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  #6  
ÞÏíã 03 Feb 2013, 04:47 PM
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La condamnation publique du gouverneur
(Partie 6)


Faire tomber le gouverneur aux yeux du peuple


Il est plus sage de sermonner discrètement et avec tact un homme important, sinon, pour imposer son pouvoir, il risque de s’entêter dans l’erreur avec plus de zèle, juste pour se venger.[1] Chacun le sent en lui-même, car quand on nous fait remarquer nos erreurs en privé, on sent la bienveillance du bon conseil fraternel, mais en public, c’est un scandale et une trahison qui nous fait sortir de nos gongs.[2] Nous devons donc être plus soucieux à ne pas heurter la sensibilité des hommes de pouvoir et à faire preuve à leur égard de compassion.


Selon ‘Âicha, le Prophète (r) a déclaré : « Ne tenez pas rigueur des erreurs venant des personnes respectées, sauf si elles réclament des peines corporelles. »[3] Il vaut mieux que le peuple ait peur du sultan que le contraire.[4]


Mu’âwiya : « Ne mettez pas le sultan en colère, car il s’énerve comme un enfant, mais attaque comme un lion.[5]


Les savants vont jusqu’à interdire de mettre en relief les défauts des anciens émirs de peur de donner des idées à leurs contemporains.[6]


Et pourtant, certains anciens étaient durs avec leurs émirs…


Ibn Muflih répond à cette objection : « Alors, certes, les anciens s’opposaient aux émirs, mais c’était uniquement dans la mesure où ces derniers gagnaient leur considération, ce qui, la plupart du temps, jouait en leur faveur quand ils les prenaient à partie. »[7]


El Awzâ’î explique pour sa part : « Celui qui témoigne d’une erreur du Sultan lors de ses assemblées, et qu’il est possible d’attendre pour lui en parler, alors qu’il attende le moment où il est seul avec lui pour lui exposer son erreur. Néanmoins, s’il n’y a pas d’autre solution que de lui parler sur le champ, alors qu’il le fasse sans attendre. »[8]


Il y a donc un intérêt supérieur à condamner l’émir en public quand le temps ne permet pas de retarder la chose à plus tard. Ce même Awzâ’î est l’auteur des paroles : « Les savants ont le devoir de condamner les innovations naissances, sinon, elles vont entrer dans l’usage (elles vont devenir des sunna ndt.) »[9]


Pour ibn el Jawzî, celui qui veut faire la morale au sultan ne doit pas sortir des limites du sermon. Safârînî a des paroles qui vont dans ce sens, et d’autres savants interdisent carrément de sortir de ce domaine.[10] Des expressions, comme « espèce de tyran » ou autre sont à bannir du vocabulaire, surtout dans la mesure où on met en péril la vie d’autrui. Néanmoins, si on est à l’abri de tout désordre et de mettre en danger sa propre vie, il devient toléré de le faire, aux yeux de la majorité des savants. Point que ne partage pas ibn el Jawzî en vue des inconvénients qu’une telle initiative engendre. Elle peut certes rapporter des avantages, mais ceux-ci sont tellement insignifiants – comparativement aux inconvénients –, qu’ils ne méritent pas qu’on y laisse sa vie. Alors, certes, les anciens affrontaient leurs émirs à la parole, mais ils pouvaient se permettre de le faire, car ils inspiraient la crainte et le respect, ce qui, la plupart du temps, jouait en leur faveur.[11]


Mode d’emploi pour ceux qui ne sont pas habilités ou capables de le faire


Ibn ‘Abd el Barr donne le mode d’emploi à ceux qui ne sont pas en mesure de reprendre les erreurs des émirs : « À défaut de pouvoir conseiller les émirs, il incombe de se retrancher dans la patience et les invocations, car les anciens interdisaient de les insulter. »[12]


Il vaut mieux avoir un mauvais sultan qu’une fitna qui traine, ou pour reprendre le dicton : « Soixante ans sous l’autorité d’un tyran valent mieux qu’une seule nuit sans sultan. » L’expérience en est le meilleur témoin.[13]


À l’époque d’Ahmed – qu’Allah lui fasse miséricorde –, le caractère créé du Coran fut imposé comme crédo officiel par les différents sultans en place. L’épreuve battait à son plein. Accompagnés d’un groupe de savants, les élèves de l’Imâm vinrent le visiter à Bagdad pour se plaindre de la situation. « Abû ‘Abd Allah, lui cria-t-on, la chose a pris de grandes proportions, et nous voulons que tu nous donnes des consignes afin que nous sortions de cette fitna. Vous devez obéir, patienter, et garder votre calme jusqu’au jour où, débarrassé de l’oppresseur, le croyant sera en paix. »


Nous sommes toujours avec l’Imam : « Gloire à Allah ! Pas de sang, pas de sang ! Je n’en veux pas et je n’appelle pas à cela ! Il vaut mieux endurer ce qui nous arrive que de sombrer dans les troubles qui laisse libre court à l’effusion de sang, le vol et le viol (l’atteinte à la vie, les richesses et l’honneur ndt.). As-tu oublié l’époque de la fitna ?
  • Mais, Abû ‘Abd Allah, nous sommes en plein dedans.
  • Si c’est le cas, celle-ci est limitée, mais avec les guerres intestines, tout le monde est touché, et les voies sont coupées (l’insécurité s’installe ndt.). Il vaut mieux pour toi de patienter et préserver ta religion. »[14]
Selon el Marwazî, Abû ‘Abd Allah interdisait de faire couler le sang et condamnait fermement les révoltes.[15] Ailleurs, Ahmed précise : « La fitna, c’est de ne pas avoir d’imam à la tête des affaires du peuple. »[16]
Pour ibn el Azraq, les savants et les pieux qui, entrainés par la ferveur populaire, se jettent dans la gueule du loup sans n’évaluer les risques sont plus condamnables qu’autre chose.[17]


Parler dans le dos du sultan est une forme d’hypocrisie


Mohammed ibn Zaïd : un groupe confia à ibn ‘Omar : « Lors des assemblées du sultan, nous tenons un langage, et quand nous sommes dehors nous en tenons un autre.
  • Avant, nous considérions cela comme de l’hypocrisie. »[18]


Abû Dardâ : « critiquer son émir et la première trace d’hypocrisie. »[19]


[Quand on leur en donne une part, ils sont contents, mais dès qu’on la leur refuse, ils se mettent en colère].[20]


D’après le recueil e-sahîh, le Prophète (r) affirme : « Il y a trois hommes à qui Allah ne parlera pas, qu’Il ne regardera pas le Jour de la Résurrection, qu’Il ne mettra pas en valeur et qui auront un châtiment terrible : un homme qui a de l’eau en abondance, mais qui refuse d’en donner aux étrangers de passage. Le jour de la Résurrection, Allah lui dira : « Aujourd’hui, Je te refuse Mes faveurs, comme tu as refusé sur terre de partager ce que tu n’as pas obtenu de tes mains. » Un homme qui fait allégeance à un Imâm sans n’être motivé par rien d’autre que par les biens de ce bas monde ; s’il lui en donne une part, il est content, mais s’il refuse de lui en donner, il se met en colère ; et un homme qui, après la prière du ‘asr jure mensongèrement en vue découler ses marchandises… »[21]


Pourquoi les anciens interdisaient-ils la compagnie des émirs ?


Outre que la tentation est trop forte de se faire grincer la patte, et que peu d’hommes y résistent, ibn ‘Abd el Barr nous offre des indices. Il explique en substance que, certes, le bon conseil envers les gouverneurs est un devoir, et cela, à l’unanimité des savants. Cependant, il existe des situations où celui-ci est improductif, surtout quand ils sélectionnent leur entourage, composés de corrompus disant oui à tous leurs caprices. Dans ce cas de figure, nos grands érudits prônent le sauf qui peut et se tiennent à l’écart au maximum.[22]


Dans la réalité, il n’est pas évident de tenir tête au premier homme du pays quand on se trouve devant lui. Un jour, quelqu’un demanda à ibn ‘Abbâs : « Ne dois-je pas aller devant ce sultan pour lui faire la morale (ordonner le bien et interdire le mal) ?
  • À condition que tu ne sois pas éprouvé !
  • Et s’il m’ordonnait de faire un péché, qu’en penses-tu ?
  • C’est ce que tu voulais, alors, dans ce cas, sois un homme. »[23]


Pour ibn Rajab, celui qui craint pour sa famille ou ses voisins doit éviter de s’aventurer dans une telle entreprise, car d’autres personnes risquent pour lui. De grandes références comme Mâlik, Ahmed, Ishâq déconseillaient de parler au Sultan si en retour on a peur pour son intégrité (coup, emprisonnement, expulsion, etc.) ou sa richesse.[24] Ibn Shubruma voyait la même chose.[25] El fudhaïl ibn ‘Iyâdh pensait également que certains téméraires endossait la responsabilité des représailles qu’encouraient les gens autour d’eux, surtout dans la mesure où leur discours ne rapporte aucun intérêt aux musulmans.[26] Sufiân, quant à lui, appréhendait qu’ils ne puissent endurer les épreuves qui les attendent en pareil cas.[27] C’est ce qui provoque des résultats inverses. Là où notre foi était censée monter, elle en prend un sacré coup. Et cela, sans parler des dégâts que nous pouvons produire autour de nous, comme nous l’avons vu.[28]


Selon un hadîth que Sheïkh el Albânî a authentifié : « Il ne convient pas au croyant de s’humilier lui-même.
  • Et comment cela, lui demanda son assemblée ?
  • En s’exposant à des épreuves qu’il ne peut endurer. »[29]


En parallèle, un autre texte prophétique nous apprend que le meilleur djihâd est de dire la vérité en face d’un tyran.[30] Le hadîth dit bien « en face », pour reprendre l’expression de Sheïkh el Fawzân, non dans son dos.[31]


Paroles de savants contemporains qui interdisent de critiquer les chefs d’État


Sheïkh ‘Abd el ‘Azîz ibn bâz – qu’Allah lui fasse miséricorde – : « Condamner publiquement et du haut du minbar les gouverneurs ne fait par partie du chemin des anciens. Une telle pratique engendre la révolte et le non-respect à l’obéissance qu’on leur doit dans les limites légitimes. Elle suscite contre le pouvoir en place un soulèvement qui ne rapporte aucun bien. Cependant, les anciens avaient recours au bon conseil qu’ils prodiguaient au sultan en privé, par courrier, ou par l’intermédiaire des savants qui se mettent directement en contact avec lui en vue de l’orienter vers le bien. »[32]


Sheïkh el ‘Uthaîmîn – qu’Allah lui fasse miséricorde – a éclairci la voie à suivre dans ce domaine en disant : « Certaines gens ont la mauvaise manie de critiquer dans leurs rencontres les responsables de l’autorité et d’entacher leur honneur. Ils se plaisent à exhiber leurs défauts et leurs erreurs en fermant l’œil sur leurs bons côtés et leurs bonnes actions. Il va sans dire que cette attitude ne fait qu’aggraver les choses ; elle ne résout rien et n’a pas pour vocation de réparer l’injustice. Au contraire, le mal prend ainsi plus d’ampleur. Envahis d’un sentiment de haine contre les autorités, les citoyens ne vont plus se soumettre à leurs devoirs vis-à-vis d’eux.
Quant à nous, nous ne doutons pas que les responsables de l’autorité puissent commettre des erreurs, ce qui est propre à l’homme. Tous les êtres humains sont soumis à l’erreur, mais les meilleurs d’entre eux sont ceux qui se repentent au Seigneur. Nul doute également qu’il nous incombe de ne pas nous taire quand une erreur est commise. Nous avons le devoir dans cette situation de prodiguer, dans la mesure du possible, le bon conseil à Allah, à Son Livre, à Son Messager, aux imams musulmans et à leurs sujets.
Ainsi, lorsque nous voyons une erreur chez les gouverneurs, nous devons nous mettre en contact avec eux soit verbalement soit par écrit en vue de les conseiller. Nous utilisons pour y parvenir le chemin le plus court en vue d’exposer la vérité et de mettre leurs erreurs en lumière. Puis, nous leur faisons la morale et leur rappelons leur devoir de prodiguer également le bon conseil à leur sujet, en tenant compte de leurs intérêts respectifs et en leur épargnant l’injustice. »([33])


Pour sa part, Sheïkh Sâlih el Fawzân – qu’Allah le préserve – nous apprend : « Parler sur les responsables de l’autorité relève de la médisance et de la calomnie. C’est l’un des plus graves péchés en dehors de l’association, surtout lorsqu’il s’agit des savants et des gouverneurs. C’est pire en raison des inconvénients énormes qui en résultent : la société se divise, la suspicion est jetée à l’encontre des représentants de l’autorité, le pessimisme et la déception s’installent dans les rangs. »([34])


Wa Allah a’lam !

































[1] E-turûq el hukmiya d’ibn el Qaïyim (p. 58).

[2] Voir : el amr bi el ma’rûf d’ibn Abî e-Duniyâ (58).

[3] Voir : silsilat el ahâdîth e-sahîha (638).

[4] Voir : Kitâb e-sultân d’ibn Qutaïba (14).

[5] Voir : taghlîq ta’lîq muntakhab hilm Mu’âwiya (34).

[6] Voir : siar a’lâm e-nubalâ de Dhahabî (21/161), et manhâj e-sunna d’ibn Taïmiya (4/475).

[7] El adâb e-shar’iya (1/197).

[8] Rapporté par Abû Bakr el Marwazî dans akhbâr e-shuyûkh wa akhlâquhum (30).

[9] Sharf ashâb el hadîth du Khatîb el Baghdâdî (p. 17).

[10] Voir : ghadhâ el albâb (1/178).

[11] Voir : ghadhâ el albâb (1/179).

[12] E-tamhîd d’ibn ‘Abd el Barr (21/287).

[13] E-siyâsa e-shar’iya d’ibn Taïmiya (p. 176).

[14] Rapporté par el Khallâl dans e-sunna (1/131).

[15] Rapporté par el Khallâl dans e-sunna (1/131).

[16] Rapporté par el Khallâl dans e-sunna (1/81).

[17] Badâi’ e-silk (1/113).

[18] Rapporté par el Bukhârî (7178).

[19] E-tamhîd d’ibn ‘Abd el Barr (21/278).

[20] Le repentir ; 58

[21] Rapporté par el Bukhârî (2369) et Muslim (108), selon Abû Huraïra (t).

[22] El istidhkâr d’ibn ‘Abd el Barr (8/579).

[23] Voir : el amr bi el ma’rûf d’ibn Abî e-Duniyâ (97).

[24] jâmi’ ‘ulûm el hikam d’ibn Rajab (p. 459).

[25] Sharh sahîh el Bukhârî d’ibn Battâl (10/54).

[26] Voir : el amr bi el ma’rûf d’ibn Abî e-Duniyâ (101).

[27] Voir : el amr bi el ma’rûf d’ibn Abî e-Duniyâ (103).

[28] Voir également : Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (14/473).

[29] Rapporté par Tirmidhî (2254) et ibn Mâja (4016), et authentifié par el Albânî dans silsilat el ahâdîth e-sahîha (613).

[30] Rapporté par ibn Mâja (4012), et authentifié par el Albânî dans silsilat el ahâdîth e-sahîha (491).

[31] El i’lâm bi kaïfiyat tansîb el imâm de Sheïkh el Fawzân.

([32]) El ma’lûm min wâjib el ‘alâqa baïna el hukkâm wa el mahkûm (p. 22).

([33]) Wujûb tâ’a e-sultân fî ghaïr ma’siya e-Rahmân d’el ‘Uraïnî (p. 23-24).

([34]) El ajwiba el mufîda ‘an as-ila el manâhij el jadîda (p. 60).

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