ÇáãæÖæÚ: Abâ Btîn
ÚÑÖ ãÔÇÑßÉ æÇÍÏÉ
  #3  
ÞÏíã 24 Dec 2014, 05:32 PM
ßÑíã ÒäÊíÓí
ÒÇÆÑ
 
ÇáãÔÇÑßÇÊ: n/a
ÇÝÊÑÇÖí





Ibn Bâbtîn
(Partie 3)


‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân nous enseigne qu’il n’est pas nécessaire pour l’iqâma el hujja qu’un cas particulier ait conscience d’aller à l’encontre de la vérité. Il suffit qu’il déchiffre les termes du message qu’on lui transmet, ou en d’autres termes qu’il connaisse les intentions de son interlocuteur. Beaucoup d’habitants de l’Enfer ne savaient pas sur terre en effet qu’ils suivaient un mauvais chemin. Ne pas savoir qu’on est en tort n’est absolument pas une restriction au takfîr. Il suffit de faire correctement passer le message à un cas particulier pour que la preuve céleste soit établie contre lui. Ainsi, après l’iqâma el hujja, on n’a plus l’excuse de persister dans l’erreur, qu’on en ait conscience ou non. Le jugement est sans appel ![1]


Les chrétiens et certains païens de la Péninsule arabique étaient attachés à des conceptions erronées qui les confortaient dans leur égarement. Leur cas est différent des Juifs, de Pharaon, de son peuple, et de nombreux païens arabes qui connaissaient la vérité, mais qui s’étaient laissé aveugler par l’orgueil et l’obstination. Le Coran ne fait pas de distinction entre ces deux catégories d’individus ; toutes sont vouées à l’Enfer éternel. Nous pouvons dire la même chose pour les adeptes de cette religion qui s’entêtent dans les ténèbres de l’ignorance, après avoir eu connaissance de la preuve céleste.[2]


‘Abd e-Latîf souligne que Sheïkh el Islam n’a pas kaffar certains de ses contemporains, qui pourtant étaient des savants, car à ses yeux, la preuve céleste n’avait pas été établie contre eux. Ce qui démontre que l’Islam était devenu étranger pour beaucoup de gens à son époque.[3] Il explique également que les plupart des savants accordent à ibn Taïmiya en gros que le Législateur ne tient pas rigueur des erreurs commises avant la transmission du message. Il va sans dire qu’après l’iqâma el hujja, il n’y a plus de contestation possible. Il existe même un consensus sur la question.[4] En revanche, il s’est abstenu de kaffar les ignorants parmi les adorateurs des tombes qui n’avaient pas été prévenus.[5] S’ils refusent de se repentir après avoir eu les preuves en main, ils sont coupables d’apostasie qu’il incombe de réprimer par les armes.[6]


Il existe une divergence entre les traditionalistes dans la façon dont l’iqâma el hujja se matérialise dans la pratique. Les savants de aimmat da’wa eux-mêmes n’ont pas une position uniforme sur la question. Mohammed Rashîd Ridâ explique à ce sujet : « La preuve céleste n’est pas établie contre celui qui ne comprend pas la prédication… Cette question fut l’objet d’une divergence entre les grands savants contemporains du Najd lors d’une assemblée de l’Imam ‘Abd el ‘Azîz ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Faïsal Âl Sa’ûd à La Mecque. l’argument le plus fort fut en faveur du Sheïkh ‘Abd Allah ibn Bulaïhid disant qu’il était essentiel de comprendre la preuve céleste afin qu’elle soit établie ; sa présence en elle-même ne suffisait pas si elle n’était pas comprise. Pour appuyer ses dires, ce dernier s’inspira d’un passage d’ibn el Qaïyim – qu’Allah lui fasse miséricorde – qui était clair sur la question. Il parvint ainsi à convaincre les autres membres de l’assemblée. »[7]


Pour mieux comprendre le sujet du takfîr, il incombe de distinguer entre avoir reçu la hujja et l’avoir comprise. Il ne s’agit pas de la comprendre aussi précisément que les croyants ni de s’y soumettre pleinement. La présence du message prophétique suffit en elle-même, à condition d’avoir les outils pour l’assimiler (être majeure, sain d’esprit, connaitre la langue en question ou bien passer par un traducteur). Les six piliers du dogme n’offrent aucune circonstance atténuante à celui qui n’y donne pas foi. Les adeptes des autres confessions ne sont pas considérés musulmans, bien que beaucoup d’entre eux soient ignorants. La plupart des Juifs et des chrétiens aujourd’hui sont des suiveurs. Pourtant, ils ne sont pas excusables. Il est inadmissible d’en douter, au risque de se vouer soi-même à la mécréance.


Par ailleurs, les textes scripturaires de l’Islam n’acceptent aucun scepticisme, qui est une forme d’ignorance, dans les questions touchant aux fondements de la foi. Ne serait-ce que de douter de la pertinence de la Résurrection est une annulation de l’Islam à l’unanimité des savants. Il n’est pas pertinent pour prendre la défense de cette catégorie d’individus de mettre en avant qu’ils ne comprennent pas le message céleste. Le Coran lui-même ne leur accorde pas cette excuse.[8]


Or, ce constat ne va nullement à l’encontre du principe imposant un savoir minimum pour l’iqâma el hujja. La preuve, c’est que aimmat e-da’wa établissent que le rôle d’établir la preuve céleste contre les hommes revient aux savants et aux prédicateurs. Sinon, ils n’auraient aucune utilité. La présence du Coran dans les maisons ne suffit pas en soi.[9]


C’est ce qui poussa Mohammed Rashîd Ridâ à faire le constat suivant : « Cette restriction de la part du Sheïkh (en parlant de Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb ndt.) qui impose ici une compréhension minimum dissipe la confusion qui s’impose à l’esprit en lisant d’autres passages de ses œuvres. En s’en tenant à ces derniers passages, certains savants du Najd soutiennent que la présence du Coran est suffisante pour établir la hujja contre les hommes, quand bien même ils ne comprendraient pas son message. Cette conception illogique s’oppose au Verset disant : [Celui qui s’écarte du Messager, après avoir distingué la bonne voie].[10] Elle ne va pas non plus dans le sens des thèses soutenues par les grands spécialistes et disant qu’il est nécessaire de faire comprendre le prêche prophétique (da’wa) avec ses arguments, avant d’établir la hujja »[11]


Mais, il faut distinguer entre deux types de compréhension : une compréhension qui pousse à agir et à se soumettre à la religion (fahm el hujja) et une compréhension qui est purement organique et qui consiste à comprendre les termes du message, sans forcément y adhérer (bulûgh el hujja). C’est la deuxième forme de compréhension qui est réclamée pour l’iqâma el hujja, non la première. C'est pourquoi l’ignorance qui est entretenue par un manque de volonté n’offre aucune circonstance atténuante, comme l’établit Abâ btîn.[12]


Dans un courrier, Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb reproche à certains de ses « partisans » de ne pas faire cette nuance. Il explique notamment que seulement trois catégories d’individus sont excusables.


  1. Le nouveau converti.
  2. Le bédouin qui vit loin des villes.
  3. Et celui qui se trompe sur des questions subtiles de la religion, ex. : certaines formes de sorcellerie.[13]


Tous ont un point commun. Autrement dit, ils n’ont pas accès matériellement au savoir. C’est ce qui nous pousse à dire que la notion de subtilité est relative. Elle varie certes en fonction des sujets, mais aussi en fonction des époques, des endroits et des personnes.


Nous comprenons également des paroles de l’Imam que le manque de volonté n’est pas une excuse en soi. C’est pourquoi, en vivant en terre d’Islam, et en étant matériellement capable d’étudier les questions qui touchent à l’unicité, nul n’est censé les ignorer. C’est dans ce cas qu’on peut avancer que la présence du Coran exposant l’importance du monothéisme et condamnant l’association suffit à elle seule. En revanche, si, malgré tous ses efforts dans la recherche de la vérité, quelqu’un commet une annulation de l’Islam soit involontairement, soit par une mauvaise interprétation des textes ou soit par ignorance, il est excusable. Il n’est plus excusable, si, ayant reçu la vérité, il s’en détourne, soit par négligence soit par orgueil. Ainsi, ces deux sentiments, qui font obstacle à la réception du message, sont blâmables sous tous les points de vue.


Passons au passage suivant : « Dans les ouvrages de figh, les légistes – qu’Allah leur fasse miséricorde – définissent l’apostat comme suit : un musulman qui renie sa religion dans les paroles, les actes, la croyance, ou par scepticisme. Or, c’est l’ignorance qui est la cause du scepticisme. Cela impliquerait de ne pas kaffar les Juifs, les chrétiens, ceux qui se prosternent devant le soleil, la lune, et les idoles en raison de leur ignorance ! On devrait dire la même chose pour ceux qu’Ali ibn Abî Tâlib condamna au bûché, alors que nul ne doute qu’ils étaient des ignorants. Les savants – qu’Allah leur fasse miséricorde – sont unanimes à sortir de la religion celui qui ne kaffar pas les Juifs et les chrétiens ou qui tout simplement douterait de leur mécréance. Pourtant, nous sommes convaincus que la plupart d’entre eux sont des ignorants… »


Si les conditions du takfîr sont remplies, et qu’aucune restriction ne vienne interférer à ce jugement, le responsable de l’autorité somme au coupable de se repentir. S’il refuse de le faire, il devra lui appliquer la peine de l’apostat. Un cas particulier jugé mécréant au niveau du hukm sera soumis aux Lois prévues par le Coran et la sunna sur le shirk et le kufr.[14]


Le statut d’apostat engendre un certain nombre de lois :


  1. Il devient interdit de manger la viande qu’il a égorgée.[15]
  2. On doit le séparer de son épouse musulmane.
  3. On lui somme de se repentir.
  4. On lui applique la peine capitale pour apostasie.
  5. On ne lui consacre pas la prière du défunt après l’exécution.
  6. On ne lui consacre pas le lavage des morts et on ne l’enterre pas dans un cimetière musulman.
  7. Ses héritiers musulmans ne pourront jouir de son héritage.


Voici quel est le sort réservé à l’apostat sur terre. Quant à son sort dans l’au-delà, il sera voué à l’Enfer éternel, qu’Allah nous en préserve !


À suivre…





[1] Voir : mish e-zhalâm (p. 367-379).

[2] Idem. (p. 324-325).

[3] Voir : e-durar e-saniya (1/417-418).

[4] ‘Abd e-Latîf rapporte le consensus dans e-durar e-saniya (1/467-468).

[5] Voir : mish e-zhalâm (p. 324-325).

[6] Voir : e-durar e-saniya (1/427).

[7] majmû’ e-rasâil e-najdiya (5/514-519).

[8] Voir : kashf e-shubhataïn d’ibn Sahmân (p. 91-93).

[9] Voir : mish e-zhalâm d’Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân (p. 123-124).

[10] Les femmes ; 115

[11] majmû’ e-rasâil e-najdiya (5/638).

[12] E-durar e-saniya (10/391).

[13] Idem. (10/93-95)

[14] Voir : mish e-zhalâm d’Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân (p. 320).

[15] Voir : e-rasâil e-shakhsia incluse dans majmû’ muallafât e-Sheïkh (3/2/78).

ÑÏ ãÚ ÇÞÊÈÇÓ