ÇáãæÖæÚ: Jahm ibn Safwân
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ÞÏíã 12 May 2013, 08:53 AM
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ÇÝÊÑÇÖí Jahm ibn Safwân





Jahm ibn Safwân

(Partie 1)

Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

Voir notamment : maqâlât el Jahm ibn Safwân wa atharuhâ fî el firaq el islâmiya qui est au départ une thèse es Magistère du chercheur Yâsir Qâdhî.

Introduction

L’un des grands facteurs ayant contribué à l’expansion du jahmisme dans les rangs des musulmans, est, à partir du deuxième siècle de l’hégire, la traduction des ouvrages distillant l’héritage philosophique gréco-romain.[1]

L’i’tizâl primitif ne contestait ni les attributs divins ni le caractère incréé du Coran (khalq el Qur-ân), mais la tendance évolua sous l’influence de Jahm. L’Imam Ahmed témoigne en parlant d’ibn Safwân : « Il vouait à la mécréance tous ceux qui, accusés d’assimilateurs (mushabihha), qualifiaient Allah comme Il s’est qualifié Lui-même dans Son Livre, ou comme nous l’a informé Son Messager. Son discours en égara beaucoup. Des hommes parmi les adeptes d’Abû Hanifa et de ‘Amr ibn ‘Ubaïd à Bassora le suivirent. Il fondait la religion des jahmites. »[2]

Les premiers négateurs (nufât) imaginaient un Seigneur ayant uniquement des Attributs négatifs (sifât salbiya) ou d’annexion (idhâfiya), on encore une combinaison des deux. L’Ami d’Allah ibrahim fut confronté aux philosophes sabéens qui véhiculaient ce concept. Sous l’ère musulmane, des hommes comme Jahd ibn Dirham, et plus tard Abû Nasr el Fârâbî, s’inscrivirent dans leur lignée. Le dernier cité visita Harrân et approfondit ses connaissances philosophiques auprès des grands maitres sabéens de la ville. L’Imam Ahmed souligne que Jahm également fit ses premiers pas initiatiques à Harrân. Ainsi, la chaine pédagogique des jahmites remonte à des juifs ou à des philosophes sabéens ou païens.[3]

C’est la raison pour laquelle, les adeptes du ta-wîl s’inspirent plus des penseurs musulmans comme ibn Sîna que des grandes références traditionalistes des premiers siècles. Il leur arrive certes de reprendre certaines citations des anciens à leur compte, mais c’est uniquement pour les interpréter selon leur jargon. Et, quand toutes les portes de l’interprétation se ferment devant eux, ils ont recours au tafwîdh, en prétextant qu’Allah Seul est à même de pénétrer le sens de ces textes.

Ainsi, les vraies références des négateurs sont plutôt à chercher du côté des Qarmates, des bâtinites ésotéristes (ismaéliens, nusaïrites, etc.), et des philosophes athées ou soufies panthéistes, adeptes du monisme. Nous avons dans ce cercle ibn Sîna, el fârâbî, ibn ‘Arabî (qui a pour équivalent Spinoza, chez les philosophes Juifs ndt.), ibn Sib’în ; et les chefs de file des jahmites, avec à leur tête, Jahm et son maitre à penser el Ja’d, mais aussi Abû el Hudhaïl el ‘Allâf, Abû Ishâq e-Nadhdhâm, Bishr el Mirrîsî, Thumâma ibn el Ashras, etc.[4]

Or, en faisant une étude comparative des religions, on s’aperçoit avec force que le ta-wîl islamique ressemble étrangement au ta-wîl juif et chrétien. La ressemblance est telle qu’ils donnent l’impression d’avoir été nourrie aux mêmes mamelles. Les musulmans reprendront les procédés que les adeptes du judaïsme utilisaient pour tronquer les textes de la Thora.[5]

Ibn Tarkhân el Fârâbî (m. 339 h.) était passé par Harrân dans son parcours initiatique. Il est le premier philosophe musulman à élargir les notions de la théologie grecque, aux enseignements de l’Islam comme dans son livre Ârâ el madîna el fâdhila. Il est considéré comme le « le deuxième Maitre » après Aristote.[6] À ses yeux, le philosophe est plus parfait qu’un prophète. Il fut frappé d’anathème par ibn Taïmiya.[7]

Ibn Sînâ (m. 428 h.) marcha dans les traces d’el Fârâbî. Il résuma la pensée aristotélicienne et péripatéticienne[8] auxquelles il ajouta un discours religieux qu’il emprunta aux adeptes du Kalâm. Il réussit ainsi à donner plus de cohérence au discours des « anciens », grâce à sa culture de la lumière prophétique.[9] De l’école hanafî, il était un « démon humain » pour reprendre l’expression d’ibn e-Salâh.[10] El Ghazâlî n’hésita pas à le sortir de la religion,[11] bien que lui-même fût un admirateur de la logique grecque. Ce dernier prétendit l’avoir apprise de la langue des prophètes, mais en fait il la trouva dans les écrits…. d’Avicenne, qui s’inspirait directement des œuvres d’Aristote.[12] El Kawtharî reconnaitra ce verdict d’el Ghazâlî contre le Raîs, mais cela ne l’empêchera nullement de prendre sa défense.[13] Il était considéré par les mâturidites comme un wali auteur de miracles notoires[14] ; le grand savant diyûbandî el Kushmaïrî n’hésita pas à dire de lui qu’il n’était qu’un zindîq athée affilié à la secte ésotérique des qarmates.[15]

Pourtant, son ishârât wa e-tanbihât est la « Bible » des mutakallimîns.[16]

Jahm ibn Safwân ; sa biographie

Nous savons peu de choses sur ce personnage étrange, mais une chose est sûre est qu’il s’appelle Abû Mahraz, Jahm (ou el Jahm) ibn Safwân, un affranchi, non arabe des Banû Râsib, une tribu Qahtanîte installée à Bassora.[17] Selon certains historiographes, il serait né à Samarkand. D’autres parlent d’el Kharz, Balkh, Koufa, Murû, voire Harrân. Pour ibn Taïmiya, il serait plutôt originaire de Turmudh.[18] En fait, il serait probablement né à Samarkand, mais exilé à Turmudh où il aurait passé sa jeunesse et prit son essor.[19]

Une chose est sûre, c’est qu’il vient d’Asie centrale, au nord du Khurâsan, soit à l’est du monde musulman. Le Prophète (r) avait prédit que la fitna viendrait de l’Orient.[20] L’un des hadîth sur le sujet est particulièrement révélateur : « La tête de la mécréance viendra de l’Orient. »[21]

Un grand point d’interrogation règne sur l’identité de ses parents et sur sa jeunesse, si ce n’est qu’il visita plusieurs régions. Après son avènement à Turmudh, il voyagea à Balkh où il fréquentait la même mosquée que l’anthropomorphiste Muqâtil ibn Sulaïmân avec qui il débattait. Il fit un saut par Koufa où il fit connaissance de son mentor, el Ja’d ibn Dirham.[22] Il prit également contact avec el Hârith ibn Suraïj, ce qui veut dire qu’il passa par Murû.

Nous ne connaissons pas non plus la date de son avènement. Nous savons juste qu’il afficha son hérésie dans le Khurasân sous l’ère d’Hishâm ibn ‘Abd el Mâlik, de la dynastie omeyyade, soit entre 105 et 120 de l’Hégire.[23]

El Ja’d ibn Dirham

El Ja’d ibn Dirham (m. 124 h. sic) fut le maitre attitré de Jahm à l’unanimité des hérésiographes. Il fut le premier négateur des Attributs divins sur les pas des Juifs et des païens, notamment des sabéens. Jahm fut le grand porte-parole de son crédo. La secte s’organisa sous sa coupe et elle lui doit son patronyme aux dépens de son père spirituel el Ja’d.[24] D’origine kurde (ou peut-être persane), il naquit à Harrân. Il fut affecté à l’instruction de Marwân el Himâr, le dernier Khalife omeyyade, baptisé Marwân el Ja’dî. Cet affranchi rallié à la tribu de Suwaïd el Ju’fî fut tristement célèbre pour avoir été le premier à parler du caractère créé du Coran, et à renier des Attributs comme la Parole, l’Amour. Contrairement à son disciple Jahm, il donnait foi au destin.[25]

L’émir Khâlid ibn ‘Abd Allah el Qusarî le mit à mort à la descente de sa chaire devant une foule immense qui s’était rassemblée à l’occasion de la fête du mouton.[26] L’évènement se passa entre 106 et 119 h. qui marque la destitution de l’émir, et même probablement bien avant, soit avant l’année 110 h.[27]

Ibn Dirham n’en était pas à son premier méfait. Bien avant l’affaire el Qusarî, il posait des questions étranges à Wahb ibn Munabbih sur les Attributs comme la Main, les Yeux, le Visage.[28] Il emprunta ses idées à Abân ibn Sam’ân (m. ? h.), qui l’emprunta à Tâlût. De confession Juive (m. ? h.), il fut connu pour être un zindîq (penseur-libre), et le premier à écrire un ouvrage pour vanter le caractère incréé de la Thora. L’oncle maternel de Tâlût qui était également son gendre, Labîd ibn el A’sam, (m. ? h.) était le premier élément de la chaine ténébreuse du ta’tîl, lui, le fameux Juif qui fit un sortilège au Prophète (r). Dans la lignée des Juifs du Yémen dont il s’inspire, il voyait également le caractère créé de la Thora.[29]

Harrân,[30] la ville natale d’el Ja’d, était la cité des sabéens, où Ibrahim serait né (une autre hypothèse avance qu’il serait en fait venu d’Iraq). Ces derniers construisirent plusieurs temples en hommage à la « cause première », au « premier intellect », au soleil, à la lune etc. La religion chrétienne s’est installée à Harrân,[31] mais le sabéisme perdura jusqu’aux conquêtes musulmanes. Il resta toujours des philosophes sabéens dans le nord de l’Iraq et à Bagdad où ils exercèrent les professions de médecins et d’écrivains, mais certains d’entre eux ne se convertirent pas à l’Islam. El Fârâbî est passé par Harrân au quatrième siècle de l’Hégire. Il s’est inspiré de sa culture philosophique auprès de ses habitants. Le philosophe sabéen Thâbit ibn Qurra (m. 288 h.) avait déjà fait le commentaire de « la métaphysique » d’Aristote.

Il existe deux sortes de sabéens : les monothéistes et les polythéistes. Les monothéistes étaient soumis aux lois de la Thora puis à l’Évangile avant leur abrogation. À la première époque, les sabéens suivaient la religion d’Ibrahim fidèle à Dieu (hanîf). Par la suite, ils ont innové certaines formes d’associations et ils sont devenus païens sur les pas de Nemrod et des Chaldéens.[32]

Par ailleurs, en plus de l’influence sabéenne et païenne qui pesa sur les adeptes du ta-wîl et le ta’tîl, il faut compter l’apport juif comme nous l’avons vu. El Ja’d ibn Dirham est le premier à interpréter l’istiwâ d’Allah sur Son trône par istawlâ. Jahm, son élève, reprit cette opinion à son compte et en devint même la figure emblématique aux dépens de son maitre.[33]

La rencontre entre les deux hommes (Ja’d et Jahm) eut lieu à Koufa. Ja’d avait dû fuir la capitale omeyyade, Damas, où il propageait son venin (le caractère créé du Coran), à la grande colère de la famille régnante qui avait mis sa tête à prix.[34] Jahm prit de lui les premiers balbutiements du ta’tîl que lui-même développa par la suite.[35] Ils transmirent à eux d’eux l’héritage de la religion sabéenne, Brahmane, chaman (hindoue), Juive (et ses pratiques magico-religieuses), chrétienne (ayant elle-même avec la religion juive reçue l’influence grecque comme nous allons le développer) dans les rangs des musulmans.[36]

À suivre…




[1] Voir : el hamawiya (p. 26-27), majmû’ el fatâwâ (5/22-24), et e-rasâil el kubrâ (1/436-437) d’ibn Taïmiya.

[2] E-rad ‘alâ el jahmiya (103-105).

[3] Voir : el hamawiya (p. 25), majmû’ el fatâwâ (5/22), et e-rasâil el kubrâ (1/435-436).

[4] Voir : dar-u e-ta’ârudh d’ibn Taïmiya (5/359-360).

[5] Voir : e-sawâ’iq el mursala (1/361) d’ibn el Qaïyim.

[6] Voir : el jawâb e-sahîh (3/214-215), et Majmû’ el fatâwâ (2/82).

[7] Voir : dar-u e-ta’ârudh (1/10) et Majmû’ el fatâwâ (2/67, 86).

[8] « Péripatéticienne » vient de peripatein (περιπατεῖν), « se promener ». Le Lycée d’Aristote était situé sur un lieu de promenade (peripatos) ou bien le maître et les disciples philosophaient en marchant. Les aristotéliciens sont "ceux qui se promènent près du Lycée". Le mot « Lycée » vient de ce que le lieu est voisin d'un sanctuaire dédié à Apollon Lycien.

[9] Manhâj e-Sunna (1/347-348).

[10] Fatâwâ ibn e-Salâh (1/209).

[11] Voir : tahâfut el falâsifa (p. 254) et el munqidh min e-dhalâl (p. 21).

[12] Voir : e-rad ‘alâ el muntiqyîn (14-15).

[13] Voir : Tabdîd e-zhalâm (p. 137) d’el Kawtharî

[14] Voir : el jawâhir el mudhiya (2/64).

[15] Voir : faïdh el Bârî (1/166).

[16] Voir : dar-u e-ta’ârudh d’ibn Taïmiya (6/19).

[17] Târîkh e-Tabarî (7/335).

[18] Majmû’ el fatâwâ (14/351).

[19] El bidâyâ wa e-nihâyâ d’ibn Kathîr (9/405).

[20] Les hadîth en question sont rapportés par el Bukhârî (3511, 3497) et Muslim (7223).

[21] Rapporté par el Bukhârî (3301) et Muslim (183, 191), selon Abû Bakra (t).

[22] El bidâyâ wa e-nihâyâ d’ibn Kathîr (9/405).

[23] Majmû’ el fatâwâ (20/302).

[24] El hamawiya d’ibn Taïmiya (p. 233-235).

[25] El farq baïna el firaq d’el Baghdâdî (p. 250).

[26] E-radd ‘alâ el jahmiya de Dârimî (p. 13).

[27] Maqâlat e-ta’tîl wa el Ja’d ibn Darham du D. Tamîmî (p. 157).

[28] ‘Aqîda ashâb el hadîth de Sâbûnî (p. 45).

[29] El hamawiya d’ibn Taïmiya (p. 243).

[30] Harrân était la ville natale d’ibn Taïmiya. À l’âge de six ans, il prit la route de Damas au sein de sa famille pour échapper aux invasions mongoles. Il est intéressant de comparer cet événement avec l’annonce prophétique disant : « Il y aura émigration après émigration, et les hommes (dans une version les meilleurs hommes) vont se réfugier sur la terre d’émigration d’Ibrahim. » Rapporté par Ahmed (1/83, 198, 199). Ibrahim en effet a dû fuir d’Iraq pour se réfugier sur les terres du Shâm. Les mauvais événements sont souvent précurseurs d’évènements heureux. Est-ce une bonne nouvelle à une époque où bon nombre d’Irakiens se sont installés en Syrie en vue d’échapper aux invasions… anglo-saxonnes ?

[31] Hélène la mère de l’Empereur Constantin était originaire de Harrân. Les savants et les moines chrétiens se sont rendu compte que les Romains et les Grecs n’allaient pas se détacher facilement du paganisme. C'est pourquoi ils leur ont concocté une religion à mi-chemin entre celle des prophètes et celle des païens. (Voir : E-Rad ‘alâ el Muntiqyîn (335).

[32] El hamawiya (p. 248, 250), et majmû’ el fatâwâ (5/20, 21).

[33] Voir : el hamawiya (p. 24), et majmû’ el fatâwâ (5/20).

[34] El bidâyâ wa e-nihâyâ d’ibn Kathîr (9/405).

[35] Majmû’ el fatâwâ (12/119).

[36] Majmû’ el fatâwâ (6/51, 10/67).


ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ