ÇáãæÖæÚ: Ibn Taïmiya, un sophiste ?
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ÞÏíã 18 Sep 2013, 04:36 PM
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Ibn Taïmiya, un sophiste ?

(Partie 2)

Ce qui est clair pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres

Il existe des questions qui ne s’opposent pas de façon évidente aux textes. Elles relèvent plutôt de l’effort d’interprétation (ijtihâd). Domaine dans lequel il règne une divergence entre savants. Il est possible qu’aux yeux de certains d’entre eux, ces questions soient claires comme l’eau de roche, et qu’Allah leur ait montré la vérité sur celles-ci. Cependant, cela ne leur donne pas le droit de les imposer à ceux pour qui la chose n’est pas aussi évidente…

Il est possible également qu’ils y aillent de leurs propres efforts d’interprétations. Ce qui est tout à fait compréhensible de la part de ceux qui en ont la compétence et de ceux qui font leur taqlîd… Autrement dit, ils ne sont pas condamnables…

Pour être condamnable, il faut négliger une obligation ou transgresser une interdiction, sans n’être motivé par une erreur d’interprétation tolérable ou une excuse légitime. Dans ce cas de figure, nous avons ceux qui affichent une tendance allant en opposition avec le Coran et la sunna...

Néanmoins, parfois, la chose est ambiguë. Nous ne pouvons affirmer avec certitude que telle parole ou tel acte est passible ou non d’une punition. Dans ce cas, il vaut mieux s’abstenir et laisser la chose en suspens, car : « Il vaut mieux pardonner par erreur que de punir par erreur. »[1] » [2]



Là où nous voulons en venir, c’est que l’innovation, et, en général, tout ce qui s’oppose au Coran et à la sunna peut provenir d’un individu qui est excusable, soit pour avoir fait un effort d’interprétation soit pour avoir suivi quelqu’un d’autre (taqlîd) dans les limites excusables. Il est possible également qu’il n’ait pas les moyens de parvenir à la vérité.[3]

« Quiconque s’oppose aux enseignements établis par le Coran et la sunna devient soit un mécréant, soit un pervers, soit, un désobéissant, sauf si c’est un croyant s’étant trompé suite à un effort d’interprétation. Il a droit à une récompense pour son effort, et son erreur lui est pardonnée. Il a droit à la même excuse s’il n’a pas reçu le savoir nécessaire ayant pour fonction d’établir la preuve céleste contre lui. Allah révèle en effet : [Nous n’allions châtier personne avant d’envoyer un messager].[4] Cependant, si la preuve céleste émanant des textes du Coran et de la sunna est établie contre lui, et qu’il s’y oppose ensuite, il devra recevoir la punition correspondante à son cas, et pouvant aller jusqu’à la mise à mort. »[5]

On peut à la fois être excusable devant Dieu et punit par les hommes

Le but de la punition, c’est de garder la société saine, mais, au même moment, il est possible que le coupable soit excusable soit en raison de son effort d’interprétation, ou, tout simplement, en ayant suivi aveuglément l’opinion d’un autre.[6]

Maudire un cas particulier

Sheïkh el Islam établit la règle selon laquelle, les textes maudissant un acte ne s’adressent pas forcément à tous les cas possibles. À travers certains exemples, il deviendra plus facile de l’appréhender. Nous avons d’un côté certains hadîth qui maudissent toutes les formes d’usure (ribâ el fadhl et ribâ e-nasâ), et de l’autre côté, nous avons certains Compagnons, à l’instar d’ibn ‘Abbâs ayant légitimé ribâ el fadhl. Pourtant, il ne vient à l’esprit de personne de les maudire ou de maudire tous ceux qui les ont imités. Ils furent, en effet, motivé par un effort d’interprétation, qui, en gros, ne sortait pas du cadre toléré, et quand bien même ils s’étaient trompés.

Même chose pour les savants de Koufa qui étaient convaincus que seul le vin à base de raisin ou de dates était passible de la malédiction. Ils ne voyaient pas d’inconvénient à boire du nabîdh (boisson fermentée) à base d’autres fruits, à condition, bien sûr, de ne pas en abuser sous peine de s’enivrer. Ainsi, la malédiction d’un cas particulier est soumise aux mêmes paramètres (condition à remplir et restriction à exclure) que le takfîr d’un cas particulier.[7] Par ailleurs, selon ibn Taïmiya, il est plus grave d’appliquer les textes de la menace divine (comme la malédiction) à grande échelle que de kaffar les auteurs des grands péchés à la manière des kharijites et des mu’tazilites ;[8] en sachant que le takfîr entre dans le domaine de la menace divine.[9]

Le mujtahid et le muqallid sont excusables

Ibn Taïmiya insiste tellement sur ce point, qu’il imagine une objection (qui a peut-être eu lieu) à travers une analyse d’une subtilité incroyable, comme il en a le secret ; analyse aussi déroutante qu’envoûtante : « Neuvièmement : la raison à cela, c’est que l’excuse empêche la malédiction d’atteindre un cas particulier. Nous avons vu précédemment que les hadîth sur la menace divine ont uniquement pour fonction de montrer que tel acte engendre la malédiction ; il est la cause à l’origine de la malédiction.

On peut toujours avancer que cela n’implique nullement d’applique le statut correspondant à chaque individu l’ayant commis, mais cela implique que la cause est présente, sans pour autant engendrer le statut qu’il l’entraine ; cela veut dire qu’il n’y aurait aucun mal à le faire.

Nous avons établi précédemment que le mujtahid n’est pas condamnable. Mieux, il est plus grave d’autoriser moralement un péché que de la commettre. Pourtant, l’excuse est valable pour tout le monde.

On peut avancer également qu’on ne peut être qu’un mujtahid et un muqallid pour faire un péché, en sachant que ces deux sont excusables, cela veut dire que personne n’est condamnable !

Ce à quoi nous répondons : la réponse peut se voir sous plusieurs angles :

L’un : l’ambition est de montrer que tel acte est à l’origine de la punition indépendamment de se soucier qu’il existe quelqu’un pour le faire. Dans l’hypothèse où tous les fautifs ne remplissent pas les conditions pour recevoir la punition ou que celle-ci soit annulée en raison d’une restriction quelconque, cela ne remet nullement en question que ce péché soit interdit par la religion.

L’essentiel est de savoir ou de se rendre compte qu’il est interdit en vue de s’en éloigner. Néanmoins, la miséricorde divine veut qu’un fautif éventuel soit excusable pour une raison ou pour une autre. Sur ce principe, nous avons les petits péchés, qui, bien qu’ils soient interdits, sont expiables à condition d’éviter les grands péchés. Ce principe est le même pour tous les péchés qui ne font pas l’unanimité ; notre rôle consiste à les dénoncer, mais, au même moment un fautif motivé par l’ijtihad ou le taqlîd peut être excusable. Cela ne nous empêche nullement d’être convaincus que ce péché reste un péché.

Vu sous un autre angle, quand on met en lumière son statut, c’est en vue de dissiper toute ambiguïté faisant obstacle à la punition. Quand on est excusable en raison de sa mauvaise croyance, cela ne veut nullement dire qu’on doit rester ainsi, sans faire l’effort de se renseigner dans la mesure du possible. Sinon, cela remettrait en question le devoir de propager la science ; cela signifierait qu’il vaudrait mieux dans l’intérêt des gens de les laisser ignorants. Il n’y aurait plus aucun intérêt à expliquer, avec preuves à l’appui, les questions ambigües.

Sous un troisième angle, dévoiler le statut et la menace qui plane sur un péché conforte les gens sains à s’en éloigner ; sans cette campagne de sensibilisation, ce péché prendrait du terrain dans les rangs.

Sous un quatrième angle, quand on parle d’excuse, on fait naturellement allusion à celui qui n’est pas capable d’y remédier. Sinon, dès lors qu’il est en mesure de connaitre la vérité, il n’est plus excusable pour son laisser-aller.

Sous un cinquième angle, il n’est pas évident de dire que l’ijtihâd et le taqlîd sont une excuse dans l’absolu. Il y a des cas où ils ne sont pas tolérés. Pour eux, la cause à l’origine de la menace divine est bel et bien effective, et l’ijtihâd et le taqlîd ne constituent plus une restriction dans leur cas. Ils sont donc passibles de la punition, celle-ci est même toute désignée, sauf, bien sûr, si aucune autre restriction ne vient intercéder en leur faveur (repentir, bonnes œuvres expiatrices, etc.).

De plus, l’ijtihâd et le taqlîd ne sont pas des notions constantes. Quelqu’un peut être motivé dans son acte par l’un de ses deux facteurs en pensant qu’il est en droit de le faire, mais le fait est qu’il peut soit avoir tort soit avoir raison. L’essentiel, c’est de garder la vérité entre les yeux, et de mettre les passions de côté ; auquel cas, Allah n’impose rien à l’homme qui soit au-dessus de ses forces. »[10]

Le statut d’un cas particulier

Toutes ces précautions de la part d’ibn Taïmiya ne signifient nullement qu’il n’applique jamais le takfîr sur un cas particulier. Lui-même taxe d’apostats certaines adeptes du soufisme panthéiste et jahmiste comme el Hallâj, ibn Sab’în, ibn ‘Arabî, el Qunâwî, e-Tlemceni.[11] Il n’épargne pas non plus les philosophes musulmans, à l’instar d’el Fârâbî,[12] ibn Sîna, etc.

À suivre…





[1] La première partie du hadîth est devenue une règle de fiqh, bien que les termes ne remontent pas au Prophète, mais ils viendraient plus probablement des Compagnons. En outre, sa chaine narrative est controversée ; voir : irwâ el ghalîl (2355), et dha’îf el jâmi’ e-saghîr (259) tous deux de Sheïkh el Albânî.

[2] Majmû’ el Fatâwâ (10/383-385).

[3] Majmû’ el fatâwâ (10/371).

[4] Le voyage nocturne ; 15 voir les tafsîr d’e-Tabarî et d’ibn Kathîr.

[5] Majmû’ el fatâwa (1/113).

[6] Majmû’ el fatâwâ (10/275).

[7] Majmû’ el fatâwa (20/386-388).

[8] Voir : majmû’ el fatâwa (20/263-264).

[9] Idem. (3/231).

[10] Majmû’ el fatâwâ.

[11] Voir : majmû’ el fatawa (2/175), et majmu’ e-rasâil wa el masâil (4/82, 85).

[12] Voir : dar-u e-ta’ârudh (1/10) et Majmû’ el fatâwâ (2/67, 86).

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