire, quand bien même on les délaisserait dans les actes (tark ‘amalî). Les annales imputent plusieurs tendances à l’Imâm Ahmed sur l’abandon tout en partie de ces piliers. Néanmoins, la plus connue étant celle qui rejoint la grande majorité des savants et qui considère toujours croyant un fautif éventuel.


Au demeurant, la divergence sur l’abandon de la prière, qui est la plus notoire, est très forte. Il existe des textes très explicites sur le sujet. Certains vont jusqu’à imputer la tendance qui le fait sortir de l’Islam à l’unanimité des Compagnons. Le reste des obligations religieuses ne posent pas problème. Tous les savants s’accordent à dire que, ne dépassant pas le statut de simple péché, ils relèvent du shart kamâl. Seuls les kharijites se particularisent pour rendre apostats les auteurs des « grands » péchés (meurtre, adultère, boisson enivrante, usure, etc.).


Que signifie le terme shart ?


Les péchés sont également de deux sortes : enfreindre une interdiction ou ne pas faire une obligation. Dans les deux cas, on parle de shart kamâl, en sachant que le terme shart est à prendre au sens large. Autrement dit, toute action dont la concrétisation dépend d’une autre action indépendamment de savoir si elle lui est intrinsèque (intérieure) ou extrinsèque (extérieur). Il faut comprendre que quand les spécialistes en ‘aqida parlent de shart dans les questions de l’îmân, ils font allusion à l’une de ses parties intégrantes, à l’inverse des spécialistes en usûl, comme nous l’avons vu (dans E-sârim el maslûl (p. 525), ibn Taïmiya dit que la parole, pour celui qui en a la capacité, est une condition de validité de la foi (shart sihha) ndt.).[5]


Exemples de shart chez les usûliyûns : les ablutions sont l’une des conditions de la prière, bien qu’elle soit extérieure à son entité. Elle est l’une des conditions de validité des rituels, mais sans en faire partie intégrante. L’intention qui est également une condition de validité des rituels s’inscrit dans le temps avant eux.


Néanmoins, le shart peut avoir un sens plus large. Par exemple, les légistes lui donnent le sens de pilier. Ex. : les piliers de la prière sont en réalité des shart, étant donné qu’elle dépend d’eux. En d’autres termes, sans eux, celle-ci n’est pas valable.


Ici, c’est exactement la même chose. Quand on dit que tel élément est un shart de la foi, que ce soit sihha ou kamâl cela ne veut pas dire qu’il n’en fait pas partie intégrante. En outre, les légistes utilisent le terme d’obligation pour désigner les éléments obligatoires de la prière qui ne relèvent pas des piliers. Ce choix n’est pas anodin, car en délaissant une obligation sans le faire express, le rituel n’est pas sanctionné d’annulation, bien qu’il ait moins de valeur.


Parler de shart kamâl pour la prière n’a aucun lien avec l’irja


Si cela est clair, il ne convient pas de taxer de murji un traditionaliste qui ne fait pas sortir de l’Islam l’abandon par fainéantise de l’un des piliers de l’Islam avec la prière à leur tête. De la même façon qu’il ne convient pas de taxer de kharijite un traditionaliste qui voit le contraire. Cette divergence est tolérée au sein d’ahl e-sunna.
Ainsi, aux yeux de certains traditionalistes, l’abandon de la prière relève du shart sihha là, où pour d’autres il a le statut de shart kamâl. Les deux opinions étaient en vogue chez les anciens. Tous s’accordent à dire que la foi est composée de quatre éléments, comme nous l’avons vu : la croyance du cœur, l’acte du cœur, la reconnaissance verbale, et les actes intérieurs et extérieurs. Ce sont les textes qui font dire à un tel et un tel que la prière est soit shart sihha soit shart kamâl, non une croyance préconçue selon laquelle les actes sont extérieurs à la foi.


Shart sihha et shart kamâl sont des terminologies nouvelles


Notons enfin qu’à ma connaissance pour reprendre les termes de Sheïkh el Barrâk, les grands Imâms de la première époque n’ont jamais eu recours à ce genre de vocabulaire (shart sihha soit shart kamâl). Les anciens se contentaient de dire que les actes faisaient partie intégrante de la foi, et s’opposaient avec force à ceux qui reniaient ce crédo. Ce n’est que récemment que certains commentateurs de hadîth ont soulevé la question de savoir si pour les murjites les actes ont un statut de shart kamâl, en se distinguant ainsi des traditionalistes pour qui il aurait un statut de shart sihha (ce point mérite de plus amples explications ndt.). Maintenant, nous savons qu’il n’est pas tout à fait juste de présenter la chose de cette façon.


À suivre…



[1] Fath el Bârî (1/46) ; Saffârînî (m. 1188 h.) reprend à son compte le premier passage d’ibn Hajar. Lawâmi’ el Anwâr (1/405) ; l’érudit ‘Alâ e-Dîn ‘Alî el Mardâwî (m. 885 h.) reproduit également ce passage dans e-tahbîr sharh e-tahrîr (2/503).
El Manâwî (m. 1031 h.) dit pour sa part : « La foi se compose de la connaissance, c’est-à-dire de la croyance du cœur, de la parole verbale, et des actes des membres – autrement dit de la reconnaissance et des actes des membres ; comprendre que les actes sont une condition de perfection de la foi, et que la reconnaissance verbale exprime la croyance intérieure.
La foi en Dieu est la somme de la reconnaissance verbale, de la croyance du cœur, et des actes corporels. Cette définition fait allusion à la foi parfaite qui rapporte la plus grande récompense. » Faïdh el Qadîr (3/185).

[2] Sharh lum’at el i’tiqâd (cass. 2 f 2) et Sharh e-tahâwiya (cass. 30 f 1).

[3] E-tanbîh ‘alâ el mukhalafât el ‘aqadiya fî Fath el Bârî (p. 28).

[4] E-tawassut wa el iqtisâd (p. 71).

[5] Un shart, c’est une condition, qui selon le vocabulaire des spécialistes en usûl el figh, est extérieur à l’entité. Pour d’autres spécialités, le shart fait partie intégrante de l’entité. Voir : kashf istilâhât el funûn d’e-Tahânuwî (2/492). Et comme c’est le cas pour les actes qui entrent dans l’entité de la foi chez les traditionalistes. Voir: tabriya el imâm el muhaddith min qawl el murjiya el muhdath de Sheïkh Ibrâhim e-Ruhaïlî.

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