ÇáãæÖæÚ: Le shirk
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ÞÏíã 03 Sep 2013, 05:35 PM
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Le shirk

(Partie 4)

L’école d’Alexandrie

Grossièrement, cet héritage passera à l’école d’Alexandrie, et touchera, notamment, au début de l’Ère chrétienne, la communauté judaïque, par l’intermédiaire de son plus grand représentant, Philon. Passionné de philosophie grecque, il passera sa vie à conjuguer entre la Bible et la pensée helléniste, avec, Platon, au premier plan. Il est le premier à introduire une lecture parabolique de l’Ancien Testament. Il pensait que la Raison (comprendre la philosophie grecque) n’allait nullement à l’encontre de la religion de Moïse. Sa pensée fut révolutionnaire à plus d’un titre ; c’était la première fois notamment qu’un Juif condescendait à sortir des enseignements de la Thora, qui incarnaient pourtant la fierté de la communauté, face aux païens incultes, souvent persécuteurs.

L’autre révolution dans l’œuvre de Philon fut qu’il abandonna l’hébreu, qu’il ne maitrisait peut-être pas selon certaines sources, et coucha ses traités dans la langue de Socrate. Ses lectures paraboliques du Livre sacré renfermaient des messages ésotériques destinés aux seuls initiés. Au début, il laissait indifférents ses coreligionnaires, et mourut sans connaitre la gloire. Néanmoins, par la suite, il devint un grand centre d’attraction pour les premiers Pères de l’Église. Bien longtemps après, les rabbins et les docteurs de la Loi le reconnurent et lui rendirent un hommage post posthume.

Wolfson, le spécialiste du Kalâm, fut frappé par la ressemblance entre la pensée de Jahm et celle de Philon. Il en conclut que, en utilisant les mêmes méthodes que son prédécesseur, Jahm, fut le premier à conjuguer entre la Raison grecque et la religion musulmane.[1] Entre temps, les Pères de l’Église avaient procédé au même pillage des écrits grecs qui déboucha sur la profanation en profondeur de la religion chrétienne. Profanation dont elle ne se remettra jamais. Ainsi, l’hellénisation des trois religions était en cours, et fut à son comble chez les Juifs avec Maïmonide, dans la lignée des mu’tazilites, qui soumit la Thora à la règle suivante : tout texte qui laisse à penser que Dieu a des membres ou n’importe quel attribut doit se lire nécessairement selon une lecture imagée pour échapper à tout anthropomorphisme.[2]

La mutation des Pères de l’Église passa par un « algérien », Augustin. Ce dernier y laissa une emprunte indélébile, jusqu’à ce que le flambeau soit repris par Thomas d’Acquin, qui, pendant tout le Moyen-âge, rendit à l’hellénisme ses lettres de noblesse en Occident. Il profita de la révolution intellectuelle du monde musulman qui bouleversa en profondeur la théologie universelle, et infiltra l’Europe grossièrement par deux grands fronts : l’averroïsme pour la partie occidentale en pleine gestation et l’avicennisme pour sa partie orientale en pleine déflagration.

Jean le Damascène

C’est dans ce climat, en faisant un petit flash-back, que Jean Damascène entre en scène. El ja’d aurait pris résidence à Damas près d’une Église. Certaines sources mentionnent cette proximité qui est un indice non négligeable sur la probable influence de Jean sur ce dernier.[3] Jean aurait eu plusieurs contacts avec le fameux poète chrétien, el Akhtal qui serait devenu son ami.[4] Selon certains islamologues, il aurait transmis l’héritage grec dans les rangs des musulmans.[5] Contemporains à Wâsil ibn ‘Atâ et ‘Amr ibn ‘Ubaïd, il écrivit un dialogue imaginaire entre un chrétien et un musulman en vue de réfuter l’hérésie du libre arbitre selon sa conception ; en définitive, il reprenait point par point le crédo mu’tazilite (dans le rôle du chrétien) en plein conflit avec l’orthodoxie ambiante incarnée par le traditionalisme (dans le rôle du musulman).[6]

Il épousa les idées de Philon qu’il distilla dans la culture arabe. Cosmas, son tuteur italien, l’initia à la logique formelle qu’il maitrisait sur les doigts. Jean était une vraie encyclopédie. Il avait notamment étudié les textes scripturaires de l’Islam (Coran et hadîth) pour les réfuter selon son point de vue. Il immortalisa son crédo par écrit, dans la lignée des néo-platoniciens, mais ce qui nous interpelle, c’est que dans un passage, il reprit le même argument que Jahm face aux chamanistes. Il dit, entre autres, je cite, que : « Dieu, il est partout, soit indistinctement dans tous les endroits. »[7] Ailleurs, tout comme Jahm, il affirme en substance qu’on ne le voit pas et qu’on ne peut le voir.[8]

Ainsi, nous pouvons, sans peur, retracer la chaine pédagogique d’ibn Safwân soit :

Jahm ibn Safwân, selon el Ja’d ibn Ibn Dirham, selon Jean Damascène, selon Cosmas qui l’emprunte à la philosophie grecque.

Cette chaine narrative ne s’oppose nullement à celle, plus connue, que nous avons vu plus haut, et qui passe par Abân ibn Sam’ân, selon Tâlût, selon Labîd ibn el A’sam.[9] La raison est qu’un seul individu peut avoir plusieurs sources à la foi.

Les penseurs (sur les pas des Juifs) et les adorateurs musulmans (sur les pas des chrétiens

Notons, enfin, qu’à la base, comme le souligne ibn Taïmiya, les gens du Livre, et plus particulièrement les Juifs, penchaient vers l’anthropomorphisme ; en tout cas, ils avaient une lecture littérale des textes. De fil en aiguille, ils en vinrent à renier les Attributs divins, à la manière des jahmites ; deux tendances se dégagèrent chez les adeptes de la Thora : celles des philosophes à l’image de Mûsâ ibn Maïmûn, et celle des mu’tazilites, comme Abû Ya’qûb el Basîr (Joseph ben Abraham al-Basir, auteur du Sefer HaNe'imot et du Mahkimat Peti).[10]

En faisant une étude comparative des religions, on s’aperçoit avec force que le ta-wîl islamique ressemble étrangement au ta-wîl juif et chrétien. La ressemblance est telle qu’ils donnent l’impression d’avoir été nourrie aux mêmes mamelles. Les musulmans reprendront les procédés que les adeptes du judaïsme utilisaient pour tronquer les textes de la Thora.[11]

Le mu’tazilisme est très proche de la religion juive selon les propres aveux du chef fondateur de la secte mâturîdite, Abû Mansûr.[12] Ibn Taïmiya fait remarquer en effet que les rationalistes musulmans avaient des liens très étroits avec les juifs. Ces derniers se plaisaient à faire un parallèle entre leur crédo et les cinq principes mu’tazilites. Il était tout à fait normal pour eux de consulter les livres références des rationalistes musulmans. Ils en arrivèrent à avoir les mêmes raisonnements pour éluder les points obscurs de leurs enseignements qui touchent au « Théo ».

En parallèle, de nombreux soufis s’inspirent de l’ascétisme chrétien. L’apport des pratiques païennes que les chrétiens ont emprunté au paganisme d’antan fait rage dans les confréries musulmanes. En outre, les juifs sont des assimilateurs (mushabihha) anthropomorphistes en attribuant à Dieu des attributs humains perfectibles. Tandis que les chrétiens sont des mushabihha en attribuant aux humains des Attributs divins parfaits.[13]

On comprend mieux d’où provient cette affinité mystérieuse que les orientalistes militants partagent avec les confréries soufies et les néo-rationalistes.

L’évolution du shirk tamthîl dans la umma mohammadienne

Quand les savants parlent de shirk dans l’absolu, ils font allusion au shirk tamthîl, étant donné, comme nous l’avons vu plus haut, qu’il est le plus répandu à travers toutes les civilisations. Dans l’ensemble, les peuples s’accordent à reconnaitre la Seigneurie d’Allah, mais ils contestent que la Divinité exclusive lui reviennent. Cela ne veut pas dire que le shirk est absent dans les autres domaines du tawhîd (la Seigneurie et les Noms et Attributs divins) comme nous venons de le voir.[14]

Les premiers monastères

Tout a commencé avec l’excès dans l’adoration. Après la mort d’el Hasan el Basrî et d’ibn Sirîn, la première duraïra fut édifiée à Bassora par Ahmed ibn ‘Atâ el Hujaïmî, un adepte d’Abd el Wâhid (m. 150 h.), qui était lui-même un élève d’el Hasan el Basrî. La ville était connue pour son ascétisme et sa piété à outrance, d’où l’adage : le fiqh est à Koufa ce que la piété est à Bassora. Les anecdotes surprenantes qui nous viennent sur le sujet sont pour la plupart imputées à leurs pieux, comme Zirâra ibn Awfa (m. 93 h.), Abû Juhaïr el A’mâ (m. ? h.), ‘Utbat el Ghulâm (m. ? h.), ‘Atâ e-Sulaïmî (m. après 140 h.).[15]

Cette duraïra, qui servait de lieu d’adoration, rassemblait les soufis environnants qu’Abd e-Rahmân ibn Mahdî et d’autres « baptisèrent » de fuqaïriya (les miséreux).

Les premières innovations

La plupart des innovations qui touchent à la connaissance et aux actes d’adoration ont fait leur éclosion aux dernières heures des quatre Khalifes. Il est notoire que les peuples sont à l’image de leur roi ; le déclin provient souvent de la corruption des gouvernants. Quand le khalifat se transforma en royauté, le niveau d’intégrité des émirs baissa, et cela se fit ressentir par voie de conséquence, sur le niveau des savants. C’est à la fin du règne d’Ali que naquirent les kharijites et les râfidhites. La miséricorde planait encore sous la dynastie de Mu’âwiya (t). Sous Yazîd, son fils héritier, les guerres intestines débouchèrent sur l’assassinat d’el Husaïn en Iraq (t). Après la mort de Yazîd, le pouvoir se divisa avec ibn e-Zubaïr aux commandes du Hijâz, et les fils d’el Hakam dans l’ancienne Syrie (Shâm). El Mukhtâr ibn Abî ‘Ubaïd profita de ce désordre pour revendiquer la prophétie en Iraq. Tous ces chamboulements eurent lieu à la fin de la génération des Compagnons qui comptaient encore dans leurs rangs ‘Abd Allah ibn ‘Abbâs (m. 67,68 h.), ‘Abd Allah ibn ‘Omar (m. 73 h.), Jâbir ibn ‘Abd Allah (m. 77,78 h.), Abû Sa’îd el Khudrî (m. 74 h.).

À l’avènement des qadarites et des murjites, ceux-ci se chargèrent de les fustiger. Quand la dynastie omeyyade s’éteignit, en pleine extinction de la génération des successeurs (tâbi’în) benjamins, la troisième génération vit le jour. On parle de fin d’une génération comme la plupart de ses éléments sont morts. La première génération des Compagnons disparut en même temps que le Khalifat (il ne restait pratiquement plus aucun ancien combattant de la bataille de Badr). La seconde génération des tâbi’în compta ses derniers éléments avec le déclin des Compagnons benjamins, sous l’ère d’ibn e-Zubaïr et d’Abd el Mâlik. La majorité des successeurs des tâbi’în périrent avec l’avènement des Abbassides qui avaient usurpé le pouvoir aux Omeyyades en 132 h.

De nombreux non arabes entrèrent au service du pouvoir en place, au détriment des Arabes qui perdaient peu à peu leur ascendant. Les ouvrages persans, indiens et romains furent traduits dans la langue officielle.

Dans ce climat, trois grandes tendances se dégagèrent :

le raï dans le fiqh,
le kalâm,
et le soufisme.

Puis, la secte jahmite entra en scène pour imposer son ta’tîl, et inspira en réaction le tamthîl dans le domaine des Noms et Attributs divins.

Plus on s’éloignait de Médine et des Lieux saints plus l’innovation était ancrée.[16]






[1] The philosophy of the kalam Wolfson (p. 222)

[2] Jinâya e-ta-wîl el fâsid de Mohammed Lûh (p. 165).

[3] El bidâyâ wa e-nihâyâ d’ibn Kathîr (9/405).

[4] John of Damascus on Islam de Sahas (pps 21-48).

[5] John of Damascus on Islam de Sahas (pps 143-149).

[6] John of Damascus on Islam de Sahas (p. 88).

[7] The Orthodox Faith (1/198).

[8] The Orthodox Faith (1/200).

[9] El hamawiya d’ibn Taïmiya (p. 243).

[10] Voir : dar-u e-ta’ârudh d’ibn Taïmiya (7/94).

[11] Voir : e-sawâ’iq el mursala (1/361) d’ibn el Qaïyim.

[12] Voir : kitâb e-tawhîd (p. 87).

[13] Voir : dar-u e-ta’ârudh d’ibn Taïmiya (7/94-95).

[14] Shubuhât el mubtadi’a fî tawhîd el ‘ibâda (1/246-247).

[15] Majmû’ el fatâwâ (11/6-13).

[16] Majmû’ el fatâwâ (10/356).


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