ÇáãæÖæÚ: Jahm ibn Safwân
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ÞÏíã 02 Jun 2013, 05:18 PM
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Jahm ibn Safwân

(Partie 5)

L’école d’Alexandrie

Grossièrement, cet héritage passera à l’école d’Alexandrie, et touchera, notamment, au début de l’Ère chrétienne, la communauté judaïque, par l’intermédiaire de son plus grand représentant, Philon. Passionné de philosophie grecque, il passera sa vie à conjuguer entre la Bible et la pensée helléniste, avec, Platon, au premier plan. Juif hellénisé, il est le premier à introduire une lecture parabolique de l’Ancien Testament. Il pensait que la Raison (comprendre la philosophie grecque) n’allait nullement à l’encontre de la religion de Moïse. Sa pensée fut révolutionnaire à plus d’un titre ; c’était la première fois notamment qu’un Israélite condescendait à sortir des enseignements de la Thora, qui incarnaient pourtant la fierté de la communauté, face aux gentils incultes, idolâtres et souvent persécuteurs.

L’autre révolution dans l’œuvre de Philon fut qu’il abandonna l’hébreu, qu’il ne maitrisait peut-être pas selon certaines sources, et coucha ses traités dans la langue de Socrate. Ses lectures paraboliques du Livre sacré renfermaient des messages ésotériques destinés aux seuls initiés. Au début, il laissait indifférents ses coreligionnaires, et mourut sans connaitre la gloire parmi les siens ; nul n’est prophète en son pays. Néanmoins, par la suite, il devint un grand centre d’attraction pour les premiers Pères de l’Église. Longtemps après, les rabbins et les docteurs de la Loi le reconnurent et lui rendirent un hommage post posthume.

Wolfson, le spécialiste du Kalâm, fut frappé par la ressemblance entre la pensée de Jahm et celle de Philon. Il en conclut, que, en utilisant les mêmes méthodes que son prédécesseur, Jahm, fut le premier à conjuguer entre la Raison grecque et la religion musulmane.[1] Entre temps, les Pères de l’Église avaient procédé au même pillage des écrits grecs qui déboucha sur la profanation en profondeur de la religion chrétienne. Profanation dont elle ne se remettra jamais. Ainsi, l’hellénisation des trois religions était en cours, et fut à son comble chez les Juifs avec Maïmonide, dans la lignée des mu’tazilites, qui soumit la Thora à la règle suivante : tout texte qui laisse à penser que Dieu a des membres ou n’importe quel attribut doit se lire nécessairement selon une lecture imagée pour échapper à tout anthropomorphisme.[2] (Voir annexe)

Inspirés par Philon, les premiers Pères de l’Eglise ont parlé du Dieu invisible comme d’un Etre incréé, anonyme, éternel, incompréhensible et immuable. Ils n’ont guère été au-delà de l’ancienne idée grecque selon laquelle l’Etre Divin existe de manière absolue et sans attributs. Et, comme le dit Seeberg: « Ils n’ont pas été au-delà du concept purement abstrait, selon lequel l’Etre Divin consiste en une existence absolue sans attributs. »

La mutation des Pères de l’Église passa par un « algérien », Augustin. Ce dernier y laissa une empreinte indélébile, jusqu’à ce que le flambeau soit repris par Thomas d’Acquin, qui, pendant tout le Moyen-âge, rendit à l’hellénisme ses lettres de noblesse en Occident. Il profita de la révolution intellectuelle du monde musulman qui bouleversa en profondeur la théologie universelle, et qui infiltra l’Europe grossièrement par deux grands fronts : l’averroïsme pour la partie occidentale en pleine gestation et l’avicennisme pour sa partie orientale en pleine déflagration.

La réconciliation entre Aristote, « le divin docteur » et la foi chrétienne passe en particulier par la tentative de résoudre les tensions entre philosophie première (selon Aristote) et théologie, autrement dit entre une métaphysique générale (philosophie première appelée plus tard ontologie, ou ontosophie) et une science de l'être par excellence (plus tard, metaphysica specialis, la théologie).

Les mots de la Confessio Belgica sont bien caractéristiques : « Nous croyons tous du cœur, et confessons de la bouche, qu’il existe un seul Etre, simple et spirituel, que nous appelons Dieu. » Confessio Belgica, art. 1.

Plus tard, philosophes et théologiens ont identifié l’essence de Dieu à l’être abstrait, la substance universelle, la pure pensée, la causalité absolue, l’amour, la personnalité et à sa sainteté majestueuse ou divine… Dieu ne possède pas de corps et donc pas d’extension spatiale…

Jean le Damascène

C’est dans ce climat, en faisant un petit flash-back, que Jean Damascène entre en scène. El ja’d aurait pris résidence à Damas près d’une Église. Certaines sources mentionnent cette proximité qui est un indice non négligeable sur la probable influence de Jean sur ce dernier.[3] Jean aurait eu plusieurs contacts avec le fameux poète chrétien, el Akhtal qui serait devenu son ami.[4] Selon certains islamologues, il aurait transmis l’héritage grec dans les rangs des musulmans.[5] Contemporain à Wâsil ibn ‘Atâ et ‘Amr ibn ‘Ubaïd, il écrivit un dialogue imaginaire entre un chrétien et un musulman en vue de réfuter l’hérésie du libre arbitre selon sa conception ; en définitive, il reprenait point par point le crédo mu’tazilite (dans le rôle du chrétien) en plein conflit avec l’orthodoxie ambiante incarnée par le traditionalisme (dans le rôle du musulman), et qu’il confond, comme beaucoup d’autres, avec le déterminisme.[6]

Il épousa les idées de Philon qu’il distilla dans la culture arabe. Cosmas, son tuteur italien, l’initia à la logique formelle qu’il maitrisait sur les doigts. Jean était une vraie encyclopédie. Il avait notamment étudié les textes scripturaires de l’Islam (Coran et hadîth) pour les réfuter selon son point de vue.

Il immortalisa son crédo par écrit, dans la lignée des néo-platoniciens, mais ce qui nous interpelle, c’est que dans un passage, il reprit le même argument que Jahm face aux chamanistes. Il dit, entre autres, je cite, que : « Dieu, il est partout, soit indistinctement dans tous les endroits. »[7] Ailleurs, tout comme Jahm, il affirme en substance qu’on ne le voit pas et qu’on ne peut le voir.[8]

Ainsi, nous pouvons, sans peur, retracer la chaine pédagogique d’ibn Safwân soit :

Jahm ibn Safwân, selon el Ja’d ibn Ibn Dirham, selon Jean Damascène, selon Cosmas qui l’emprunte à la philosophie grecque.

Cette chaine narrative ne s’oppose nullement à celle, plus connue, qui passe par Abân ibn Sam’ân, selon Tâlût, selon Labîd ibn el A’sam.[9] La raison est qu’un seul individu peut avoir plusieurs sources à la fois.

Notons, enfin, qu’à la base, comme le souligne ibn Taïmiya, les « gens du Livre, et plus particulièrement les Juifs, penchaient vers l’anthropomorphisme ; en tout cas, ils avaient une lecture littérale des textes. De fil en aiguille, ils en vinrent à renier les Attributs divins, à la manière des jahmites ; deux tendances se dégagèrent chez les adeptes de la Thora : celles des philosophes à l’image de Mûsâ ibn Maïmûn, et celle des mu’tazilites, comme Abû Ya’qûb el Basîr (Joseph ben Abraham al-Basir, auteur du Sefer HaNe'imot et du Mahkimat Peti).[10]


Le judaïsme s’est montré beaucoup plus perméable aux notions doctrinales islamiques, y compris la doctrine de l’unicité divine. C’est surtout le mu‘tazilisme qui fut adopté à des degrés divers à partir du 9e siècle, aussi bien par les penseurs rabbanites que karaïtes, et finalement apparut au tournant du 11e siècle le célèbre mouvement du « mu‘tazilisme juif ». Les savants juifs composèrent d’une part des œuvres originales selon la pensée mu‘tazilite et copièrent d’autre part les ouvrages en arabe appartenant à celle-ci, souvent en caractères hébraïques. Les premiers exemples des ouvrages originaux des mu‘tazilites juifs sont : le Kitāb al-Muḥtawī du karaïte Yūsuf al-Basīr (m. ca. 1040).[11]

Voici un passage du site protestant de la Revue réformée :

En parlant de la nature spirituelle de Dieu, la théologie veut souligner que Dieu est en lui-même un être substantiel, distinct du monde, immatériel, invisible, sans éléments constitutifs ni extension. Ainsi, toutes les qualités essentielles liées au concept parfait d’Esprit se trouvent en lui ; en d’autres termes, il est un être conscient qui s’autodétermine. Etant Esprit au sens le plus pur et le plus absolu du mot, il n’est pas composite. L’affirmation que Dieu est Esprit exclut toute idée de corporéité de Dieu et condamne donc les fantaisies de certains des premiers gnostiques, des mystiques du Moyen Age et de toutes les sectes modernes qui attribuent un corps à Dieu. Il est bien vrai que la Bible parle des mains et des pieds, des yeux et des oreilles, de la bouche et du nez de Dieu. Ce faisant, elle s’exprime de manière anthropomorphique ou figurative qui transcende de très loin notre connaissance humaine; nous n’en pouvons parler qu’en balbutiant à la manière des hommes.

Annexe

Les annexes empruntées à wiki ont pour but de montrer l’évolution, ne serait-ce que grossièrement, de la logique formelle, l’un des outils utilisés en métaphysique par Platon et Aristote. S’ils n’en sont pas les initiateurs, ils en sont les plus grands vecteurs, et parvinrent à corrompre jusqu’aujourd’hui la plupart des adeptes des trois grandes religions. Seul le traditionalisme musulman est resté intact grâce à Dieu ; ce qui nous permet de dire, en définitive, que ces deux hommes comptent parmi les plus grands tâghût et ennemis de la prophétie que l’Humanité n’ait jamais connu. Paradoxalement, ils incarnent en même temps les plus grandes références que les adeptes des prophètes eux-mêmes ont reprises à leur compte.

Remarque

D'après Bacon, nos théories scientifiques sont construites en fonction de la façon dont nous voyons les objets ; l'être humain est donc biaisé dans sa déclaration d'hypothèses. Pour Bacon, « la science véritable est la science des causes ». S’opposant à la logique aristotélicienne qui établit un lien entre les principes généraux et les faits particuliers, il abandonne la pensée déductive, qui procède à partir des principes admis par l’autorité des Anciens, au profit de l’« interprétation de la nature », où l’expérience enrichit réellement le savoir. En somme, Bacon préconise un raisonnement et une méthode fondés sur le raisonnement expérimental :

L'empirisme, par exemple celui de Hume ou de John Stuart Mill, développa ainsi une logique inductive, qui consiste en la généralisation vers une loi naturelle à partir de données particulières de l'expérience.

– John Stuart Mill, Système de logique déductive et inductive, 1843.

Dans son article paru en anglais, Les musulmans et les grandes écoles philosophiques (en 1927), Sulaïmân e-Nadawî avance que les travaux des deux philosophes anglais John Mill et David Hum aboutissent aux mêmes conclusions que Sheïkh el Islam ibn Taïmiya dans sa réfutation de la logique aristotélicienne ; il ouvre ainsi la porte à un superbe sujet de recherche.

À suivre…




[1] The philosophy of the kalam Wolfson (p. 222)

[2] Jinâya e-ta-wîl el fâsid de Mohammed Lûh (p. 165).

[3] El bidâyâ wa e-nihâyâ d’ibn Kathîr (9/405).

[4] John of Damascus on Islam de Sahas (pps 21-48).

[5] John of Damascus on Islam de Sahas (pps 143-149).

[6] John of Damascus on Islam de Sahas (p. 88).

[7] The Orthodox Faith (1/198).

[8] The Orthodox Faith (1/200).

[9] El hamawiya d’ibn Taïmiya (p. 243).

[10] Voir : dar-u e-ta’ârudh d’ibn Taïmiya (7/94).

[11] Mohammad Ali Amir-Moezzi et Sabine Schmidtke, « Rationalisme et théologie dans le monde musulman médiéval », Revue de l’histoire des religions, 4 | 2009, 613-638.


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