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ßÑíã ÒäÊíÓí 22 Dec 2014 08:00 PM

Abâ Btîn
 
Abâ Btîn

(Partie 1)


Midhat ibn el Hasan el Farrâj est l’auteur d’un livre ayant eu beaucoup d’écho. Et pour cause, El ‘udhr bi el jahl taht el mijhar e-shar’î fut considéré par Sheïkh ‘Abd Allah Jibrîl comme l’ouvrage le plus fourni sur le sujet. Il fut préfacé par ‘Abd Allah e-Sa’d et ‘Abd Allah el Ghunaïmân. Comme son nom l’indique il parle du ‘udhr bi el jahl et plus particulier de l’excuse de l’ignorance dans le shirk akbar. Il s’appuie sur de nombreuses citations de savants et notamment d’aimmat e-da’wa.


Il fait dire à Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb, le fondateur de la prédication najdite et à ibn Taïmiya et son élève ibn el Qaïyim avant lui, qu’en aucun cas, un coupable éventuel ne peut être considéré musulman. il y a beaucoup à dire sur cette thèse, mais, un passage a retenu mon attention. Il illustre à lui seul, contre toute attente, que cette opinion est loin de faire l’unanimité des savants, et elle est encore moins celle des trois références citées plus-haut. Il s’agit d’un long passage du Sheïkh Abâ Btîn qui démontre le contraire ce que Midhat cherche à établir.


En voici le contenu :


« Ceux qui polémiquent en faveur des païens s’inspirent de l’histoire de l’homme ayant demandé à sa famille de brûler son corps après sa mort. Ils en concluent que l’ignorant ayant commis un acte de mécréance (kufr) est excusable. Seul un obstiné (mu’ânid), à leurs yeux, peut devenir mécréant.
Nous disons en réponse à cet argument qu’Allah (I) envoya Ses messagers aux hommes comme annonciateurs et avertisseurs. Il a ainsi coupé court à toute excuse pouvant venir de leur part. Le plus grand enseignement sur lequel portait leur message était l’adoration exclusive d’Allah sans Lui vouer d’associé. Ils ont donc condamné l’association qui revient à adorer un autre que Lui.


Si on donne l’excuse de l’ignorance à celui qui commet du shirk akbar (l’association majeure), alors qui ne serait pas excusable ? Si l’on s’en tient à ce raisonnement, cela voudrait dire que la preuve céleste s’applique uniquement contre l’obstiné. Quoi que les partisans de cette tendance ne peuvent étendre ce principe à toutes les questions, sinon, ils sont obligés de se contredire. Ils ne peuvent en effet hésiter à kaffar celui qui doute du moindre fondement de la religion (la mission de Mohammed (r), la Résurrection, etc.), en sachant que le doute est une forme d’ignorance.


Dans les ouvrages de figh, les légistes – qu’Allah leur fasse miséricorde – définissent l’apostat comme suit : un musulman qui renie sa religion dans les paroles, les actes, la croyance, ou par scepticisme. Or, c’est l’ignorance qui est la cause du scepticisme. Cela impliquerait de ne pas kaffar les Juifs, les chrétiens, ceux qui se prosternent devant le soleil, la lune, et les idoles en raison de leur ignorance ! On devrait dire la même chose pour ceux qu’Ali ibn Abî Tâlib condamna au bûché, alors que nul ne doute qu’ils étaient des ignorants. Les savants – qu’Allah leur fasse miséricorde – sont unanimes à sortir de la religion celui qui ne kaffar pas les Juifs et les chrétiens ou qui tout simplement douterait de leur mécréance. Pourtant, nous sommes convaincus que la plupart d’entre eux sont des ignorants…


Donner une excuse à celui qui commet du kufr par une erreur d’interprétation (ta-wîl), un effort d’interprétation (ijtihâd), une erreur involontaire (khata), par suivisme ou par ignorance, c’est aller à l’encontre du Coran de la sunna et du consensus. Il n’y a aucun doute là-dessus ! Sans compter que les partisans de cette tendance sont obligés d’aller à l’encontre de leur propre principe. Sinon, nul doute qu’ils deviennent eux-mêmes des mécréants. C’est du même ordre que de s’abstenir de kaffar celui qui doute de la mission de Mohammed (r).


Quant à l’homme qui demanda à sa famille de brûler son corps après sa mort, Allah lui pardonna certes, bien qu’il doutait d’un Attribut divin. La raison, c’est que la preuve céleste ne lui était pas parvenue sur le sujet, comme le prétendent plus d’un savant. Sheïkh Taq-ï e-Dîn [ibn Taïmiya] – qu’Allah lui fasse miséricorde – explique qu’en doutant d’un des Attributs du Seigneur on devient mécréant ; dans le cas d’un individu qui n’est pas censé ignorer ce point. Ce statut n’englobe pas celui qui n’est pas censé le savoir. C’est la raison pour laquelle le Prophète (r) n’a pas kaffar l’homme ayant douté pourtant du Pouvoir d’Allah, étant donné que la preuve céleste ne lui était pas parvenue.


Cette tendance est celle d’ibn ‘Aqîl qui interprète ce hadîth en disant que la da’wa ne lui était pas parvenue. Taq-ï e-Dîn opte pour cette opinion pour les questions qui touchent aux Attributs divins, mais pas pour celles qui touchent au shirk ou autre, comme nous allons le voir à travers certains de ses passages in shâ Allah. Nous avons déjà cité auparavant les passages où il kaffar les monistes et d’autres innovateurs. Il alla jusqu’à kaffar tout ceux qui douteraient de leur mécréance.


L’auteur qui recense les opinions propres (ikhtiyârât) de Taq-ï e-Dîn explique : « L’apostat est celui qui commet l’association, qui déteste le Messager ou ses enseignements, qui ne condamne pas le mal ne serait-ce qu’avec son cœur… ou qui place des intermédiaires entre Son Seigneur et lui, en qui il remet sa confiance, à qui il réserve ses demandes et ses invocations. Il devient mécréant à l’unanimité des savants. Quiconque doute d’un Attributs divin, (les paroles sont d’ibn Taïmiya) devient apostat si dans son cas il n’est pas censé les ignorer, mais ce statut n’englobe pas celui qui n’est pas censé les connaitre. C’est la raison pour laquelle le Prophète (r) n’a pas kaffar celui qui doutait du Pouvoir d’Allah (I). »


Il a donc désigné un certain nombre de fautes qui ne font pas sortir de la religion, et fit exception, dans le domaine des Attributs divins, à l’ignorant à qui il accorde une excuse. En sachant que Sheïkh – qu’Allah lui fasse miséricorde – ne se prononce pas sur notamment le takfîr des jahmites, contrairement à l’opinion de l’Imam Ahmed et d’autres grandes références de l’Islam.


El Majd (son grand-père ndt.) – qu’Allah lui fasse miséricorde – a dit : « Toute innovation pour laquelle nous faisons le takfîr des prédicateurs, nous donnons le statut de « pervers » (fâsiq) aux suiveurs. Ex. : dire que le Coran est créé, que les Noms d’Allah sont créés, qu’on ne peut le voir dans l’au-delà, proférer des insultes contre les Compagnons avec une intention religieuse, dire que la foi se confine dans la croyance, etc.


Toute personne qui a connaissance de ces innovations, qui les prêchent, et qui polémiquent à leur sujet est jugée mécréante, comme le stipule Ahmed dans plusieurs passages. » Fin de citation. Voyez, comment les a-t-il kaffar, bien qu’ils sont des ignorants. »[1]


Dans les prochaines lignes, nous allons in shâ Allah développer chaque point soulevé par l’Imam Abâ Btîn dans le but de mieux cerner son discours.


À suivre…





[1] El intisâr li hisb Allah el muwahhidîn (p. 16-18).

ßÑíã ÒäÊíÓí 23 Dec 2014 04:19 PM

Ibn Bâbtîn
(Partie 2)




Il dit tout d’abord : « Ceux qui polémiquent en faveur des païens s’inspirent de l’histoire de l’homme ayant demandé à sa famille de brûler son corps après sa mort. Ils en concluent que l’ignorant ayant commis un acte de mécréance (kufr) est excusable. Seul un obstiné (mu’ânid), à leurs yeux, peut devenir mécréant. »


Il s’attaque ainsi au cœur des revendications d’ibn Jarjîs et de ‘Uthmân ibn Mansûr, qui, malheureusement, reçut sa mauvaise influence. Ces derniers prétendaient, en s’appuyant sur des textes d’ibn Taïmiya et d’ibn el Qaïyim, que tous les ignorants sans détail sont excusables. Or, l’ignorance n’est pas une excuse en elle-même, mais l’incapacité d’avoir accès à la vérité, à condition, bien sûr, de la rechercher.


L’Imam Mohammed ibn ‘Abd el Wahhab fut confronté à son époque à ce genre d’opposition. L’ouvrage kitâb mufîd el mustafîd fî kufr târik e-tawhîd fut consacré en réponse à certains de ses détracteurs qui reniaient le takfîr mu’aïyin dans l’absolu. Ces derniers s’inspiraient notamment du discours d’ibn Taïmiya qui s’abstenait de se prononcer sur un cas particulier avant l’iqâma el hujja. En s’inspirant d’exemples historiques et de certains passages d’ibn Taïmiya, le premier homme de la da’wa nadjite démontre que cette allégation est née d’une confusion énorme. Pour ne citer qu’ibn Taïmiya, ce dernier taxe d’apostasie certaines adeptes du soufisme panthéiste et jahmiste comme el Hallâj, ibn Sab’în, ibn ‘Arabî, el Qunâwî, e-Tlemcenî.[1]


Ainsi, contrairement à la tendance des murjites, pour ibn Taïmiya et les traditionalistes en général, après l’iqâma el hujja, tout individu qui commet du shirk akbar devient mécréant.


Sheïkh ‘Abd Allah Abâ Btîn se chargea donc de réfuter la tendance erronée et véhiculée par Dâwûd ibn Jarjîs et ibn ‘Ajlân. Ces deux hommes l’imputaient à ibn Taïmiya et son élève ibn el Qaïyim comme nous l’avons vu. Ils prétendaient que l’erreur d’interprétation rapportait systématiquement une récompense en plus du fait qu’elle était excusable. Ils voulaient faire passer l’idée que seul un obstiné pouvait sortir de l’Islam. Le suivisme aveugle et l’ignorance seraient, à leurs yeux, dans tous les cas excusables.


Il dit ensuite : « Nous disons en réponse à cet argument qu’Allah (I) envoya Ses messagers aux hommes comme annonciateurs et avertisseurs. Il a ainsi coupé court à toute excuse pouvant venir de leur part. Le plus grand enseignement sur lequel portait leur message était l’adoration exclusive d’Allah sans Lui vouer d’associé. Ils ont donc condamné l’association qui revient à adorer un autre que Lui. »


Les détracteurs de la da’wâ « wahhabites », avec à leur tête le propre frère du « chef fondateur », Sulaïmân ibn ‘Abd el Wahhâb, cherchaient à atténuer les méfaits de l’association. « L’essentiel de leur critique pouvait se résumer dans une idée simple : croire en l’existence d’un seul Dieu et à la prophétie de Muhammad suffit à conférer la qualité de musulman, quelques soit les péchés commis ou les innovations illégales adoptées dans l’exercice du culte. Certains considéraient même que les pratiques religieuses condamnées par Abd el Wahhab (sic) étaient en réalité le moyen d’adorer Dieu. Ceux-là estimaient que le Tout-Puissant lui-même n’avait pas accordé le même degré de qualité spirituelle, et que les « amis de Dieu » (awliya’) pouvaient légitimement intercéder auprès d’Allah au bénéfice des croyants ordinaires, dès lors que ceux-ci acceptaient l’idée selon laquelle Dieu est à l’origine de toute action dans le monde, bonne ou mauvaise, et qu’un « ami de Dieu » n’est que son délégué. »[2]


Le « certains » en question, c’est Dâwûd ibn Sulaïmân ibn Jarsîs dans sulh el ikhwan mi ahl al-imam (p. 121).


Ainsi, tout s’éclaircit, car pour reprendre les paroles d’Abd e-Rahmân ibn Hasan (le petit-fils de l’Imam), ibn Jarjîs autorisait l’istighâthâ bi ghaïr Allah (d’invoquer le secours à un autre qu’Allah),[3] ou pour reprendre celles de son fils ‘Abd e-Latîf, ibn Jarjîs considérait que cette pratique relevait du shirk asghar, pour ne pas dire qu’elle était recommandée.[4]


Il est donc établi que les pratiques païennes auxquelles s’adonnaient les contemporains de la da’wa najdite relevaient de l’association et du shirk akbar faisant sortir de la religion. Or, il incombe de souligner que les traditionalistes à l’exemple d’ibn Taïmiya faisaient la distinction entre le cas général et absolu et le cas particulier dans les questions du takfîr.


Sheïkh ‘Abd Allah Abâ Btîn explique à ce sujet : « Quant aux paroles d’ibn Taïmiya : « Cependant, en raison de la propagation de l’ignorance dans les rangs de nombreux adeptes de l’Islam parmi les générations récentes, il n’est pas permis de les kaffar avant de leur avoir exposé les enseignements du Prophète (r) » Il parle apparemment du cas particulier, étant donné qu’ailleurs il annonce formellement que l’association relève de la mécréance. Il ne s’abstient nullement de le kaffar après que les enseignements lui soient exposés…
Puis, il résout le problème que peut soulever le discours d’ibn Taïmiya : « Pour concorder entre ses paroles, nous devons comprendre ses intentions. Il veut nous dire que nous pouvons entendre certaines paroles, ou certains écrits en prose ou en vers ayant du kufr. Cependant, nous ne pouvons kaffar leur auteur au premier abord. Il faut attendre avant cela de lui exposer la preuve céleste. »[5]


Un autre passage d’Abâ Btîn va dans ce sens : « Quant aux paroles d’ibn Taïmiya : « il n’est pas permis de les kaffar avant de leur avoir exposé les enseignements du Prophète (r) » ; Il veut dire qu’il n’est pas permis de les kaffar en personne et en particulier, en disant par exemple qu’un tel est un kâfir. Nous devons dire plutôt que tel acte relève de la mécréance et que son auteur dans l’absolu est un mécréant… »
Puis, après une longue explication, il conclut : « Ce discours est basé sur le principe suivant : nous jugeons mécréante dans l’absolu une parole jugée ainsi par les textes du Coran, de la sunna, et du consensus, comme en témoignent les preuves textuelles… mais cela ne veut pas dire qu’il faille juger mécréante toute personne l’ayant prononcé. Il incombe avant cela de réunir les conditions nous permettant de le faire et d’évacuer les restrictions faisant obstacle à notre jugement. »[6]


Puis, il enchaine : « Si on donne l’excuse de l’ignorance à celui qui commet du shirk akbar (l’association majeure), alors qui ne serait pas excusable ? Si l’on s’en tient à ce raisonnement, cela voudrait dire que la preuve céleste s’applique uniquement contre l’obstiné. Quoi que les partisans de cette tendance ne peuvent étendre ce principe à toutes les questions, sinon, ils sont obligés de se contredire. Ils ne peuvent en effet hésiter à kaffar celui qui doute du moindre fondement de la religion (la mission de Mohammed (r), la Résurrection, etc.), en sachant que le doute est une forme d’ignorance. »


Contrairement aux kharijites, aimmat e-da’wa prennent en considération l’iqâma el hujja avant de se prononcer sur un cas particulier ayant commis une annulation de l’Islam. Matériellement, la hujja consiste à transmettre les textes du Coran, de la sunna ou du consensus de façon à ce qu’ils soient bien appréhendés, aux yeux de la plupart des savants de aimmat e-da’wa. Pour la minorité d’entre eux, seule la présence du Coran est à même de faire l’affaire. Or, on peut très bien en avoir un exemplaire à la maison, sans pour autant être au courant de ses enseignements en détail.


Sheïkh e-Sa’dî nous enseigne que notre relation sera différentes avec les deux sortes d’individus suivants : les mécréants d’origine qui ne sont pas affiliés à l’Islam et les musulmans qui commettent une annulation de l’Islam. Concernant la première catégorie, aucune distinction n’est faite entre le savant et l’ignorant, dans le sens où tous les deux sont voués à l’Enfer éternel. Pour la deuxième catégorie, les textes du Coran et de la sunna expriment que les erreurs non intentionnelles commises tant dans les usûls que les furû’ constituent une circonstance atténuante avant de se prononcer sur un cas particulier.[7] Le shirk akbar ne fait pas exception à la règle.


Ailleurs, il explique : « En un mot, en démentant (takdhîb) Allah ou en démentant Son Messager dans les enseignements qu’il rapporte, on devient mécréant ; ou bien, en n’adhérant pas (lam yaltazim) aux commandements d’Allah et de Son Messager. Toutes ces choses s’opposent à la foi conformément au Coran et à la sunna. Tous les discours des légistes expliquant en détail les formes d’annulations reconnues de l’Islam reviennent à cette cause. »[8] La cause en question, c’est le takdhîb ou ‘adam el iltizâm. Il veut dire que l’origine du kufr a lieu soit au niveau du qawl el qalb, comme chez les chrétiens et certains païens arabes soit au niveau de ‘amal el qalb comme pour Pharaon et les Juifs et de nombreux païens arabes qui connaissaient la vérité, mais qui s’étaient laissé aveugler par l’orgueil et l’obstination.


Nous avons vu que aimmat e-da’wa se sont abstenus de kaffar certains cas particuliers, qui pourtant, non seulement avait fait du shirk akbar, mais qui avaient composé des ouvrages vantant ses vertus ; ce qui en soi, est une circonstance aggravante. Ils ne les ont pas sortis de la religion, car toutes les conditions n’étaient pas réunies pour le faire. Ils ne se prononçaient pas également sur les musulmans morts, et ils se fiaient aux apparences dans leurs relations avec ceux qui se revendiquaient musulmans en leur donnant leur droit, sauf si certains éléments venaient confirmer le contraire.


À suivre…





[1] Voir : majmû’ el fatawa (2/175), et majmu’ e-rasâil wa el masâil (4/82, 85).

[2] Qu’est-ce que le salafisme ? (p. 28).

[3] Voir : Kashb ma alqâhu iblîs (p. 54).

[4] Voir : manhâj e-ta-sîs wa e-taqdîs (p. 268-269).

[5] E-durar e-saniya (10/403).

[6] E-durar e-saniya (12/88).

[7] El irshâd ilâ ma’rifat el ahkâm (p. 556-558).

[8] El irshâd ilâ ma’rifa el ahkâm (p. 210).

ßÑíã ÒäÊíÓí 24 Dec 2014 05:32 PM





Ibn Bâbtîn
(Partie 3)


‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân nous enseigne qu’il n’est pas nécessaire pour l’iqâma el hujja qu’un cas particulier ait conscience d’aller à l’encontre de la vérité. Il suffit qu’il déchiffre les termes du message qu’on lui transmet, ou en d’autres termes qu’il connaisse les intentions de son interlocuteur. Beaucoup d’habitants de l’Enfer ne savaient pas sur terre en effet qu’ils suivaient un mauvais chemin. Ne pas savoir qu’on est en tort n’est absolument pas une restriction au takfîr. Il suffit de faire correctement passer le message à un cas particulier pour que la preuve céleste soit établie contre lui. Ainsi, après l’iqâma el hujja, on n’a plus l’excuse de persister dans l’erreur, qu’on en ait conscience ou non. Le jugement est sans appel ![1]


Les chrétiens et certains païens de la Péninsule arabique étaient attachés à des conceptions erronées qui les confortaient dans leur égarement. Leur cas est différent des Juifs, de Pharaon, de son peuple, et de nombreux païens arabes qui connaissaient la vérité, mais qui s’étaient laissé aveugler par l’orgueil et l’obstination. Le Coran ne fait pas de distinction entre ces deux catégories d’individus ; toutes sont vouées à l’Enfer éternel. Nous pouvons dire la même chose pour les adeptes de cette religion qui s’entêtent dans les ténèbres de l’ignorance, après avoir eu connaissance de la preuve céleste.[2]


‘Abd e-Latîf souligne que Sheïkh el Islam n’a pas kaffar certains de ses contemporains, qui pourtant étaient des savants, car à ses yeux, la preuve céleste n’avait pas été établie contre eux. Ce qui démontre que l’Islam était devenu étranger pour beaucoup de gens à son époque.[3] Il explique également que les plupart des savants accordent à ibn Taïmiya en gros que le Législateur ne tient pas rigueur des erreurs commises avant la transmission du message. Il va sans dire qu’après l’iqâma el hujja, il n’y a plus de contestation possible. Il existe même un consensus sur la question.[4] En revanche, il s’est abstenu de kaffar les ignorants parmi les adorateurs des tombes qui n’avaient pas été prévenus.[5] S’ils refusent de se repentir après avoir eu les preuves en main, ils sont coupables d’apostasie qu’il incombe de réprimer par les armes.[6]


Il existe une divergence entre les traditionalistes dans la façon dont l’iqâma el hujja se matérialise dans la pratique. Les savants de aimmat da’wa eux-mêmes n’ont pas une position uniforme sur la question. Mohammed Rashîd Ridâ explique à ce sujet : « La preuve céleste n’est pas établie contre celui qui ne comprend pas la prédication… Cette question fut l’objet d’une divergence entre les grands savants contemporains du Najd lors d’une assemblée de l’Imam ‘Abd el ‘Azîz ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Faïsal Âl Sa’ûd à La Mecque. l’argument le plus fort fut en faveur du Sheïkh ‘Abd Allah ibn Bulaïhid disant qu’il était essentiel de comprendre la preuve céleste afin qu’elle soit établie ; sa présence en elle-même ne suffisait pas si elle n’était pas comprise. Pour appuyer ses dires, ce dernier s’inspira d’un passage d’ibn el Qaïyim – qu’Allah lui fasse miséricorde – qui était clair sur la question. Il parvint ainsi à convaincre les autres membres de l’assemblée. »[7]


Pour mieux comprendre le sujet du takfîr, il incombe de distinguer entre avoir reçu la hujja et l’avoir comprise. Il ne s’agit pas de la comprendre aussi précisément que les croyants ni de s’y soumettre pleinement. La présence du message prophétique suffit en elle-même, à condition d’avoir les outils pour l’assimiler (être majeure, sain d’esprit, connaitre la langue en question ou bien passer par un traducteur). Les six piliers du dogme n’offrent aucune circonstance atténuante à celui qui n’y donne pas foi. Les adeptes des autres confessions ne sont pas considérés musulmans, bien que beaucoup d’entre eux soient ignorants. La plupart des Juifs et des chrétiens aujourd’hui sont des suiveurs. Pourtant, ils ne sont pas excusables. Il est inadmissible d’en douter, au risque de se vouer soi-même à la mécréance.


Par ailleurs, les textes scripturaires de l’Islam n’acceptent aucun scepticisme, qui est une forme d’ignorance, dans les questions touchant aux fondements de la foi. Ne serait-ce que de douter de la pertinence de la Résurrection est une annulation de l’Islam à l’unanimité des savants. Il n’est pas pertinent pour prendre la défense de cette catégorie d’individus de mettre en avant qu’ils ne comprennent pas le message céleste. Le Coran lui-même ne leur accorde pas cette excuse.[8]


Or, ce constat ne va nullement à l’encontre du principe imposant un savoir minimum pour l’iqâma el hujja. La preuve, c’est que aimmat e-da’wa établissent que le rôle d’établir la preuve céleste contre les hommes revient aux savants et aux prédicateurs. Sinon, ils n’auraient aucune utilité. La présence du Coran dans les maisons ne suffit pas en soi.[9]


C’est ce qui poussa Mohammed Rashîd Ridâ à faire le constat suivant : « Cette restriction de la part du Sheïkh (en parlant de Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb ndt.) qui impose ici une compréhension minimum dissipe la confusion qui s’impose à l’esprit en lisant d’autres passages de ses œuvres. En s’en tenant à ces derniers passages, certains savants du Najd soutiennent que la présence du Coran est suffisante pour établir la hujja contre les hommes, quand bien même ils ne comprendraient pas son message. Cette conception illogique s’oppose au Verset disant : [Celui qui s’écarte du Messager, après avoir distingué la bonne voie].[10] Elle ne va pas non plus dans le sens des thèses soutenues par les grands spécialistes et disant qu’il est nécessaire de faire comprendre le prêche prophétique (da’wa) avec ses arguments, avant d’établir la hujja »[11]


Mais, il faut distinguer entre deux types de compréhension : une compréhension qui pousse à agir et à se soumettre à la religion (fahm el hujja) et une compréhension qui est purement organique et qui consiste à comprendre les termes du message, sans forcément y adhérer (bulûgh el hujja). C’est la deuxième forme de compréhension qui est réclamée pour l’iqâma el hujja, non la première. C'est pourquoi l’ignorance qui est entretenue par un manque de volonté n’offre aucune circonstance atténuante, comme l’établit Abâ btîn.[12]


Dans un courrier, Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb reproche à certains de ses « partisans » de ne pas faire cette nuance. Il explique notamment que seulement trois catégories d’individus sont excusables.


  1. Le nouveau converti.
  2. Le bédouin qui vit loin des villes.
  3. Et celui qui se trompe sur des questions subtiles de la religion, ex. : certaines formes de sorcellerie.[13]


Tous ont un point commun. Autrement dit, ils n’ont pas accès matériellement au savoir. C’est ce qui nous pousse à dire que la notion de subtilité est relative. Elle varie certes en fonction des sujets, mais aussi en fonction des époques, des endroits et des personnes.


Nous comprenons également des paroles de l’Imam que le manque de volonté n’est pas une excuse en soi. C’est pourquoi, en vivant en terre d’Islam, et en étant matériellement capable d’étudier les questions qui touchent à l’unicité, nul n’est censé les ignorer. C’est dans ce cas qu’on peut avancer que la présence du Coran exposant l’importance du monothéisme et condamnant l’association suffit à elle seule. En revanche, si, malgré tous ses efforts dans la recherche de la vérité, quelqu’un commet une annulation de l’Islam soit involontairement, soit par une mauvaise interprétation des textes ou soit par ignorance, il est excusable. Il n’est plus excusable, si, ayant reçu la vérité, il s’en détourne, soit par négligence soit par orgueil. Ainsi, ces deux sentiments, qui font obstacle à la réception du message, sont blâmables sous tous les points de vue.


Passons au passage suivant : « Dans les ouvrages de figh, les légistes – qu’Allah leur fasse miséricorde – définissent l’apostat comme suit : un musulman qui renie sa religion dans les paroles, les actes, la croyance, ou par scepticisme. Or, c’est l’ignorance qui est la cause du scepticisme. Cela impliquerait de ne pas kaffar les Juifs, les chrétiens, ceux qui se prosternent devant le soleil, la lune, et les idoles en raison de leur ignorance ! On devrait dire la même chose pour ceux qu’Ali ibn Abî Tâlib condamna au bûché, alors que nul ne doute qu’ils étaient des ignorants. Les savants – qu’Allah leur fasse miséricorde – sont unanimes à sortir de la religion celui qui ne kaffar pas les Juifs et les chrétiens ou qui tout simplement douterait de leur mécréance. Pourtant, nous sommes convaincus que la plupart d’entre eux sont des ignorants… »


Si les conditions du takfîr sont remplies, et qu’aucune restriction ne vienne interférer à ce jugement, le responsable de l’autorité somme au coupable de se repentir. S’il refuse de le faire, il devra lui appliquer la peine de l’apostat. Un cas particulier jugé mécréant au niveau du hukm sera soumis aux Lois prévues par le Coran et la sunna sur le shirk et le kufr.[14]


Le statut d’apostat engendre un certain nombre de lois :


  1. Il devient interdit de manger la viande qu’il a égorgée.[15]
  2. On doit le séparer de son épouse musulmane.
  3. On lui somme de se repentir.
  4. On lui applique la peine capitale pour apostasie.
  5. On ne lui consacre pas la prière du défunt après l’exécution.
  6. On ne lui consacre pas le lavage des morts et on ne l’enterre pas dans un cimetière musulman.
  7. Ses héritiers musulmans ne pourront jouir de son héritage.


Voici quel est le sort réservé à l’apostat sur terre. Quant à son sort dans l’au-delà, il sera voué à l’Enfer éternel, qu’Allah nous en préserve !


À suivre…





[1] Voir : mish e-zhalâm (p. 367-379).

[2] Idem. (p. 324-325).

[3] Voir : e-durar e-saniya (1/417-418).

[4] ‘Abd e-Latîf rapporte le consensus dans e-durar e-saniya (1/467-468).

[5] Voir : mish e-zhalâm (p. 324-325).

[6] Voir : e-durar e-saniya (1/427).

[7] majmû’ e-rasâil e-najdiya (5/514-519).

[8] Voir : kashf e-shubhataïn d’ibn Sahmân (p. 91-93).

[9] Voir : mish e-zhalâm d’Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân (p. 123-124).

[10] Les femmes ; 115

[11] majmû’ e-rasâil e-najdiya (5/638).

[12] E-durar e-saniya (10/391).

[13] Idem. (10/93-95)

[14] Voir : mish e-zhalâm d’Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân (p. 320).

[15] Voir : e-rasâil e-shakhsia incluse dans majmû’ muallafât e-Sheïkh (3/2/78).

ßÑíã ÒäÊíÓí 25 Dec 2014 06:43 PM

Ibn Bâbtîn
(Partie 4)


Ainsi, pour les savants de aimmat e-da’wa, le takfîr d’un cas particulier a lieu seulement après l’iqâma el hujja dès lors qu’il s’érige en ennemi de la religion de Mohammed.[1] Sheïkh ‘Abd Allah Abâ Btîn établit à ce sujet : « Le takfîr d’un cas particulier et sa mise à mort réclament de lui transmettre au préalable la preuve prophétique s’appliquant contre tous ceux qui s’y opposent. On ne devient pas forcément mécréant en ignorant un enseignement de la religion. »[2]


Il est faut de dire que les traditionalistes ne vouent personne à l’apostasie, mais ils soumettent leur jugement à des conditions. Sheïkh ‘Abd Allah Abâ Btîn établit à ce sujet : « … Auquel cas, nous lui sommons de se repentir, et s’il refuse, nous le mettons à mort. Or, la demande de repentir ne peut avoir lieu qu’avec un cas particulier. »[3] Certains savants de aimmat e-da’wa se sont abstenus de se prononcer sur certains cas particuliers, comme el Busaïrî, qui s’adonnaient à certaines pratiques païennes s’opposant clairement au dogme fondamental de la religion. La raison, c’est qu’ils n’avaient pas suffisamment d’éléments en mains pour les kaffar. Il existait en effet la forte probabilité qu’ils s’étaient imprégnés des conceptions erronées qui leur étaient difficiles d’évacuer.[4]


Or, Nous avons vu dans un précédent article qu’en fonction de savoir s’il provient d’un non-musulman ou d’un musulman, le kufr se divise en deux catégories pour lesquelles la loi prévoit des statuts différents :
  • Kufr as : qui sont les non-musulmans (qui se divisent en gens du livre et en païens)
  • Kufr târî : c’est l’apostasie (ridda) qui se vérifie au niveau du cœur, des paroles et des actes, et pour laquelle des lois spécifiques sont prévues.[5]


Sheïkh ‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân explique : « … Les savants ont parlé au sujet du statut de ces gens-là (leur kufr leur shirk, et leur égarement). Il est connu de façon unanime chez les savants que l’auteur de tels actes qui prononcent les deux attestations de foi est taxé de kâfir et de murtadd après l’iqâma el hujja ; ils ne le considèrent nullement comme un mécréant d’origine. Je n’ai jamais vu quelqu’un le dire en dehors de Mohammed ibn Ismâ’îl dans sa risâla tajrîd e-tawhîd qui a pour titre tathîr el i’tiqâd. La raison qu’il avance, c’est que ces gens-là ne connaissent pas ce qu’exprime la parole de l’unicité, et par conséquent, ils ne sont pas entrés dans l’Islam pour ignorer le sens qu’elle exprime. Or, notre Sheïkh – en parlant d’ibn ‘Abd el Wahhâb – ne se range nullement avec lui sur ce sujet (ou lui concède nullement une telle opinion ndt.). »[6]


Cette opinion est donc shâdh (qui va à l’encontre de la grande majorité des savants ndt.) car en prononçant l’attestation de foi, l’individu devient musulman, du point de vue du statut terrestre (el hukm e-zhâhir) ; il incombe donc de se comporter avec lui comme avec les musulmans, tant que nous ne sommes pas sûrs du contraire. Auquel cas, il devient un apostat (murtadd). En revanche, en disant que c’est un mécréant d’origine, cela implique qu’il n’est même pas entré dans l’Islam sous prétexte qu’il n’ait pas compris le sens de la shahâda. Cette opinion va à l’encontre de la tendance que les savants ont établie, car comprendre son sens n’est pas une condition déterminant qu’une personne soit musulmane ou non. Cette condition est uniquement valable pour gagner le salut dans l’au-delà (el hukm el bâtin).[7]


L’apostasie (ridda) consiste à renoncer à la religion musulmane. Apostasier (irtadda) signifie : revenir en arrière, comme dans le Verset : [Ne tournez pas (lâ tartaddû) les talons, sinon, vous serez les vaincus].[8] Allah (I) révèle également : [Ceux qui reviennent sur leur religion, et qui meurent à l’état de mécréance, ils verront leurs œuvres s’annuler sur terre et dans l’au-delà ; ceux-là seront les habitants de l’Enfer où ils demeureront éternellement].[9] C’est une mise en garde redoutable faite aux croyants. [Ceux qui reviennent sur leur religion] : vous les croyants ; [et qui meurent à l’état de mécréance] : sans se repentir avant de mourir en revenant à l’Islam ; [ils verront leurs œuvres s’annuler] : supprimer ; [sur terre et dans l’au-delà ; ceux-là seront les habitants de l’Enfer où ils demeureront éternellement].


[Ceux qui tournent les talons, après que la bonne direction leur soit venue, ils se sont fait abusé par les promesses de Satan],[10] [Ô croyants ! S’il y en a parmi vous qui s’avisent à renier leur religion, alors sachez qu’Allah fera bientôt venir un peuple qu’Il aime et qui L’aime ; ils seront humbles envers les croyants, fiers envers les infidèles, et ils combattront sur le sentier d’Allah sans craindre le blâme de personne].[11] [Ceux qui reviennent sur leur religion] : qui l’abandonnent. Ces Versets nous mettent en garde contre l’apostasie.


Au niveau des hadîth, le Prophète (r) a dit : « Le sang du musulman est sacré, sauf dans trois cas : l’homme marié adultère, le meurtrier, et l’apostat – C’est celui qui nous intéresse ici – qui s’écarte de la communauté. »[12] Un autre hadîth nous apprend : « Celui qui change de religion, tuez-le. »[13]


Dans la situation où les apostats forment un groupe, il faut prendre les armes contre eux, comme le fit Abû Bakr e-Siddîq (t), qui ramena les rebelles sous le joug de l’Islam. Certains apostats tombèrent au combat, d’autres se repentirent. Le premier khalife s’était ainsi conformé au Verset : [Ô croyants ! S’il y en a parmi vous qui s’avisent à renier leur religion, alors sachez qu’Allah fera bientôt venir un peuple qu’Il aime et qui l’aime ; ils seront humbles envers les croyants, fiers envers les infidèles, et ils combattront sur le sentier d’Allah sans craindre le blâme de personne].[14]


Les savants expliquent en exégèse à ce Verset qu’il fut révélé en l’honneur d’Abû Bakr et de ses hommes, les heureux vainqueurs contre la compagne d’apostasie. Ce Verset en effet parle d’un événement à venir. [S’il y en a parmi vous qui s’avisent à renier leur religion] : l’action est au futur ; [alors, sachez qu’Allah fera bientôt venir un peuple] : il s’agit d’Abû Bakr et des Compagnons du Messager d’Allah (r) qui matèrent la rébellion d’apostats.


Lorsqu’il s’agit d’un cas isolé, il faut le mettre aux arrêts, le sommer de se repentir sous peine de mise à mort. Son cas est différent du mécréant d’origine, pour avoir eu accès à la vérité, et embrassé l’Islam de plein gré. Il a reconnu que cette religion incarnait la vérité. En apostasiant, il démontre qu’il ne prend pas la chose au sérieux, et, dès lors qu’il n’a plus de circonstance atténuante, il faut le condamner à mort dans le but de préserver la croyance. La religion étant la première des cinq nécessités fondamentales. Celle-ci n’est pas un jeu ; il n’est pas permis d’y entrer et d’en sortir à sa guise. Son exécution a pour ambition de donner un exemple. Dans cette optique, en cas d’apostasie aggravée, le coupable est livré au supplice sans sommation. L’Islam cherche ainsi à préserver la première nécessité fondamentale de la vie humaine.


Il est donc très important d’étudier ces nawâqidh pour lesquelles les savants ont consacré des ouvrages, et des chapitres spéciaux dans le domaine du droit religieux (figh) qui s’intitulent : le statut de l’apostat. Chaque livre de figh est composé d’un chapitre ayant pour nom bâb hukm el murtadd ou kitâb hukm el murtadd. Cela concerne aussi bien les grands que les petits ouvrages.


Ceux-ci le définissent comme suit : renier sa croyance à l’Islam, soit au niveau de la croyance, soit par scepticisme sur des points qui touchent à la religion, soit au niveau des actes (prosternation, immolation, vœu consacré à une idole). Cela peut concerner également les paroles (blasphème contre Allah (I), le Messager (r), la religion musulmane) : [Dis : est-ce d’Allah, de Ses Versets, et de Son Messager que vous vous moquiez ? Il n’est pas la peine de vous excuser, car vous avez mécru après avoir connu la foi].[15]


L’apostasie a lieu au niveau des actes, de la croyance, ou ne serait-ce qu’en ayant un simple doute ; comme le fait de douter sur la légitimité de la prière, l’aumône légale, etc. Le doute peut porter sur l’Unicité. Il consiste à rester indécis entre deux choses. Bref, il y a de nombreuses sortes d’apostasie.[16]


À suivre…





[1] Voir : kashf e-shubhataïn de Sulaïmân ibn Sahmân (p. 75-76).

[2] Majmû’ e-rasâil wa el masâil (5/510).

[3] Majmû’ e-rasâil wa el masâil (5/510).

[4] Voir : e-durar e-saniya (1/34).

[5] Voir : e-takfîr wa dhawâbituhu de Sheïkh Ibrahim e-Ruhaïlî.

[6] Mish e-zhalâm (p. 22-23).

[7] Voir : nawâqid el îmân el i’tiqâdiya du D. Mohammed ibn ‘Abd Allah ibn ‘Alî el Wuhaïbî (1/284).

[8] Le repas céleste ; 21

[9] La vache ; 217

[10] Mohammed ; 25

[11] Le repas céleste ; 54

[12] Rapporté par el Bukhârî (6878) et Muslim (1676), selon ‘Abd Allah ibn Mas’ûd

[13] Rapporté par el Bukhârî (4/75), Abû Dâwûd (2/440), et e-Tirmidhî (6/243), selon ‘Abd Allah ibn Mas’ûd.

[14] Le repas céleste ; 54

[15] Le repentir ; 65-66

[16] Voir : sharh nawâqidh el Islâm de Sheïkh el Fawzân.

ßÑíã ÒäÊíÓí 26 Dec 2014 03:55 PM

Ibn Bâbtîn
(Partie 5)


Quant au passage : « Cela impliquerait de ne pas kaffar les Juifs, les chrétiens, ceux qui se prosternent devant le soleil, la lune, et les idoles en raison de leur ignorance ! On devrait dire la même chose pour ceux qu’Ali ibn Abî Tâlib condamna au bûché, alors que nul ne doute qu’ils étaient des ignorants. Les savants – qu’Allah leur fasse miséricorde – sont unanimes à sortir de la religion celui qui ne kaffar pas les Juifs et les chrétiens ou qui tout simplement douterait de leur mécréance. Pourtant, nous sommes convaincus que la plupart d’entre eux sont des ignorants… »


Nous avons déjà répondu en partie plus haut à cet argument avec notamment des paroles de Sheïkh ‘Abd e-Rahmân e-Sa’dî. Ailleurs, il se charge avec plus de détail de répondre à ce même genre d’arguments. Voici la teneur de ses propos : « Vous avez évoqué, en vous appuyant sur les textes du Coran, de la sunna et du consensus que l’invocation et l’appel au secours des idoles relèvent de la mécréance et de l’association menant à l’Enfer éternel. Point sur lequel il n’y a aucun doute. En revanche, vous mettez sur le même pied d’égalité toutes les formes d’ignorance.


D’un coté, nous avons les différentes confessions mécréantes (juive, chrétienne, etc.) qui ne donnent pas foi à la prophétie de Mohammed (r). D’un autre coté, nous avons les ignorants qui donnent foi à tous ses enseignements et qui adhèrent pleinement à son obéissance. Cependant, ces derniers commettent l’association sans s’en rendre compte, en invoquant une créature. Ils pensent ainsi rendre hommage à la personne qu’ils invoquent. À leurs yeux, c’est la religion elle-même qui le leur réclame.


Or, faire une telle comparaison est une erreur grossière. Elle va à l’encontre des textes scripturaires (Coran et sunna), du consensus des Compagnons et de leurs fidèles successeurs (tâbi’în). Il est en effet connu de façon élémentaire par tous les musulmans que tous les ignorants mécréants, dont les juifs et les chrétiens, sont voués à l’Enfer éternel. Personne ne peut le contester. L’autre catégorie concerne ceux qui donnent foi à tous les enseignements du Prophète (r) et qui adhèrent totalement à sa religion, mais qui font une erreur dans la croyance, les paroles et les actes soit par ignorance, une mauvaise interprétation ou par suivisme. Allah révèle à leur sujet : [Seigneur ! Ne nous tiens pas rigueur de nos erreurs et de nos oublis].[1] »[2]


Passons au passage suivant : « Donner une excuse à celui qui commet du kufr par une erreur d’interprétation (ta-wîl), un effort d’interprétation (ijtihâd), une erreur involontaire (khata), par suivisme ou par ignorance, c’est aller à l’encontre du Coran de la sunna et du consensus. Il n’y a aucun doute là-dessus ! Sans compter que les partisans de cette tendance sont obligés d’aller à l’encontre de leur propre principe. Sinon, nul doute qu’ils deviennent eux-mêmes des mécréants. C’est du même ordre que de s’abstenir de kaffar celui qui doute de la mission de Mohammed (r). »


Le Sheïkh d’el ‘Uthaïmîn enchaine : « La communauté mohammadienne est soulagée des fautes commises par erreur, oubli, ou sous la contrainte. Ainsi, en règle générale, nous taxons de mécréant celui qui commet une faute relevant de la mécréance dans les paroles et la croyance. Cependant, nous pouvons nous abstenir de nous prononcer dans certains cas si une restriction comme l’ignorance vient changer la donne. Il échappe à certains fautifs que leurs actes relèvent de la mécréance ou de l’association. C’est ce qui nous pousse à nous abstenir de les kaffar en personne, bien qu’au même moment nous soyons convaincus qu’ils ont commis du kufr.


C’est de cette façon que les Compagnons et leurs successeurs directs (tâbi’în) se comportèrent envers l’innovation (la bid’a). Dès leur époque, plusieurs mouvements hérétiques (kharijisme, mu’atazilisme, qadarisme, etc.) virent le jour. Tous s’accordaient à aller à l’encontre des textes scripturaires de l’Islam. Ils les démentaient et les falsifiaient pour les faire aller dans leur sens, ce qui en soi est un acte de mécréance. Cependant, les anciens s’abstinrent de les sortir un à un de la religion. Ils étaient en effet motivés par une mauvaise interprétation des textes. Les kharijites démentaient les textes sur l’intercession et ceux démontrant que les auteurs des grands péchés étaient affiliés à la foi. C’est ce qui les poussa à autoriser moralement (istihlâl) le sang des Compagnons et des musulmans en général. Les mu’tazilites également démentaient les textes sur l’intercession en faveur des auteurs des grands péchés, ils démentaient la prédestinée, les Attributs divins, etc. »[3]
Plus loin, il signe : « Nous avons souligné plus haut que les anciens n’ont pas kaffar les premiers innovateurs dont les erreurs d’interprétation touchaient aux questions élémentaires de la religion, comme les Attributs parfaits d’Allah. Le tawhîd tourne autour de deux principes : la reconnaissance de ces fameux Attributs et l’unicité du culte.


Si nous donnons des circonstances atténuantes à un cas particulier qui fait des erreurs (ignorance, mauvaises interprétations des textes, et suivisme aveugle) dans le premier domaine, nous devons le faire pour celles qui touchent au second ; et cela, pour les mêmes raisons. La restriction qui est valable pour l’un est aussi valable pour l’autre. La mission du Messager (r) portait indistinctement sur ces deux domaines. Les hérétiques de sa communauté se sont égarés dans l’un ou l’autre domaine, voire dans les deux à la fois. Ils vont à l’encontre des enseignements connus de façon élémentaire par tous les musulmans. Le Prophète (r) avait pourtant mis en garde contre l’hérésie. C'est pourquoi s’obstiner à renier ses enseignements qui touchent à ces deux domaines, après en avoir eu connaissance, relève de la mécréance incontestable.


Un musulman qui adhère à l’Islam au niveau du cœur et des actes peut s’égarer dans certains points, car il n’a pas les éléments en mains pour le faire parvenir à la vérité. Dans ce cas, nous ne sommes pas formels sur son apostasie, étant donné qu’il existe une restriction faisant obstacle à cette condamnation. D’où l’importance d’établir contre lui la preuve céleste ; une preuve céleste qui s’applique contre tout obstiné (mu’ânid). »[4]


‘Abd e-Latîf explique qu’une erreur ne rend pas forcément mécréant (kâfir), pervers (fâsiq) ou désobéissant (‘âsî).[5] Et cela, conformément au Verset : [Seigneur ! Ne nous tiens pas rigueur de nos erreurs et de nos oublis].[6] Il explique notamment : « En commettant une erreur par une mauvaise interprétation (ta-wîl) ou par ignorance, on n’est pas excusable, sauf celui qui est incapable d’avoir accès à la vérité. C’est la raison pour laquelle ibn el Qaïyim précise : « une interprétation qui est excusable ». Il ne parle pas de n’importe quelle interprétation et de n’importe quelle ignorance. Les péchés ne sont pas tous à mettre au compte de l’interprétation et n’offrent pas forcément l’excuse de l’ignorance.
Nous avons vu plus haut que, depuis l’époque de Nûh, la plupart des mécréants (kuffâr) et des païens (mushrikîn) étaient motivés par l’ignorance et une mauvaise interprétation. Nous pouvons dire la même chose pour les adeptes du panthéisme et du monisme et les autres sectes soufies. Les adorateurs des tombes et les mushrikîn, sur lesquels porte la divergence, sont également animés par le ta-wîl… et les chrétiens également. »[7]


Nous pouvons résumer la tendance des savants de aimmat e-da’wa sur la question du ta-wîl. À leurs yeux, il y a quatre conditions à remplir pour qu’il devienne un facteur atténuant :
  1. Le ta-wîl doit provenir d’un individu affilié à l’Islam.
  2. Il doit faire tous les efforts pour parvenir à la vérité. Ainsi, seul celui qui n’y a pas accès, malgré tous ses efforts, est excusable.
  3. Il doit rechercher la vérité et avoir de bonnes intentions, contrairement à Iblis et aux apostats qui vendent leur religion à vil prix.
  4. Le ta-wîl doit être toléré au niveau de la langue Arabe, contrairement aux interprétations ésotériques des textes. Ainsi, les tinites ne sont pas excusables.[8]


Or, l’erreur d’interprétation (ta-wîl), qui est une forme d’ignorance mue notamment par un manque de compréhension, peut faire obstacle au takfîr. L’opinion de certains innovateurs implique de renier les textes, ce qui relève en soi de la mécréance, mais nous ne taxons pas leur auteur de kâfir, car il est possible qu’une restriction fasse obstacle à notre jugement ; des restrictions comme l’ignorance, la méconnaissance du texte en question ou de ses arguments. Les Lois divines ne sont pas imposables aux hommes avant qu’elles ne leur soient parvenues.[9]


L’Imam Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb est l’auteur des paroles suivantes : « Le musulman qui fait un effort d’interprétation (mujtahid) peut prononcer des paroles de kufr sans le savoir. Si après qu’on l’ait averti de son erreur, il se repend sur le champ, il ne devient pas mécréant… »[10] Ce dernier fait la distinction entre ne pas connaitre le vrai sens d’une parole qu’on prononce et ne pas savoir qu’elle fait sortir de l’Islam. Si la première forme d’ignorance est excusable, ce n’est pas le cas pour la deuxième.[11] Son petit-fils, ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan a des paroles qui vont dans ce sens.[12] C’est la raison pour laquelle, les savants établissent que le nouveau converti qui renie l’aspect obligatoire des actes d’adoration ne sort pas de la religion, sauf s’il persiste dans l’erreur, pour une raison ou pour une autre, après avoir été averti.


Sheïkh ‘Abd Allah Abû Batîn lui-même tient compte de ce principe dans le shirk akbar en disant : « Prétendre que le Prophète (r) ou un autre peut sauver du châtiment d’Allah ou qu’il peut prendre Sa place est une forme de mécréance manifeste. Nous taxons tout fautif de mécréant après le lui avoir expliqué, s’il est ignorant. »[13] Il reprochait en fait l’opinion d’ibn Mansûr selon laquelle les pratiques païennes en vogue à son époque rapportaient une récompense étant donné que leurs auteurs étaient motivés par un effort d’interprétation. Il refusait qu’on les qualifie de pratiques faisant sortir de la religion. C’est alors que les plumes acerbes de la vérité s’acharnèrent contre lui en vue de prouver que ces actes relevaient de la mécréance et que leur auteur n’était pas considéré musulman une fois que la preuve céleste était établie contre lui.


À suivre…





[1] La vache ; 286

[2] Voir : e-tibyân fî ta-sîl masâil el kufr wa el îmân de Fathî el Mawsilî (232-238).

[3] fatâwâ e-sa’diya (578-584) ; voir : El irshâd ilâ ma’rifat el ahkâm (p. 558-559).

[4] Idem.

[5] Manhaj e-ta-sîs wa e-Taqdîs (p. 75-75).

[6] La vache ; 286

[7] Minhâj e-ta-sîs (p. 45).

[8] Voir : fadhâil el qur-ân incluse dans majmû’ muallafât e-Sheïkh (2/1/83), e-durar e-saniya (1/64-65), kashf e-shubhataïn (p. 80-81), irshâd tâlib el hudâ d’Abd e-Rahmân ibn Hasan (p. 43 et 45).

[9] Kashf e-shubhataïn (p. 83).Voir également : Kashf el awhâm wa el iltibâs d’ibn Sahmân (p. 48).

[10] Kashf e-shubuhât (p. 24).

[11] Fatâwa wa masâil inclues dans majmû’ muallafât e-Sheïkh (2/3/39).

[12] Voir : majmû’e-rasâil wa el masâil (4/370).

[13] Majmû’ e-rasâil wa el masâil (2/3/130).

ßÑíã ÒäÊíÓí 26 Dec 2014 07:28 PM

Précision sur un point qui va être développé





La divergence sur le tabdî’ du suiveur


Voici ce que nous trouvons dans kashf el qinâ’ : « Considéré pervers (tafsîq) le suiveur auteur d’une innovation pour laquelle nous taxons le prédicateur de mécréant est la tendance de Majd [le grand-père d’ibn Taïmiya]. Dans sa lettre à l’auteur d’e-tarkhîs, el Muwaffaq [ibn Qudâma] pour sa part, opte pour le non takfîr du prédicateur qui est motivé par un effort d’interprétation. Il se base sur la réaction d’Ahmed envers el Mu’tasim qu’il appelait : prince des croyants ! »[1]


Sheïkh ‘Abd Allah Abâ Btîn confirme la position de Majd ibn Taïmiya dans le passage suivant : « El Majd – qu’Allah lui fasse miséricorde – a dit : « Toute innovation pour laquelle nous faisons le takfîr des prédicateurs, nous donnons le statut de « pervers » (fâsiq) aux suiveurs. Ex. : dire que le Coran est créé, que les Noms d’Allah sont créés, qu’on ne peut le voir dans l’au-delà, proférer des insultes contre les Compagnons avec une intention religieuse, dire que la foi se confine dans la croyance, etc.


Toute personne qui a connaissance de ces innovations, qui les prêchent, et qui polémique à leur sujet est jugée mécréante, comme le stipule Ahmed dans plusieurs passages. » Fin de citation. Voyez, comment les a-t-il kaffar, bien qu’ils sont des ignorants. »[2]


Certaines annales venant des anciens semblent corroborer cette tendance. Ibn Abî Hâtim témoigne en effet : « J’ai interrogé Abû Zur’a et mon père au sujet de la tendance des traditionalistes dans les bases fondamentales (usûl) de la religion, et celle des savants qu’ils ont connue à travers toutes les contrées (le hijâz, l’Iraq, le Shâm, et le Yémen) ; ils m’ont répondu notamment : la foi est composée des paroles et des actes, elle peut monter et descendre… Celui qui prétend que le Coran est créé commet un acte de mécréance qui le fait sortir de la religion ; celui qui doute de sa mécréance parmi ceux qui comprennent est un mécréant également ; celui qui doute sur la Parole d’Allah (U) et qui ne se prononce pas par doute en disant qu’il ne sait pas si celle-ci est créée ou non est un jahmî ; pour celui qui ne se prononce pas au sujet du Coran par ignorance (jâhilan), il incombe de l’instruire et de le taxer d’innovateur, sans qu’il ne sorte pour autant de l’Islam. »[3]


Or, il incombe de relativiser cette tendance, et cela, pour plusieurs raisons :


1- Ibn Qudâma lui-même relativise sur le takfîr du prédicateur, comme le démontre le premier passage cité ci-dessus.


2- Nous avons également ramené une annale plus-haut relativisant la chose, et que nous remettons ici : Ahmed ibn Munî’ el Baghawî affirme : «Celui qui prétend que le Coran est créé est un jahmî, et celui qui ne se prononce pas sur le sujet parmi ceux qui ne comprennent rien (marchands, femmes, enfants), nous ne nous disons rien sur eux, et nous les instruisons sur la chose. »[4]


3- Le grand-père d’ibn Taïmiya fait la distinction entre le prédicateur et le suiveur dans les questions du takfîr. Cependant, s’il range le muqallid dans le cercle des innovateurs sans prendre la peine de faire l’iqâma el hujja, c’est uniquement pour les innovations aggravées (ghalîzha) faisant sortir de la religion. C’est, en tout cas, ce qu’il laisse entendre, wa Allah a’lam !


4- Il vaut se méfier de la croyance mu’atazilite selon laquelle les notions du bien et du mal peuvent être perceptibles sans passer par la Révélation ; comprendre que l’iqâma el hujja n’est pas indispensable à leurs yeux. Ces mêmes mu’atazilites s’accordent, avec certains ash’arites, à refuser la foi du muqallid sous prétexte que chacun est intellectuellement capable de parvenir à la vérité par la réflexion. Or, nous avons vu que l’homme était responsable uniquement dans les limites de ses possibilités et de ses connaissances. Malgré ses bonnes attentions, le pauvre muqallid ne sait pas s’il a tort ou raison, surtout qu’il est perdu devant une multitude d’opinions, et qu’il n’est pas capable de pénétrer les subtilités et les nuances auxquelles il est confronté pour une question donnée.[5]


5- Il existe plusieurs sortes de muqallid qui partent du savant d’une école, du muftî et du dhî pour arriver aux gens simples incapables de regarder dans les textes. Certes, les premiers sont inexcusables s’ils entêtent à suivre leur imâm dans l’erreur en toute connaissance de cause, mais les derniers n’ont pas les outils en main pour détecter sur quels principes se base leur Imam pour arriver à ses conclusions.[6] Ils ne seraient même pas en mesure de faire une liste des savants de leur école.


6- Certains érudits, à l’image d’el Mardâwî, avancent explicitement que le muqallid ne devient, suite à une erreur, ni un mécréant ni un pervers. Voici la teneur de ses propres : « Afficher son innovation, cela revient à l’exhiber ouvertement, contrairement à l’innovateur discret, et à en faire la prédication, et, si besoin est, à polémiquer pour la défendre. C’est de cette façon notamment que l’auteur et son commentateur l’ont défini. Le Qâdhî a dit : « L’innovateur qui affiche sa bid’a s’appuie dans sa conviction sur un certain nombre d’arguments, contrairement au suiveur. » Il souligne également au sujet de ce dernier : « Le suiveur ne devient ni un mécréant ni un pervers. » ».[7]


Ibn el Qaïyim a un discours qui va dans ce sens (nous avons ramené plus haut plusieurs passages de son maitre corroborant cette tendance). Il précise en effet, en parlant des adeptes des sectes (khawârij, mu’tazila, murjiya, etc.) qu’ils sont plusieurs catégories d’individus. L’un d’entre eux est un muqallid ignorant qui n’a aucune clairvoyance ; dans son cas, il ne devient ni kâfir, ni fâsiq (pervers), et on ne doit pas refuser son témoignage, étant donné qu’il n’est pas en mesure d’étudier la vérité.[8] Vu l’importance de ses paroles, je me permets de mettre le passage où il en parle en entier : « La première catégorie : le suiveur ignorant qui n’a aucune clairvoyance ; ce dernier ne devient ni mécréant ni pervers, et son témoignage n’est pas refusé ; dans la situation où il est incapable d’étudier et de distinguer la bonne voie. Il a le même statut que les gens faibles parmi les hommes, les femmes et les enfants : [qui n’ont pas trouvé de moyen ni aucun chemin. Ceux-là, Allah peut leur pardonner ; Allah est certes Compatissant et Absoluteur].[9]


La deuxième catégorie : celui qui est capable de se renseigner, de chercher et de trouver la vérité, mais qui, pour une raison ou pour une autre (occupations mondaines, quête de pouvoir de plaisir, et du bien-être, etc.), s’en détourne. Celui-là est concerné par la punition divine en raison de son laisser-aller ; il mérite un péché pour avoir négligé son devoir, car il lui est enjoint de craindre Allah dans la mesure du possible ; ce qu’il n’a pas fait. Son statut est le même que les désobéissants ayant délaissé certaines obligations. Ensuite, il faut voir s’il a un plus grand ascendant pour l’innovation et les passions que la sunna et la bonne direction ; dans ce cas, son témoignage est refusé, sinon, il sera accepté.


La troisième catégorie : celui qui se renseigne, qui recherche et qui est en mesure de trouver la vérité, mais qui la délaisse par suivisme, chauvinisme, ou par animosité envers ses tenants. Au meilleur des cas, celui-ci est considéré comme un pervers. Il peut atteindre le degré de mécréance en regard des différents points de vue et des différentes conclusions. Si, en plus de cela, il compte parmi les prédicateurs, son témoignage, ses fatwas et ses jugements seront refusés, sauf en cas de force majeure ; soit, dans la situation où ce genre d’individus est en surnombre et qu’ils sont en position de force.
Si les juges, les muftis, et les différents témoins proviennent de leurs rangs, il serait très difficile d’en faire abstraction, compte tenu des inconvénients énormes qu’une telle initiative engendrerait. Dans ce cas de figure, nécessité fait loi. »[10]


7- Nous avons vu précédemment que l’Imâm Ahmed s’était abstenu de taxer d’innovateurs plusieurs cas qui lui furent soulevés. Voici ici un exemple où il tient explicitement compte de l’ignorance dans les questions du tabdî’. D’après ibn Hânî, l’Imâm fut interrogé sur le fait de prier derrière quelqu’un qui préfère ‘Alî aux deux premiers Khalifes (Abû Bakr et ‘Omar). Celui-ci répondit : « Dans la situation où il est ignorant et inculte, je pense qu’il n’y a pas de mal à le faire. »[11]



[1] Kashf el qinâ’ (6/420).

[2] El intisâr li hisb Allah el muwahhidîn (p. 16-18).

[3] el hujja fî bayân el mahajja de Qawwâm e-sunna (2/424).

[4] E-Lâlakâî (1/176).

[5] Voir : e-sîl el jarrâh de Shawkânî (1/103).

[6] Voir : i’âna e-tâlibîn (4/217).

[7] El insâf d’el Mardâwî (2/254).

[8] El Qâsimî a rapporté ses paroles dans son tafsîr (5/1309).

[9] Les femmes ; 98

[10] E-turuq el hakamiya (1/255).

[11] El insâf d’el Mardâwî (2/48).

ßÑíã ÒäÊíÓí 26 Dec 2014 07:44 PM

Ibn Taïmiya répond à la shubha qu'en tenant compte de la mauvaise interprétation venant soit du mujtahid soit du muqallid, cela revient à offrir des excuses à tout le monde :



Ibn Taïmiya nous offre à ce sujet une analyse d’une subtilité incroyable, comme il en a le secret ; analyse aussi déroutante qu’envoûtante : « Neuvièmement : la raison à cela, c’est que l’excuse empêche la malédiction d’atteindre un cas particulier. Nous avons vu précédemment que les hadîth sur la menace divine ont uniquement pour fonction de montrer que tel acte engendre la malédiction ; il est la cause à l’origine de la malédiction.
On peut toujours avancer que cela n’implique nullement d’applique le statut correspondant à chaque individu l’ayant commis, mais cela implique que la cause est présente, sans pour autant engendrer le statut qu’il l’entraine ; cela veut dire qu’il n’y aurait aucun mal à le faire.
Nous avons établi précédemment que le mujtahid n’est pas condamnable. Mieux, il est plus grave d’autoriser moralement un péché que de la commettre. Pourtant, l’excuse est valable pour tout le monde.


On peut avancer également qu’on ne peut être qu’un mujtahid et un muqallid pour faire un péché, en sachant que ces deux sont excusables, cela veut dire que personne n’est condamnable !


Ce à quoi nous répondons : la réponse peut se voir sous plusieurs angles :


L’un : l’ambition est de montrer que tel acte est à l’origine de la punition indépendamment de se soucier qu’il existe quelqu’un pour le faire. Dans l’hypothèse où tous les fautifs ne remplissent pas les conditions pour recevoir la punition ou que celle-ci soit annulée en raison d’une restriction quelconque, cela ne remet nullement en question que ce péché soit interdit par la religion.
L’essentiel est de savoir ou de se rendre compte qu’il est interdit en vue de s’en éloigner. Néanmoins, la miséricorde divine veut qu’un fautif éventuel soit excusable pour une raison ou pour une autre. Sur ce principe, nous avons les petits péchés, qui, bien qu’ils soient interdits, sont expiables à condition d’éviter les grands péchés. Ce principe est le même pour tous les péchés qui ne font pas l’unanimité ; notre rôle consiste à les dénoncer, mais, au même moment un fautif motivé par l’ijtihad ou le taqlîd peut être excusable. Cela ne nous empêche nullement d’être convaincus que ce péché reste un péché.


Vu sous un autre angle, quand on met en lumière son statut, c’est en vue de dissiper toute ambiguïté faisant obstacle à la punition. Quand on est excusable en raison de sa mauvaise croyance, cela ne veut nullement dire qu’on doit rester ainsi, sans faire l’effort de se renseigner dans la mesure du possible. Sinon, cela remettrait en question le devoir de propager la science ; cela signifierait qu’il vaudrait mieux dans l’intérêt des gens de les laisser ignorants. Il n’y aurait plus aucun intérêt à expliquer, avec preuves à l’appui, les questions ambigües.


Sous un troisième angle, dévoiler le statut et la menace qui plane sur un péché conforte les gens sains à s’en éloigner ; sans cette campagne de sensibilisation, ce péché prendrait du terrain dans les rangs.


Sous un quatrième angle, quand on parle d’excuse, on fait naturellement allusion à celui qui n’est pas capable d’y remédier. Sinon, dès lors qu’il est en mesure de connaitre la vérité, il n’est plus excusable pour son laisser-aller.


Sous un cinquième angle, il n’est pas évident de dire que l’ijtihâd et le taqlîd sont une excuse dans l’absolu. Il y a des cas où ils ne sont pas tolérés. Pour eux, la cause à l’origine de la menace divine est bel et bien effective, et l’ijtihâd et le taqlîd ne constituent plus une restriction dans leur cas. Ils sont donc passibles de la punition, celle-ci est même toute désignée, sauf, bien sûr, si aucune autre restriction ne vient intercéder en leur faveur (repentir, bonnes œuvres expiatrices, etc.).


De plus, l’ijtihâd et le taqlîd ne sont pas des notions constantes. Quelqu’un peut être motivé dans son acte par l’un de ses deux facteurs en pensant qu’il est en droit de le faire, mais le fait est qu’il peut soit avoir tort soit avoir raison. L’essentiel, c’est de garder la vérité entre les yeux, et de mettre les passions de côté ; auquel cas, Allah n’impose rien à l’homme qui soit au-dessus de ses forces. »[1]

[1] Majmû’ el fatâwâ.

ßÑíã ÒäÊíÓí 27 Dec 2014 01:57 PM



Ibn Bâbtîn
(Partie 6)


Nous avons vu qu’ibn Jarjîs et ibn Mansûr s’appuyaient sur le discours d’ibn Taïmiya et d’ibn el Qaïyim pour défendre leur opinion. ‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân met en lumière les véritables intentions des deux Imams sur la question : « Le discours des deux Sheïkh est suffisamment clair dans tous les passages en question. Ces derniers ne kaffar pas les auteurs de certaines paroles ou de certains actes, étant donné que la chose n’est pas facile à détecter pour ces gens-là, et qu’ils n’ont pas reçu la hujja. Ainsi, ils s’abstiennent de condamner certains fautifs au châtiment avant l’étape de l’iqâma el hujja. Ils parlent de questions bien précises et sur lesquelles il existe une divergence entre les savants de la communauté.


Quant à l’invocation et l’appel au secours des morts, en s’orientant vers eux lors des moments difficiles, tout le monde s’accorde à dire que c’est interdit et que cela relève de la grande association. Nous avons vu précédemment que le Sheïkh condamne à la peine de mort quiconque refuse de s’en repentir… »[1]


Le problème, c’est que Dâwûd ibn Jarjîs ne pénètre pas ces nuances. Il attribue à ibn Taïmiya et à son élève un discours erroné. Il s’imagine qu’ils ne condamnent pas ces pratiques païennes. Pire, il s’imagine que l’erreur dans ces domaines rapporte une récompense dans l’absolu à celui qui n’en a pas connaissance. Or, il incombe de distinguer entre l’acte auquel le Législateur donne le statut d’« association », de « mécréance » ou de « perversité » et la personne. Le fait qu’une personne peut être excusable, cela ne rend en aucun cas son acte louable. Il y a une différence entre le statut d’un acte et le statut de son auteur.[2]


L’Imam Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb lui reproche cette tendance. Il souligne que les textes d’ibn Taïmiya qu’il utilise ne vont absolument pas dans le sens qu’il lui donne.[3]


En outre, d’ibn Taïmiya lui-même considère que le ta-wîl est une restriction au takfîr dans maints passages de ses ouvrages, dont : « Celui qui fait une mauvaise interprétation des textes, mais dont les intentions sont de suivre scrupuleusement le Messager (r), il ne devient pas mécréant ni pervers, s’il se trompe à la suite d’un effort d’interprétation. Ce principe est notoire pour les questions pratiques (furû’ ndt.). Quant aux questions liées au dogme (usûl ndt.), bon nombre de gens ne donnent pas d’excuse à celui qui se trompe dans ce domaine. Or, cette tendance n’est connue par aucun Compagnon ni par leurs fidèles successeurs ni par les grandes références de l’Islam. Elle prend son origine chez les innovateurs qui innovent des principes et qui sortent de l’islam tous ceux qui ne veulent pas s’y soumettre, à l’image des kharijites, des mu’atazilites, et des jahmites. Bon nombre d’adeptes des quatre écoles l’ont adoptée, comme certains malikites, certains shafi’ites, certaines hanbalites, et d’autres. »[4]


Il dit également : « Les erreurs de ceux qui font un effort d’interprétation dans les deux domaines el khabariya (ou furû’ ndt.) et el ‘almiya (ou usûl ndt.) sont pardonnées. »[5]


Autre explication possible


Il est possible d’expliquer d’une autre façon le passage précédent d’Abâ Btîn. Il convient en effet de préciser qu’il faut distinguer entre les questions évidentes, qui ne sont pas propres rappelons-le au shirk akbar, et les questions subtiles de la religion. Il est vrai que pour les premières, l’erreur d’interprétation et l’ignorance ne sont pas une excuse. Non en elles-mêmes, mais parce qu’il est inconcevable de se tromper dans un domaine où les choses sont aussi claires, contrairement aux questions subtiles dans lesquelles même de grands savants commettent des erreurs.[6] Concernant, les erreurs d’interprétation pour les questions subtiles de la religion, l’Imam Shâfi’î ramène un consensus à son époque disant qu’elles sont excusables.[7] Même discours chez ibn Hazam,[8] ibn Taïmiya,[9] et ibn Hajar el ‘Asqalânî.[10] Certains savants comme Sheïkh el ‘Uthaïmîn, entrent plus dans les détails. Ils font une autre distinction pour le ta-wîl excusable entre le ta-wîl musawwa’, dans le sens où il a une origine dans la langue arabe, même si la conclusion est fausse et le ta-wîl ghaïr musawwa’ qui n’a aucune origine dans la langue arabe.[11]


Bref, Abâ Btîn fait allusion aux questions évidentes dont fait partie le shirk akbar. Mais, me direz-vous, qu’est-ce qui nous fait dire cela ? Nous disons, le contexte et surtout la suite du passage que l’adversaire utilise et dans lequel l’auteur voit le ‘udhr bi el jahl dans les questions subtiles de la religion. Ensuite, il nous fait comprendre que ce discours est relatif, car en reprenant le passage d’ibn Taïmiya qui ne donne pas de circonstance atténuante à certaines catégories d’individus, il nous en dévoile la raison. Autrement dit, car les erreurs en questions touchent aux questions évidentes de la religion. De plus, le discours d’ibn Taïmiya relativise, car il parle en fait de Râzî, en voulant dire que les gens de son acabit n’ont pas le droit à l’erreur sur des choses aussi claires. Ce qui n’est pas le cas des muqallid ignorant. On voit bien que ce discours est relatif comme nous le disons depuis le début.


Par ailleurs, en s’arrêtant sur le consensus revendiqué par Abâ Btîn, nous verrons que d’autres savants comme l’Imam el Qarrâfî el Mâliki,[12] et Mohammed Rashîd Ridhâ[13] font le même constat. En sachant que le dernier cité fait exception au nouveau converti et au bédouin qui habite loin des villes, ce qui rejoint notre discours.


Or, pour être plus précis, il faudrait dire que cette opinion est celle de la majorité des savants, comme le rapporte l’Imam hanafite Sadr e-Dîn el Qûnawî et ‘Alî el Qârî.[14]


En outre, dans un autre passage, l’Imâm Abâ Btin nous fait part du fond de sa pensée, en expliquant qu’en donnant des excuses à un ignorant dans les questions claires, cela implique de confiner le kufr dans le juhûd,[15] ce qui n’est pas tout à fait vrai, comme nous l’avons déjà expliqué. Lui-même nuance la chose dans certains passages de son œuvre où, certes, il démentait les paroles d’Ibrahim ibn ‘Ajlân qu’il attribuait à ibn Taïmiya et ibn el Qaïyim sur le ‘udhr bi el jahl, car à ses yeux, ce serait confiné le kurf dans le… ‘inâd.[16] Néanmoins, il a également d’autres paroles qui n’ont pas moins d’autorité que celles-ci. Qu’on en juge : « Ses paroles – qu’Allah lui fasse miséricorde –[17], disant qu’il n’est pas possible de les taxer d’apostats (kaffar), pas avant de leur avoir exposé les enseignements du Messager (r), ou en d’autres termes, qu’il n’est pas possible de les kaffar en personne, ou en particulier, en affirmant par exemple qu’un tel est un kâfir ou toute autre formule du genre. Cependant, nous disons que tel acte relève de la mécréance et que l’auteur de cet acte est mécréant. Il a donc jugé dans l’absolu que l’auteur d’un tel acte est un kâfir un nombre de fois incalculable dans ses ouvrages. Il a même relevé le consensus disant que l’auteur de ces pratiques païennes est un apostat… »[18]


Trois hypothèses sont possibles pour résoudre ce mystère : soit, l’Imam réfute ceux qui refusent dans l’absolu de kaffar l’ignorant dans le domaine du tawhîd, même celui qui vit en terre musulmane et qui a les possibilités de le connaitre, alors qu’ibn Taïmiya et son élève, précise que l’excuse est accordée au nouveau converti, ou au bédouin qui vit loin des villes, certes, mais pas à tout le monde. J’espère que l’adverse conçoit la nuance ; soit, un peu comme l’adversaire, toute proportion gardée, ibn Battîn pénétrait mal la tendance des deux Imams sur ce point précis ; soit, il est tout simplement revenu sur sa première tendance. Quoi qu’il en soit, la tendance des deux Imams est claire sur ce point, comme nous l’avons expliqué ailleurs.[19]


Ainsi, en regroupant les paroles des uns et des autres, on arrive mieux à pénétrer leurs intentions de leurs auteurs, ou tout au moins, à conjuguer entre elles.


Concernant le passage : « Sans compter que les partisans de cette tendance sont obligés d’aller à l’encontre de leur propre principe. Sinon, nul doute qu’ils deviennent eux-mêmes des mécréants. C’est du même ordre que de s’abstenir de kaffar celui qui doute de la mission de Mohammed (r). »


Midhat el Farrâj lui-même relativise merveilleusement ce discours dans un autre de ses ouvrages.[20]


À suivre…





[1] Voir : minhâj e-ta-sîs (p. 265).

[2] Idem.

[3] kashf e-shubhataïn (p. 80-81).

[4] Voir : minhâj e-sunna (5/240).

[5] majmû’ el fatâwa (20/33).

[6] ‘âridh el jahl (p. 51).

[7] El umm (6/205).

[8] El fisal (6/205).

[9] Majmû’ el fatâwa (5/563), et manhaj e-sunna (5/239).

[10] Fath el Bârî (12/304).

[11] Majmû’ e-thamîn (2/63).

[12] Sharh tanqîh el fusûl (p. 439).

[13] Hâshiya e-rasâil e-najdiya (4/517).

[14] Voir : ‘âridh el jahl (p. 571-583).

[15] E-durar e-saniya (10/400).

[16] Voir : risâla fî bayân e-shirk wa ‘adam i’dhâr jâhilihi (p. 30).

[17] En parlant des paroles d’ibn Taïmiya dans son radd ‘ala el bakrî (p. 376) auxquelles l’adversaire n’a jamais répondu.

[18] Voir : el intisâr li hizb el muwahhidîn (p. 29) ; il est compilé dans majmû’a ‘aqîda el muwahhidîn.

[19] nawâqid el îmân el i’tiqâdiya du D. Mohammed ibn ‘Abd Allah ibn ‘Alî el Wuhaïbî (1/282-283).

[20] Voir : fath el ‘Alî el Hamîd fî sharh kitab mufîd el mustafîd (p. 110-119 et 249-267).

ßÑíã ÒäÊíÓí 28 Dec 2014 05:51 PM





Ibn Bâbtîn
(Partie 7)


Puis, Abâ Btin poursuit : « Quant à l’homme qui demanda à sa famille de brûler son corps après sa mort, Allah lui pardonna certes, bien qu’il doutait d’un Attribut divin. La raison, c’est que la preuve céleste ne lui était pas parvenue sur le sujet, comme le prétend plus d’un savant. Sheïkh Taq-ï e-Dîn [ibn Taïmiya] – qu’Allah lui fasse miséricorde – explique qu’en doutant d’un des Attributs du Seigneur on devient mécréant ; dans le cas d’un individu qui n’est pas censé ignorer ce point. Ce statut n’englobe pas celui qui n’est pas censé le savoir. C’est la raison pour laquelle le Prophète (r) n’a pas kaffar l’homme ayant douté pourtant du Pouvoir d’Allah, étant donné que la preuve céleste ne lui était pas parvenue. »


Nous avons déjà expliqué ce point plus haut, mais nous pouvons ajouter ici que les savants d’aimmat e-da’wa reprennent ce discours d’ibn Taïmiya, comme en témoigne le passage suivant d‘Abd Allah, le fils d’ibn ‘Abd el Wahhâb : « Certains textes scripturaires démontrent qu’Allah ne châtie pas pour une erreur commise par un adepte de notre communauté. D’après le recueil e-sahîh, selon Abû Huraïra (y), le Messager d’Allah a dit : « Un homme, qui n’avait fait aucune bonne action, recommanda à sa famille avant de mourir. « Après ma mort, brûler ma dépouille. Puis, dispersez-en une partie dans la mer et l’autre partie sur la terre ferme. Par Allah ! S’Il venait à me reprendre, Il m’infligerait un châtiment comme Il ne l’a jamais infligé à personne dans toute l’Humanité. » Après sa mort, ses vœux furent exaucés, mais Allah ordonna à la terre ferme et à la mer de rassembler ses cendres. Puis, Il le questionna : « Qu’est-ce qui t’a poussé à faire cela ?
  • C’est la peur de subir ton courroux, Mon Seigneur ! » C’est alors qu’Il lui pardonna. »[1]
Ce hadîth a été certifié par plusieurs voies que rapportent un certain nombre de Compagnons…


Cet homme en question doutait et ignorait qu’Allah (I) avait le Pouvoir de le reconstituer ; il avait alors recommandé à sa famille d’éparpiller ses cendres. Pourtant, cet homme était dans l’ensemble, un croyant. Il croyait, dans l’ensemble, au dogme de la Résurrection ; soit qu’Allah allait rétribuer les hommes en bien ou en mal après leur mort. Cette croyance est une bonne œuvre en elle-même. Elle intercéda en sa faveur lorsqu’Allah décida de lui pardonner. Son erreur fut mise au compte de la peur extrême ; en sachant que de nombreux adeptes de notre communauté commettent des erreurs de ce genre.


Pourtant, les savants s’accordent à ne pas kaffar pour les erreurs commises par les musulmans. Par exemple, certains Compagnons contestaient que les morts puissent entendre. D’autres contestaient que le voyage nocturne eut lieu à l’état d’éveil.


Shuraïh el Qâdhî, quant à lui, il contestait la lecture [bel ‘ajibtû wa yaskharûn][2] ; en ayant Allah pour sujet du verbe ‘ajiba (s’étonner, se réjouir, plaire à ndt.), sous prétexte qu’Allah ne pouvait s’étonner de quelque chose. Quand Ibrahim e-Nakha’î eut écho de son opinion, il eut la réaction suivante : « Shuraïh est un poète imbu de son savoir, mais ‘Abd Allah, qui est plus érudit que lui, lisait : [bel ‘ajibtû wa yaskharûn] (au lieu de ‘ajibta ndt.). »


Ce fameux Shuraïh contestait une lecture pourtant reconnue, et qui plus est, un Attribut confirmé par le Coran et la sunna. Or, à l’unanimité des musulmans, Shuraïh compte parmi les grandes références de la Nation. »[3]


Passons à la suite : « Cette tendance est celle d’ibn ‘Aqîl qui interprète ce hadîth en disant que la da’wa ne lui était pas parvenue. Taq-ï e-Dîn opte pour cette opinion pour les questions qui touchent aux Attributs divins, mais pas pour celles qui touchent au shirk ou autre, comme nous allons le voir à travers certains de ses passages in shâ Allah. Nous avons déjà cité auparavant les passages où il kaffar les monistes et d’autres innovateurs. Il alla jusqu’à kaffar tout ceux qui douteraient de leur mécréance. »


Pourtant, de nombreux textes d’ibn Taïmiya ne font pas la distinction entre les usûls (points élémentaires de la religion) – dont le shirk akbar – et les furû’ (points subsidiaires) sur la question du ‘udhr bi el jahl. Qu’on en juge : Ibn Taïmiya dit également : « Le fait qu’une parole relève du kufr n’implique pas nécessairement de kaffar quiconque la prononce par ignorance, ou suite à une erreur d’interprétation. Établir la mécréance sur un cas particulier revient à établir qu’il est concerné par la menace divine, qui est pourtant soumise à des conditions et à des restrictions. »[4]


« C'est pourquoi je disais aux jahmites panthéistes et négateurs qui reniaient qu’Allah (U) fût sur Son Trône à l’époque où leur fitna commença ; que si j’avais été l’auteur de vos paroles, j’aurais été un kâfir. Moi, en effet, je sais pertinemment que vos paroles relèvent de la mécréance, mais, à mes yeux, vous n’êtes pas des kuffar étant donné que vous êtes des ignorants. Je m’adressais ainsi à leurs juges, leurs savants, leurs Sheïkh et leurs émirs. À l’origine, leur ignorance provient des arguments de la pensée, de la part de leurs leaders, qui étaient ambigus, car leur bagage dans le domaine des textes authentiques, qui sont conformes à la raison saine, était léger. »[5]


« Quiconque croit que son Sheïkh pourvoit à ses besoins, qu’il le soutient, le guide, lui apporte son secours et son aide ; ou qui parfois lui voue l’adoration, des invocations et des prosternations ; ou qui le préfère au Prophète (r) soit dans l’absolu soit en lui reconnaissant certaines distinctions qui le rapprocheraient davantage du Seigneur ; ou que lui ou son Sheïkh sont exempts de suivre le Prophète (r) ; tous ces types d’individus sont des mécréants s’ils affichent ces croyances ou des hypocrites s’ils les tiennent secrètes.


Si ces types d’individus sont nombreux à notre époque, c’est parce que ceux qui prêchent le savoir et la foi se font rares et que les traces de la Révélation se sont estompées dans la plupart des pays. La plupart de ces gens-là n’ont pas un héritage suffisant de la Révélation pour leur permettre de connaitre le bon chemin. Beaucoup d’entre eux n’y ont pas accès. Lors des périodes d’affaiblissement ou d’intervalle entre les révélations (fatarât) et les endroits qui accusent ce phénomène, l’individu est récompensé pour la foi infime qu’il détient. Allah pardonne plus facilement à celui qui n’a pas reçu la hujja qu’à celui qui l’a reçue, comme en témoigne le fameux hadîth : « Il viendra une époque où personne ne connaitra ni prière ni jeûne ni pèlerinage ni ‘umra en dehors du vieil homme et de la vieille femme qui diront : « À l’époque de nos parents, les gens disaient : la ilâh illa Allah ! » On demanda à Hudhaïfa ibn e-Nu’mân (t) : « Cela pourra-t-il leur servir ?
  • Cela va les sauver de l’Enfer, répondit-il. »[6]
En principe, toute parole qui relève de la mécréance, selon le Livre d’Allah, la sunna et le consensus des savants, est jugée ainsi dans l’absolu (qawl yutlaq), comme le prouvent les arguments textuels ; la foi fait partie des lois qui émanent d’Allah et de son Messager. Elle n’est pas laissée à l’initiative des hommes laissant libre court aux passions et aux suspicions. De plus, toute personne disant ces paroles n’est pas nécessairement un kâfir sans remplir les conditions ni écarter toute restriction possible pour le devenir. »[7]


« Les philosophes et les ésotéristes (tiniya) sont des mécréants dont la mécréance est manifeste chez les musulmans[8]… toutefois, celui qui ne les connait pas vraiment ne pénètre pas leur tendance. Il est même possible qu’il s’imprégner de certaines de leurs idées, pour celui qui ne sait pas que c’est de la mécréance. Il est donc excusable en raison de son ignorance (ma’dhûr li jahlihî). »[9]


« Quiconque attribue à un autre qu’Allah ce qui n’appartient qu’à Lui est également un mécréant si la preuve céleste considérant comme mécréant tous ceux qui la délaissent est établie contre lui. »[10]


« Après s’être imprégné des enseignements du Messager (r), il devient évident qu’il n’a jamais légiféré à sa communauté d’invoquer qui que ce soit parmi les morts : Prophètes, gens pieux, etc. ni à travers la formule d’el istighâtha (appel au secours) ou autre ni à travers la formule d’el isti’âna (appel au soutien) ou autre. Il n’a pas légiféré non plus à sa communauté de se prosterner devant un mort, un vivant, ou de faire toute autre chose de ce genre. Nous savons plutôt qu’il (r) a formellement interdit ce genre de choses comme il a jugé ces pratiques relevantes de l’association interdite par Allah et Son Messager. Néanmoins, en raison de l’ignorance prépondérante, du nombre restreint de personnes initiées aux traces de la Prophétie parmi les dernières générations, nous ne pouvons pas condamner facilement les gens d’apostats pour ces raisons, avant de les avoir mis au courant des enseignements du Messager stipulant la non-pertinence de leurs pratiques. C’est pourquoi, je n’ai jamais démontré ce point à des personnes imprégnées du principe de l’Islam sans qu’elles se remettent en question en disant : c’est le principe même de la religion. Certains grands doyens expérimentés parmi nos amis disaient : c’est la plus grande chose que tu ais pu nous expliquer, car ils avaient pleine conscience que cela concernait le principe élémentaire de la religion. »[11]


Quant aux textes où ibn Taïmiya kaffar l’auteur de tel ou tel acte, il parle du statut absolu non du cas particulier qui, lui, est soumis à des conditions à remplir et à des restrictions avant de pouvoir se prononcer dessus. Il explique que cette distinction à échapper à de nombreux adeptes des quatre écoles, dont les hanbalites comme nous allons l’expliquer.


À suivre…





[1] Cette histoire est rapportée par el Bukhârî (7505) et Muslim (2757).

[2] Les rangées d’anges ; 12

[3] Majmû’ e-rasâil wa el masâil (1/195-196) et e-durar e-saniya (10/245-246).

[4] Voir : minhâj e-sunna (4/458).

[5] E-rad ‘alâ el bakrî (2/494).

[6] Rapporté par ibn Mâja (4049) ; Sheïkh el Albânî l’a authentifié dans silsilat el ahâdîth e-sahîha (87).

[7] Majmû’ el fatâwa (1/113).

[8] Ibn Taïmiya lui-même, comme nous l’avons souligné, taxe d’apostasie certaines adeptes du soufisme panthéiste et jahmiste comme el hallaj, ibn Sabrîn, ibn ‘Arabî, el Qunâwî, e-Tlemceni [voir majmû’ el fatawa (2/175), et majmu’ e-rasâil wa el masâil (4/82, 85)].

[9] Sharh el ‘aqida el asfahaniya (p. 211).

[10] Majmû’ el fatâwa (1/112) et e-rad ‘alâ el bakrî (p. 214).

[11] El istighâtha (2/731). Il a expliqué ailleurs : « Si nous citons sans restriction les textes concernant le sort de l’homme dans l'au-delà (el Wa’d wa el Wa’îd) et si nous employons les termes d’apostat (Takfîr) et de pervers (Tafsîq), nous ne pouvons pas faire entrer une personne en particulier dans leur sens général avant d’établir à son encontre ce qu’ils impliquent de façon irréfutable. » [Voir : majmû’ el fatâwâ (28/500-501)].

ßÑíã ÒäÊíÓí 29 Dec 2014 01:48 PM





Ibn Bâbtîn
(Partie 8)


Puis, il poursuit : « L’auteur qui recense les opinions propres (ikhtiyârât) de Taq-ï e-Dîn explique : « L’apostat est celui qui commet l’association, qui déteste le Messager ou ses enseignements, qui ne condamne pas le mal ne serait-ce qu’avec son cœur… ou qui place des intermédiaires entre Son Seigneur et lui, en qui il remet sa confiance, à qui il réserve ses demandes et ses invocations. Il devient mécréant à l’unanimité des savants. Quiconque doute d’un Attribut divin (les paroles sont d’ibn Taïmiya) devient apostat si dans son cas il n’est pas censé les ignorer, mais ce statut n’englobe pas celui qui n’est pas censé les connaitre. C’est la raison pour laquelle le Prophète (r) n’a pas kaffar celui qui doutait du Pouvoir d’Allah (I). »


Nous avons déjà soulevé ce point plus haut, mais notons au passage que ce passage ne va pas en faveur de Midhat el Farrâj.


Puis, il enchaine : « Il a donc désigné un certain nombre de fautes qui ne font pas sortir de la religion, et fit exception, dans le domaine des Attributs divins, à l’ignorant à qui il accorde une excuse. En sachant que Sheïkh – qu’Allah lui fasse miséricorde – ne se prononce pas sur notamment le takfîr des jahmites, contrairement à l’opinion de l’Imam Ahmed et d’autres grandes références de l’Islam. »


C’est exactement ce genre de compréhension que condamne ibn Taïmiya ici : « Par ailleurs, certains savants de notre école des nouvelles générations ont divergé sur la question de savoir si la personne ayant commis un acte de kufr, est vouée à l’Enfer éternel. La plupart estime que oui, comme le stipule un certain nombre d’anciens traditionnistes, à l’exemple d’Abû Hâtim, Abû Zur’â et de bien d’autres. D’autres désapprouvent ce jugement.


La raison à l’origine de cette divergence, c’est que les textes se « contredisent » à leurs yeux. Ils sont confrontés à des textes qui réclament de kaffar les auteurs de certaines paroles, mais au même moment, ils voient que certains d’entre eux avaient une foi telle, qu’ils n’étaient pas concernés par ce statut. Ainsi, les textes s’opposaient.


En réalité, ils avaient raison de prononcer un jugement absolu, comme l’ont fait ces fameux Imams avec les textes scripturaires ; ils disaient en effet que celui qui dit telle chose est un kâfir. À les entendre, ils donnaient l’impression à ces savants que ce jugement englobait tous les cas possibles. Cependant, ils ne sont pas mis à l’esprit que le takfîr est soumis à des conditions à remplier et à des restrictions à exclure pour chaque cas particulier.
Ainsi, le takfîr el mutlaq (absolu) n’implique pas forcément le takfîr el mu’ayin (particulier), sauf dans la situation où toutes les conditions pour le faire soient remplies et où toute restriction obligeant à s’abstenir soit en même temps exclue. »[1]


En outre, il établit que les anciens ne faisaient pas de distinction entre les types d’erreur dans la question du ‘udhr bi el jahl, comme nous l’avons vu. Voici d’autres textes allant dans ce sens.


« Celui qui fait une mauvaise interprétation des textes, mais dont les intentions sont de suivre scrupuleusement le Messager (r), il ne devient pas mécréant ni pervers, s’il se trompe à la suite d’un effort d’interprétation. Ce principe est notoire pour les questions pratiques (furû’ ndt.). Quant aux questions liées au dogme (usûl ndt.), bon nombre de gens ne donnent pas d’excuse à celui qui se trompe dans ce domaine. Or, cette tendance n’est connue par aucun Compagnon ni par leurs fidèles successeurs ni par les grandes références de l’Islam. Elle prend son origine chez les innovateurs qui innovent des principes et qui sortent de l’islam tous ceux qui ne veulent pas s’y soumettre, à l’image des kharijites, des mu’atazilites, et des jahmites. Bon nombre d’adeptes des quatre écoles l’ont adoptée, comme certains malikites, certains shafi’ites, certaines hanbalites, et d’autres. »[2]


Il faut prendre dans leur sens général les paroles des anciens taxant certaines sectes d’apostasie, comme les jahmites, les qadarites, ou encore les rafidhites. Cela ne veut pas dire qu’il faille les appliquer sur des cas particuliers et que chaque membre de ces sectes est concernée par ce statut.[3] L’imam Ahmed n’a pas kaffar (taxer d’apostasie) chaque jahmite ni tous ceux qui se revendiquent jahmites ni tous ceux qui s’accordent avec certaines de leurs idées. Il a même prié derrière les khalifes jahmites, comme el Ma-mûn qui imposait à ces sujets de suivre sa tendance sous peine de leur faire subir des punitions très sévères. Ahmed ne remettait pas en question leur appartenance à l’islam et consacrait même des invocations en leur faveur.[4]


Ainsi, quelqu’un est susceptible de prononcer une parole qui relève de la mécréance, car il n’a pas en main les textes lui permettant de parvenir à la vérité ; ou bien même en sa possession, il remet en question leur sens ou leur authenticité ; ou il n’est pas en mesure de les comprendre correctement ; ou encore est-il accroché a des arguments ambigus qui font obstacle à la bonne compréhension et qui font qu’il est excusable. Allah pardonne au croyant qui qu’il soit, lorsqu’il commet une erreur malgré ses efforts à la recherche de la vérité. Il n’y a pas de différence en cela, entre les questions théoriques (usûl ndt.) ou pratiques (furû’ ndt.) ; cette tendance est celle des Compagnons et de la plupart des grandes références de l’Islam.[5]


Allah ne tient pas rigueur de l’erreur et de l’oubli et l’état de mécréance ne peut être constaté avant l’étape d’éclaircissement ou avant d’en fournir les preuves.[6]


L’imam Mohammed lui-même ibn ‘Abd el Wahhâb rappelle que les grandes références traditionalistes à l’exemple de l’Imam Ahmed faisaient la distinction entre le cas général et le cas particulier.[7] Juger qu’une pratique relève de la mécréance ne nécessite pas forcément de taxer de mécréants tous ceux qui la font. Il alla jusqu’à s’abstenir de kaffar les auteurs de certaines poésies contenant du kufr, car il n’était pas formel sur leur cas. Il ne se prononçait pas sur les morts ; il y avait toujours l’éventualité, aussi faible fût-elle, que certaines excuses jouaient en leur faveur. Il se contentait de juge ceux qui refusaient sa prédication par orgueil et obstination. Contre ceux-là, oui, son jugement était imparable.[8]


Sheïkh ‘Abd Allah Abâ Btîn a également ce discours, comme nous l’avons vu précédemment.


La suite de sa citation va exactement dans ce sens :


« El Majd (son grand-père ndt.) – qu’Allah lui fasse miséricorde – a dit : « Toute innovation pour laquelle nous faisons le takfîr des prédicateurs, nous donnons le statut de « pervers » (fâsiq) aux suiveurs. Ex. : dire que le Coran est créé, que les Noms d’Allah sont créés, qu’on ne peut le voir dans l’au-delà, proférer des insultes contre les Compagnons avec une intention religieuse, dire que la foi se confine dans la croyance, etc.


Toute personne qui a connaissance de ces innovations, qui les prêchent, et qui polémique à leur sujet est jugée mécréante, comme le stipule Ahmed dans plusieurs passages. » Fin de citation. Voyez, comment les a-t-il kaffar, bien qu’ils sont des ignorants. »[9]


Ainsi, il est interdit de taxer un ignorant d’apostat sans auparavant avoir fourni contre lui les preuves prophétiques (el hujja e-risâliya) lui éclaircissant qu’il va à l’encontre de la loi divine. C’est valable pour n’importe quel auteur d’une parole qui, en elle-même, relève de la mécréance. En sachant que certaines hérésies (bid’a) sont plus graves que d’autres et que certains innovateurs ont une foi plus ancrée que d’autres. Personne n’est habilité à taxer de mécréant n’importe quel musulman qui a commis une erreur. Il ne convient pas de le faire avant de lui expliquer son erreur et d’établir toutes les preuves contre lui. Lorsque la foi est avérée chez un individu avec certitude, on ne peut la lui retirer sur une simple suspicion. La seule chose qui permet de le faire, c’est d’établir toutes les preuves contre lui et de dissiper de son esprit toute ambigüité (iqâmat el hujja wa izâlat e-shubha).[10]


Les Textes divins concernant le mauvais devenir de l’homme (wa’îd) et les paroles provenant des grandes références sur les questions du takfîr (taxer quelqu’un d’apostat), du tafsîq (taxer quelqu’un de pervers), et autres, n’impliquent pas qu’ils faillent les appliquer à une personne en particulier sauf si celle-ci répond aux conditions pour le faire et si toute restriction en est exclue.[11]


À suivre…





[1] Mujmû’ el fatâwâ (12/487-488).

[2] Voir : minhâj e-sunna (5/240).

[3] Voir : el istiqâma (1/164) et Majmû’ el fatâwa (7/619) tout deux d’ibn Taïmiya. À ses yeux, lorsque les savants anciens considèrent apostat (kaffar) l’auteur de la parole : « le Coran est incréé », cela ne veut pas dire que tous ceux qui la prononcent sont des kuffars (mécréants).

[4] Majmû’ el fatâwa (7/507-508).

[5] Majmû’ el fatâwa (23/326).

[6] Idem. (12/523-524). Des textes de ce genre, il en existe beaucoup d’autres. Le D. ‘Abd el Majîd el Mish’abî est l’auteur d’une thèse ayant pour titre ; manhaj ibn Taïmiya fî mas-alat e-takfîr (1/251-261) où il démontre, avec de nombreux textes d’ibn Taïmiya à la clef, que ce dernier tient compte du ‘udhr bi el jahl dans iqâmat el hujja ; voir notamment en vrac : majmû’ el fatâwa (3/231), (5/538), (6/61), (11/406), (11/409-410) (11/412-413), (20/36), (35/165-166), e-rad ‘alâ el Akhnâî (p. 61-62), e-Safdiya (1/233), e-rad ‘alâ el bakrî (p. 259), bughiya el murtâd (p. 311), el istiqâma (1/30), dur e-ta’ârudh (8/238), et el Asfahâniya (p. 127-128).

[7] Mukhtasar e-sharh el kabîr wa el insâf comprise dans majmû’ muallafat e-Sheïkh (4/511).

[8] Ta-yîd el Malik el Manân fî naqdh dhalâlât Dahlân (p. 124).

[9] El intisâr li hisb Allah el muwahhidîn (p. 16-18).

[10] Majmû’ el fatâwa (12/393).

[11] Idem. (10/372).

ßÑíã ÒäÊíÓí 30 Dec 2014 10:04 AM

Ibn Bâbtîn
(Partie 9)


Remarque


Pour finir, j’aimerais attirer l’attention sur deux points.


1- Ce n’est pas parce que certains innovateurs tirent à leur avantage certains textes d’ibn Taïmiya et de son élève qu’il faut les rejeter. Il suffit simplement de les orienter dans le bon sens. Sheïkh Sulaïman ibn Sahmân rapporte les paroles suivantes d’ibn Jarjîs : « Il n’est pas simple de kaffar le musulman. Les savants, comme Sheïkh ibn Taïmiya et ibn el Qaïyim, sont unanimes à dire que l’ignorant et celui qui commet une erreur et appartenant à cette communauté, fait un acte qui, en principe doit le rendre mushrik ou kâfir, est excusable (ya’dhur bi el jahl wa el khata), jusqu’à ce qu’il ait connaissance de la preuve prophétique de façon claire et limpide et qu’il n’ait aucune confusion sur la question. »


Puis, il explique : « Quant à taxer de kâfir un musulman, nous avons vu que les wahhabites ne kaffar pas les musulmans. Sheikh Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb – qu’Allah lui fasse miséricorde – fait partie de ceux qui prennent le plus de précautions avant de se prononcer sur le takfîr, à tel point qu’il n’est pas formel sur l’ignorant qui implore un autre qu’Allah parmi les occupants des tombes ou autres, s’il ne trouve personne pour le conseiller et pour lui faire parvenir la hujja par laquelle tous ceux qui s’y opposent deviennent mécréant. »[1]


C’est exactement le discours d’ibn Taïmiya disant : « En principe, toute parole qui relève de la mécréance, selon le Livre d’Allah, la sunna et le consensus des savants, est jugée ainsi dans l’absolu (qawl yutlaq), comme le prouvent les arguments textuels ; la foi fait partie des lois qui émanent d’Allah et de son Messager. Elle n’est pas laissée à l’initiative des hommes laissant libre court aux passions et aux suspicions. De plus, toute personne disant ces paroles n’est pas nécessairement un kâfir sans remplir les conditions ni écarter toute restriction possible pour le devenir. »[2]


‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân reprend ce passage avant de faire le commentaire suivant : « C’est exactement ce que nous disons. Nous n’ajoutons pas une lettre à ce discours. Il est même plus catégorique que le nôtre ; il renferme le takfîr de certains points subsidiaires qui sont bien loin de la question sur laquelle nous divergeons…


Notre Sheïkh Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb établissait dans ses assemblées et ses lettres qu’il n’avait pas recours au takfîr avant l’iqâma el hujja… si telle était la tendance de notre Sheïkh – qu’Allah lui fasse miséricorde –, alors comment peut-on lui imposer… et prétendre qu’il kaffar sans faire de détail. »[3] Sulaïmân ibn Sahmân a retranscrit les paroles précédentes de son Sheïkh sans en faire le moindre commentaire, ce qui a valeur de consentement.


Plus loin, il répond à une accusation accolée à ibn ‘Abd el Wahhâb en disant : « Les paroles de Sheïkh el Islâm dans lesquelles il s’abstient de kaffar des cas particuliers font allusion à des questions bien précises, et pour lesquelles il est peut-être difficile pour certains gens de pénétrer les arguments… Leur opinion qui implique de renier les textes relève ainsi de la mécréance, mais nous ne taxons pas leur auteur de kâfir, car il est possible qu’une restriction fasse obstacle à notre jugement ; des restrictions comme l’ignorance, la méconnaissance du texte en question ou de ses arguments. Les Lois divines ne sont pas imposables aux hommes avant qu’elles ne leur soient parvenues.


Son texte [en parlant d’ibn Taïmiya] fait allusion aux innovateurs. D’ailleurs, il le dit explicitement lui-même. Après avoir exposé, en effet cette question où il cite certains leaders du kalâm, il conclut : « Il est possible, pour les questions subtiles, de ne pas kaffar le fautif, contrairement aux questions claires et évidentes, ou qui touchent aux notions élémentaires de la religion. Auquel cas, il devient un mécréant sans la moindre hésitation. » »[4]


Or, nous avons vu à maintes reprises qu’aux yeux d’ibn Taïmiya la notion de subtilité est relative ; celle-ci varie en fonction des époques, des endroits et des personnes. De nombreux passages de ses ouvrages vont dans ce sens. Il va jusqu’à donner des circonstances atténuantes à des ignorants influencés par le jahmisme et le monisme-panthéisme,[5] alors que, comme nous l’avons vu plus haut, il kaffar leurs leaders. Mieux, il va jusqu’à trouver des excuses à des ignorants imprégnés du dogme ésotérique, l’une des croyances les plus éloignées de l’Islam comme nous l’avons vu plus haut. Au sujet d’un autre passage d’ibn Taïmiya, ibn Sahmân dit explicitement : « Les paroles d’ibn Taïmiya sont vraies et incontestables. Un homme sensé, et à fortiori un savant, ne peut nullement les contester. Nous y donnons foi et c’est exactement notre croyance. »[6]


2- Sheïkh ‘Abd Allah Abâ Btîn tient également compte du ta-wîl dans les questions du takfir, lui l’auteur des paroles : « … un certain nombre de savants affirment explicitement qu’en le faisant (sortir les savants de l’Islam ndt.) par une erreur d’interprétation (ta-wîl), on ne devient pas mécréant. »[7] Ainsi, la plupart des légistes accordent l’excuse de l’ignorance aux kharijites, étant donné qu’ils ne les sortent pas de l’Islam !
Ailleurs, il établit que ces règles sont valables également pour les péchés qui ne font pas sortir de l’Islam : « Les textes de la menace divine sont vrais. Cependant, nous ne disons pas qu’un individu en particulier est concerné par cette menace. Nous ne vouons pas à l’Enfer un cas particulier affilié à l’Islam. Il est possible en effet que les conditions ne soient pas réunies dans son cas ou qu’une restriction vienne s’interposer. Il se peut notamment qu’il n’ait pas entendu parler de l’interdiction en question, etc. »[8]


Il explique également que la menace qui plane sur celui qui accuse injustement son frère de mécréant n’est pas forcément à prendre au sens propre. En s’appuyant sur une analyse d’e-Nawawî, il recense les différentes opinions avancées par les savants en explication à ces hadîth qui à première vue posent problème. Du domaine des grands péchés, le takfîr illégitime d’un musulman n’entre pas dans les annulations de l’Islam. Au nombre de cinq, ces interprétations résolvent ce problème. Interprétations que nous présentons comme suit :
  1. En autorisant moralement (istihlâl) à sortir un musulman de la religion, on devient un mécréant.
  2. Le péché de sortir quelqu’un de la religion revient sur l’auteur de l’accusation.
  3. Ces hadîth parlent des kharijites connus pour jeter la vindicte sur leurs coreligionnaires. Cette tendance est la plus faible, étant donné qu’aux yeux des grands spécialistes et de la plupart des savants, les kharijites ne sont pas des apostats. Ils ont le même statut que la plupart des innovateurs.
  4. Sortir quelqu’un de la religion ouvre la porte à la mécréance. En abusant des péchés en général, on risque de sombrer dans l’apostasie.
  5. L’accusation se retourne contre lui dans le sens où elle s’adresse à un musulman comme lui, et qui, de surcroit, n’a pas porté ce jugement contre lui.[9]


Wa Allah a’lam !

























[1] Dhiyâ e-Shâriq (p. 371-372).

[2] Majmû’ el fatâwa (1/113).

[3] Kashf e-shubhataïn (p. 75-76).

[4] Idem. (p. 83).Voir également : Kashf el awhâm wa el iltibâs d’ibn Sahmân (p. 48).

[5] Voir : E-rad ‘alâ el bakrî (2/494) et Majmû’ el fatâwa (1/113).

[6] Kashf e-shubhataïn (p. 68).

[7] E-durar e-saniya (10/360).

[8] E-durar e-saniya (12/89).

[9] E-durar e-saniya (10/360-364).


ÇáÓÇÚÉ ÇáÂä 07:13 PM.

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